Mon discours à DID à Londres

Publié le 03 juin 2014 par Jeanlucromero

Chers amis,
Décidément, plus que jamais, l’Angleterre mérite ce surnom de Perfide Albion qui remonterait à la bataille d’Azincourt. Auriez-vous manqué à un quelconque devoir chevaleresque ? Non, pas cette fois. Vous êtes seulement en train de gagner des batailles toujours si difficiles chez nous, pourtant pays des Droits de l’Homme. Sur le chemin de la liberté, si tortueux, vous avez en fait une bonne avance sur nous.
En effet, la Grande-Bretagne qui semble, vue de l’autre côté du Channel, la gardienne de toutes les traditions, n’en finit plus de sombrer dans une tourmente réformatrice, presque anarchiste. Pardon, je plaisante…
Car après avoir aboli la chasse à courre en 2005, vous venez de légaliser le mariage pour les couples de même sexe – sans que cela cause de troubles dans le pays comme cela fut le cas chez nous avec un déferlement homophobe – et vous vous apprêtez à légaliser le suicide assisté.
Le militant que je suis ne peut que saluer ces performances et vous dire mon respect et mon admiration pour le travail accompli. J’en profite pour féliciter les membres de Dignity in Dying pour votre remarquable travail.
Rappelez-vous. J’étais venu vous voir en mai 2013. Il y a un an. C’est d’ailleurs toujours au moment de mon stage linguistique londonien et j’espère que vous noterez l’amélioration de mon expression anglaise. Même si je conserve ce maudit accent français. Pardonnez-moi de maltraiter votre belle langue.
J’étais venu vous dire notre espoir d’obtenir, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République – souvenez-vous que nous avons coupé la tête de Louis XVI ! – conformément à son engagement de campagne, une loi de liberté autorisant une aide active à mourir. Je vous avais expliqué les moyens que nous déployions alors pour le soutenir et maintenir la pression.
Il semble pourtant qu’il lui soit difficile de tenir son engagement de campagne.Et plus de deux ans après son élection, rien ne bouge, rien ne se concrétise. Ses électeurs se sentent trompés. Cocus.

Pourtant, de commissions en rapports, de jurys citoyens en études, la question de la fin de vie mobilise toujours plus : les technocrates – qui rendent des avis souvent défavorables – et les Français – qui rendent toujours des avis favorables.
En France, nous vivons dans un pays dans lequel 94% des citoyens se déclarent favorables à la légalisation de l’euthanasie. 60% des médecins se déclarent favorables à l’euthanasie. Mais le Parlement, lui, ne se saisit pas encore de la question, pétrifiés que sont certains élus à l’idée de mettre dans la rue quelques manifestants ultraconservateurs, nostalgiques d’une époque où l’église catholique romaine décidait de notre vie, de la naissance à la mort, en passant par le bûcher des sorcières et les indulgences. Je comprends mieux à présent que, grâce à Henri VIII, vous ayez abandonné le Vatican.


Chers amis,

Décidément, plus que jamais, l’Angleterre mérite ce surnom de Perfide Albion qui remonterait à la bataille d’Azincourt. Auriez-vous manqué à un quelconque devoir chevaleresque ? Non, pas cette fois. Vous êtes seulement en train de gagner des batailles toujours si difficiles chez nous, pourtant pays des Droits de l’Homme. Sur le chemin de la liberté, si tortueux, vous avez en fait une bonne avance sur nous.

En effet, la Grande-Bretagne qui semble, vue de l’autre côté du Channel, la gardienne de toutes les traditions, n’en finit plus de sombrer dans une tourmente réformatrice, presque anarchiste. Pardon, je plaisante…

Car après avoir aboli la chasse à courre en 2005, vous venez de légaliser le mariage pour les couples de même sexe – sans que cela cause de troubles dans le pays comme cela fut le cas chez nous avec un déferlement homophobe – et vous vous apprêtez à légaliser le suicide assisté.

Le militant que je suis ne peut que saluer ces performances et vous dire mon respect et mon admiration pour le travail accompli. J’en profite pour féliciter les membres de Dignity in Dying pour votre remarquable travail.

Rappelez-vous. J’étais venu vous voir en mai 2013. Il y a un an. C’est d’ailleurs toujours au moment de mon stage linguistique londonien et j’espère que vous noterez l’amélioration de mon expression anglaise. Même si je conserve ce maudit accent français. Pardonnez-moi de maltraiter votre belle langue.

J’étais venu vous dire notre espoir d’obtenir, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République – souvenez-vous que nous avons coupé la tête de Louis XVI ! – conformément à son engagement de campagne, une loi de liberté autorisant une aide active à mourir. Je vous avais expliqué les moyens que nous déployions alors pour le soutenir et maintenir la pression.

Il semble pourtant qu’il lui soit difficile de tenir son engagement de campagne. Et, plus de deux ans après son élection, rien ne bouge, rien ne se concrétise. Ses électeurs se sentent trompés. Cocus.

Pourtant, de commissions en rapports, de jurys citoyens en études, la question de la fin de vie mobilise toujours plus : les technocrates – qui rendent des avis souvent défavorables – et les Français – qui rendent toujours des avis favorables.

En France, nous vivons dans un pays dans lequel 94% des citoyens se déclarent favorables à la légalisation de l’euthanasie. 60% des médecins se déclarent favorables à l’euthanasie. Mais le Parlement, lui, ne se saisit pas encore de la question, pétrifiés que sont certains élus à l’idée de mettre dans la rue quelques manifestants ultraconservateurs, nostalgiques d’une époque où l’église catholique romaine décidait de notre vie, de la naissance à la mort, en passant par le bûcher des sorcières et les indulgences. Je comprends mieux à présent que, grâce à Henri VIII, vous ayez abandonné le Vatican.

Pourtant, les drames de la fin de vie se succèdent dans notre pays. En ce moment se joue le destin d’un jeune homme, plongé dans un coma végétatif depuis plus de 6 ans. Sa femme avait obtenu des médecins qu’il soit débranché pour qu’il puisse enfin trouver la paix. Elle était épaulée par une large partie de la famille. Mais voilà que la mère, manipulée par une secte, la Fraternité Saint Pie X, trouve les attitudes de la Mater dolorosa et se met à réclamer à la face du monde le maintien en survie de son fils. Terrorisée, la justice a suspendu le protocole de fin de vie appliqué à ce jeune homme. Saisi en appel, le Conseil d’Etat a demandé des avis médicaux à des spécialistes qui ont conclu à l’irréversibilité des lésions.

A ce jour, le Conseil d’Etat n’a pas rendu sa décision. Acharnement thérapeutique ou sédation et mort de faim et de soif. Mais quelle qu’elle soit, il faudra garder à l’esprit :

  1. Que la justice administrative ne va pouvoir décider de la fin de vie des 66 millions de Français,
  2. Que l’alternative proposée – acharnement ou « laisser mourir » – est insupportable car source de souffrances, pour le patient lui-même comme pour ses proches,
  3. Que dans une démocratie laïque comme la France, un citoyen doit pouvoir décider lui-même de son destin.

Car rendez-vous compte, il m’est arrivé souvent d’être auditionné à l’Assemblée nationale, au Sénat, au Conseil d’Etat. Et bien il y a toujours des personnes, en bout d’argument, pour indiquer que la vie appartient à un être supérieur et que nul n’a le droit de décider de sa propre mort. Fin de la discussion rationnelle…

Imaginez le chemin que nous avons à parcourir encore pour arriver à une société apaisée, qui respecte les choix individuels, qui ne juge pas, qui ne méprise pas, qui ne stigmatise pas. Imaginez la pression qu’il faut maintenir pour que le Gouvernement, en France, comprenne qu’être un passeur pour les personnes en fin de vie n’est pas être un criminel. Que renoncer aux souffrances de la fin de vie et à l’agonie n’est pas une hérésie. Et peut-être, le plus évident, que la mort est la seule certitude de toute vie, et qu’il ne sert à rien de s’enfouir la tête sous le sable en refusant de préparer sa fin de vie.

Pour cela, nous encourageons nos 55.500 adhérents à interpeller leurs élus.

- Les parlementaires. C’est ce qui se fait à chaque réunion publique organisée dans nos 130 délégations. Je participe à une cinquantaine d’entre elles chaque année, et nous avons souvent à nos côtés des députés et des sénateurs qui nous apportent leur soutien. Mais j’observe que le soutien en province n’est pas le soutien à Paris, au Parlement. Dommage…

- le premier ministre et la ministre de la santé. Le premier a pourtant été l’auteur d’une proposition de loi pour légaliser l’aide active à mourir en 2009. Au moyen d’une lettre de type que nous insérons dans notre Journal, nos 55.500 adhérents sont invités à lui rappeler son engagement de 2009. Les membres de notre comité d’honneur – des intellectuels, des artistes, des politiques – dans une lettre ouverte envoyée le 5 mai dernier, ont fait la même démarche. Nous attendons sa réponse…

- le président de la République. Celui-ci a la chance de bénéficier de la franchise postale. C'est-à-dire qu’il est possible de lui écrire sans mettre de timbre sur l’enveloppe. Aussi, au moyen de cartes postales – comme celles que je vous ai apportées aujourd’hui – nos adhérents le rappellent régulièrement à ses engagements.

A noter que les Jeunes de l’ADMD sont de plus en plus nombreux et actifs, participant à des courses à pied au nom de l’ultime liberté ou à des manifestations culturelles, investissant tous les lieux où sont les Jeunes.

Pour ma part, inlassablement, je rencontre les responsables politiques, de la majorité comme de l’opposition, pour leur dire que les Français, quelle que soit leur appartenance politique (droite, gauche, extrême droite, extrême gauche, écologistes…) soutiennent très majoritairement notre proposition de loi, pour leur dire qu’une loi est la seule solution qui permet d’éviter les dérives générées par les situations de non-droit comme c’est le cas aujourd’hui en France, et que le droit de bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide assisté ne sera jamais une obligation.

Le mois de juillet sera crucial pour nous car nous saurons enfin si un projet de loi sur la fin de vie sera déposé ; nous saurons aussi si le Parlement nous conduira vers cette ultime liberté à laquelle les Français aspirent très majoritairement.

En attendant, je vous envie de vivre au Royaume-Uni.

A vous qui marchez vers le progrès, je dis ma joie et mon admiration.

A votre pays, si grand et si puissant, je dis mon respect devant sa capacité à évoluer.

A vous, encore, je donne un conseil. Ne coupez pas la tête de votre reine comme nous l’avons fait de notre roi. Votre monarchie est plus révolutionnaire que notre République. Et puis, comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans mon introduction, l’année dernière, elle porte de bien merveilleux chapeaux, et rien que pour cela, ce serait un grand tort de vous en priver !

Jean-Luc Romero