Hacker le musée en le visitant

Publié le 17 juin 2014 par Aude Mathey @Culturecomblog

Vous connaissez très probablement déjà Museomix, l’événement collaboratif et de co-création dans les musées qui a vocation à les hacker ou tout du moins faire intervenir le public au sein des collections afin de susciter un dialogue de l’institution sur elle-même et ses rapports avec les publics.

Vous avez déjà entendu parler de hackers, ces codeurs (ou décodeurs) qui s’amusent à enfoncer les barrières de sécurité des sites internet ? Vous avez déjà entendu parler de hackathon ?

Un hackathon est un événement où des développeurs se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, sur plusieurs jours. Le terme est un mot-valise constitué de hack et marathon.

C’est à l’origine un rassemblement de développeurs organisés par équipe autour de porteurs de projet avec l’objectif de produire un prototype d’application en quelques heures. Sous forme de concours chronométré, l’équipe gagnante est généralement désignée par un jury à l’issue du temps imparti. La référence au Marathon se justifie par le travail sans interruption des développeurs pendant deux jours. Le repos n’a pas vraiment sa place dans ce type d’évènement !

Wikipedia.

Tout cela est très technologique me direz-vous. Alors hacker le musée sans technologie, est-ce possible ? Selon Nick Gray, ça l’est et il le prouve avec des visites de musée d’un nouveau genre avec Museum Hack.

Des visites d’un nouveau genre ?

Museum Hack est né il y a environ un an. Créé par Nick Gray, qui à l’origine n’aimait pas les musées mais a eu une expérience assez unique un soir au Met, Museum Hack a pour mission de vous faire aimer le musée. Les visites sont réalisées par des guides qui se doivent d’être charimastiques, amusants et bien s’adapter à leur public au Met Museum à New York et au Musée américain d’histoire naturelle.

I’m more interested in the people who aren’t coming to the museum.
Nick Gray

Avant de créer son entreprise et de recruter des guides à tour de bras, Nick a d’abord testé sa formule de visite décalée sur un groupe d’amis, lors de son anniversaire, en mettant l’accent sur les dix choses qu’il aimait dans le musée et qu’il aimerait voler.

Le concept est en effet très amusant et a justement permis de créer beaucoup d’échanges avec les amis qui l’accompagnaient. Le concept a ensuite bénéficié du bouche-à-oreille, conduisant ainsi Nick – qui travaillait à l’époque – à passer ses samedis et ses dimanches au Met pour ses visites guidées.

Visite avec Museum Hack crédits : Museum Hack

De là est né le concept de Museum Hack.
Nick Gray propose des visites privées et familiales (39$ par personne pour la visite), des visites VIP (avec champagne – 89$), des enterrements de vie de jeune fille de 70$ à 99$) et des visites de team building pour les entreprises (à partir de 79$). Le spectre des visites est donc assez large et se démarque (notamment par l’expérience que l’on fait vivre au visiteur ou tout simplement par le type de visite) des tours proposés par les musées.
Le public cible, du fait du prix des visites (sans compter qu’il faut ajouter le don « recommandé » de 25$ au Met), est principalement les CSP+, habitant New York, entre 21 et 39 ans (du fait des visites).

Les musées (que ce soit le Met ou le Musée américain d’histoire naturelle) ne sont pas partenaires de Museum Hack. C’est-à-dire qu’ils n’offrent pas de tarifs spéciaux pour ce genre de visite, de lui font pas de publicité et ne touchent donc pas de commission sur le revenu, alors que bien souvent le public de Museum Hack qui se rend à ce genre de visite correspond au public de jeunes donateurs de ces musées.

Ainsi, une des dernières visites réalisées par Museum Hack s’est faite auprès d un public issu du milieu de la finance. La visite s’est par conséquent déroulée autour des oeuvres pour lesquelles le Met avait déboursé le plus de fonds.

Des visites de musées pour des gens qui détestent le musée

Nick Gray a choisi dès le départ un positionnement assez clair : réaliser des visites de musées pour des gens qui n’aiment pas le musée. Ce positionnement, qui n’a rien de très évident pour se faire connaître quand on y pense, lui permet de cibler une audience très large. A part, quelques publicités sur Twitter, c’est le bouche-à-oreille qui s’est révélé être le plus efficace (et peut-être certains articles dans Newsweek ou Forbes) ainsi que les commentaires sur Tripadvisor.

#163755563 / gettyimages.com

Les visites s’articulent autour d’un principe assez clair : il faut que les visiteurs puissent prendre du bon temps au musées, s’amuser tout en apprenant quelque chose (et pas forcément sur l’histoire de l’art).

Et pour le futur ?

Museum Hack cherche également à étendre ses activités. Ils ont ainsi une mission de conseil auprès de la Reynolda House pour les publics qui ne viennent pas au musée. Museum Hack connaî maintenant sa cible et ses clients et c’est ce service qu’il souhaite proposer aux institutions muséales.

Le Met, de son côté, commence lui aussi à proposer des visites lors des nocturnes et à faire évoluer leurs visites guidées. Mais Nick Gray sait rester modeste : « Il y a plein de gens formidables au Met et cette tendance était sûrement prévue depuis quelque temps. Nous nous centrons uniquement sur les publics qui s’ennuient au musée ».