À quoi diable peut bien servir Montebourg ?

Publié le 17 juin 2014 par H16

On l’a vu avec les récentes déclarations faussement affolées de Valls, la gauche est en plein atermoiement, et le PS ne sait plus exactement où il va, où il habite ni qui il est vraiment. Ces questions existentielles, aussi importantes soient-elles, restent heureusement hors d’atteinte de certains membres du gouvernement à commencer par Arnaud Montebourg qui, tout heureux de pouvoir passer dans les médias et de gambader sa chevelure bouclée dans les locaux du ministère de l’Économie, ne se préoccupe en rien de savoir si son existence remplit un but quelconque.

Et finalement, il a bien raison de ne pas s’en faire. Tel un Didier de cinéma, notre Nono national, la truffe humide et le port altier, trottine allègrement d’un sujet à l’autre pour montrer que, wooof, il a quelque chose à dire.

C’est ainsi que, la semaine dernière, il prend une position aussi radicale qu’iconoclaste sur le système bancaire, et déclare qu’il faut, selon lui, trouver des moyens de drainer l’épargne des Français vers les PME sans passer par les banques, qui refusent de prendre des risques en les finançant. La réalité, composée pour lui et à l’exclusion de toute autre chose d’une baballe, d’une gamelle et d’un immense champ de verdure dans lequel il pourra batifoler, ne résistera pas à ses injonctions puissantes et devra bien s’accommoder de ce qu’il a décidé pour elle. Et c’est donc avec l’aplomb que seuls de parfaits idiots peuvent rassembler qu’il déclare, entre deux galipettes dans l’herbe fraîche :

« Nous venons de mettre fin au monopole bancaire à travers le financement participatif et le crowdfunding. Mais il y a aussi d’autres mécanismes qui permettent de financer les PME sans passer forcément par le secteur bancaire. (…) Nous pensons qu’il est nécessaire maintenant que la France décide de se passer de son système bancaire. »

La réalité printanière selon Arnaud est décidément fort simple. Le crowdfunding a mis fin au monopole bancaire, ça, c’est fait, et puis on va devoir se passer de système bancaire, voilà, c’est dit, pas de discussion, passons à autre chose. Frétillance. Roulade. Baballe.

Et alors que les trèfles et les brins d’herbe ne sont pas encore retombés de ses précédentes cabrioles joyeuses, Nono bondit sur le sujet suivant, le précédent gisant maintenant, baveux et tout mordillé de partout, abandonné aux médias et aux Français qui se demandent exactement ce qui a bien pu se passer. Et, woof woof, cette semaine, ce sera la Commission européenne qui servira d’os en latex puisque cette méchante institution s’évertue à brider les idées expansionnistes de Nono. Pour lui, c’est limpide, la Commission s’opposerait de nos jours à la création d’un Airbus, c’est évident. Et c’est pourquoi il ne mâche pas son os ses mots à son égard lorsqu’il évoque le douloureux dossier « Alstom/Siemens », pour lequel il s’agite frénétiquement depuis quelques semaines, avec le succès plus que mitigé qu’on lui connaît. Car Nono, je vous le rappelle, sait ce qui est bon pour les propriétaires d’Alstom, mieux qu’eux-mêmes !

Nono, il a la truffe aiguisée pour trouver les bons partenariats comme avec Siemens. Nono, il ne veut pas du gros matou General Electric dans son jardin, et il aboie donc d’autant plus fort pour faire fuir l’impétrant. En plus, ça tombe bien, pour une fois, un brave berger allemand a cru bon de le rejoindre dans ses gambades échevelées. Et si ce n’est pas totalement en faveur de Siemens (pour l’Allemand, ce serait peut-être un peu de l’ingérence, ce qu’ils évitent outre-Rhin), c’est clairement pour damer le pion d’un Américain (Boeing en l’occurrence) : les deux ministres lancent en effet un appel aux États-Unis pour qu’ils s’engagent à ne pas subventionner l’avionneur, histoire d’avoir une concurrence fair-play.

C’est fort mignon (même si le jouet, mâchouillé, émet des couinements stridents), mais cela ne permet toujours pas d’approcher d’une réponse opérationnelle à la question pourtant essentielle : à quoi sert réellement Montebourg ?

Contrairement à ce qu’il prétend, il n’a pas sauvé d’emplois. Si l’on peut voir l’emploi sauvé ici, on ne verra pas l’emploi détruit là par les bidouilles étatiques du ministre. Tout au plus, par capitalisme de connivence et petits pistons à droite ou à gauche a-t-il déplacé des menaces d’une entreprise vers une autre, distordant un peu plus l’un ou l’autre marché dans lequel la législation française avait déjà fait des dégâts, mais la réalité est plus pastel, et derrière les chiffres ronflants d’emplois soi-disant sauvegardés se cachent les milliers d’entreprises qui couleront de toute façon, avec ou sans les efforts de Nono pour hâter leur sort.

S’il a envoyé un message clair au reste du monde sur les entreprises françaises, c’est qu’elles ont bien du mérite à travailler sur un sol ou s’ébroue si bruyamment un tel ministre, où la fiscalité change à la semaine, et où les bases du capitalisme et de la propriété privée sont tous les jours à la merci d’un décret ou d’une humeur changeante du remuant mammifère velu aux commandes de Bercy.

Et question entregent et finesse d’analyse industrielle, on continue d’aligner les dossiers où ses pirouettes audacieuses se sont toutes terminées par des désastres.

En réalité, tout montre qu’en tant que politicien placé à l’économie ou au redressement de trucs et de machins, Arnaud Montebourg ne sert à rien. Limite, il encombre. Il gêne. Il incommode et agace. Il irrite les uns, faire rire les autres, mais n’a gagné, durant ces deux ans en poste, aucune légitimité, si ce n’est, éventuellement, auprès de Head & Shoulders ou Garnier, au rayon shampoing.

En revanche, il a largement gagné ses galons d’accessoire promotionnel, d’homme-sandwich ou de politicien-objet. Très mal utilisé par Hollande qui n’a de toute façon aucun talent pour diriger quoi que ce soit, il a en tout cas trouvé, auprès d’industriels astucieux, une utilité remarquable. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Xavier Niel lui-même. Il l’a même expliqué en détails lors d’une conférence donnée en mai à Polytechnique : Montebourg a été proprement utilisé par l’équipe communicante de Free pour aider au lancement de son offre 4G, avec succès (voir la vidéo à partir de 23:52).

Eh oui : correctement employée, l’énergie débordante du bouillant politicien permet de réellement créer de la richesse, même si, on en conviendra, le truchement par lequel on y parvient n’est ni à la portée du premier venu, ni particulièrement simple, bien que prévisible. Bon, évidemment, quand ça se sait, cela rend l’accessoire un peu ronchon et le procédé plus difficilement réutilisable, mais cela n’empêche pas d’admirer la performance.

Ceci montre cependant que Montebourg est la partie saillante et visible de ce que sont devenus, réellement, les politiciens. De façon pratique, ils ont une grande difficulté à expliquer leur présence aux postes gouvernementaux autrement que pour l’apparat. D’une part, l’administration dont ils ont la charge est suffisamment lourde et empesée de ses habitudes, querelles de chapelles et autres compromis syndicaux intouchables que toute action réellement déterminée de leur part est très vite stoppée dans la mélasse institutionnelle et bureaucratique. D’autre part, la survie à leur poste n’est assurée que tant qu’ils limitent la grogne des Français, et permettent raisonnablement d’assurer leur réélection ainsi qu’une entente cordiale avec le reste des appareils politiques dont ils sont issus. À cette aune, difficile de ruer dans les brancards.

Montebourg, politichien rigolo, plein de santé et parfaitement imperméable aux réalités économiques, illustre à merveille l’impuissance molle des membres du gouvernement. Sans principes si ce n’est celui qu’il faut gouverner pour gouverner, sans idées, sans direction, sans appui du peuple et sans perspective d’avenir, ils s’agitent tous pour occuper la galerie.

Woof, woof.

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