The lost villages

Publié le 19 juin 2014 par Pomdepin @pom2pin

Je ne sais pas vous, mais après cette débauche de Royals, j’avais envie de relever un peu le niveau…ils sont bien gentils, avec leurs chapeaux avec ou sans plumes, leur salopette, leurs embrassades familiales devant les médias aux courses hippiques (et oui, cette fois, c’est Harry, Zara et son mari qui font la une, il n’y a pas un jour sans que la presse ne nous abreuve de la vie trépidante des Royals) , mais j’ai l’impression de jouer les journalistes people. Et il y avait longtemps que je n’avais pas massacré l’histoire de l’Angleterre. Heureusement, je suis tombée sur un article de la BBC ici, à propos des villages disparus dans la campagne anglaise. J’en avais déjà entendu parlé, dans Time Team, une émission d’archéologie culte. Pré Ado et moi sommes de grands fans: une bande d’archéologues agités de la truelle débarquent dans un bled paumé ou au milieu d’un champs. Ils n’hésitent pas à pousser des moutons innocents ou à défoncer les jardins alentours pour se mettre à creuser comme des fous en poussant des haut cris devant les caméras. Dès qu’ils trouvent un bout de caillou vaguement médiéval, ou un éclat de poterie saxonne, ils affirment, sans rire, qu’on se trouve en présence des restes d’un palais à trois étages, au moins. D’ailleurs, c’est bien simple, l’inclinaison de cette touffe d’herbe prouve qu’il y avait un escalier là. Et oui…

Mais revenons aux lost villages qu’on devine sous les champs. Les creux et les bosses tracent le plan des maisons, les rues, les enclos des animaux, les contours de l’église. C’est assez émouvant de se dire qu’un village entier est englouti sous la verdure. La plupart sont apparus entre le 9 et le 10 siècle et sont mentionnés dans le Domesday book. Beaucoup ont disparus aux alentours du 14 siècle pour des raisons diverses, souvent économiques, parfois à cause de la peste (c’était une période très riante quand même!) ou parce que le seigneur du coin voulait récupérer ses terres et qu’on ne va s’embarrasser avec une poignée de ploucs même pas nobles dont les cahutes gâchent la vue depuis le donjon, non mais! … Ces champs viennent d’être scheduled, classés aujourd’hui, c’est à dire qu’on ne peut plus les exploiter ni creuser le moindre trou, sauf à être archéologue bien sur.

Bref, tout ça me donne l’occasion de parler du Domesday Book. C’est une référence, un manuscrit immortel dans l’histoire anglaise. Quand Guillaume est arrivé en 1066, en touriste, c’était la pagaille. C’est bien joli d’envahir un pays mais il faut encore s’y repérer. Ce serait ridicule pour un conquérant de se perdre au premier carrefour venu. Et Guillaume était très gentil, il faisait plein de cadeaux à ses petits copains, un bout de terre piqué aux saxons par ci, un château arraché à Harold par là. Ça aurait été ballot de donner deux fois le même, suite une erreur administrative regrettable. Son prestige de conquérant s’en serait ressenti, c’est certain. Malheureusement, à l’époque, pas de Google map, et il faut bien le dire, la technologie du satnav n’était pas encore au point (ils se servaient de rapaces au lieu de satellites, c’est ridicule). Guillaume/William en a eu marre, il a donc décidé en 1085 de commissionner un grand livre. Il a fallut un an aux inspecteurs du recensement pour pondre le Domesday Book qui n’est donc rien de plus qu’un annuaire illustré.


(Ce n’est pas le vrai!…)

Guillaume/William n’a pas fait ça uniquement pour épater les historiens ou ennuyer des générations d’écoliers. Figurez-vous qu’envahir un pays, ça occasionne des frais. Déjà, il a fallut prévoir une sorte de croisière spectacle avec chevaliers et montures, vu que les wagons à bestiaux le shuttle sous la manche ne fonctionnait pas encore. Bien sur, en grand visionnaire, il a pensé à organiser une campagne marketing osée, avec banderole publicitaire (qu’on peut toujours voir à Bayeux je crois) mais quand même. Et puis les saxons n’ont pas voulu s’effacer comme ça, alors que leur roi Harold avait pourtant un nom ridicule. Il a fallut les massacrer un peu, et là encore, ça coûte (un bras si on était saxon, voir plus). C’est pas le tout de se décarcasser à civiliser ces barbares, à leur construire des tas de jolis châteaux forts partout (et donc développer l’industrie du tourisme, l’English Heritage peut dire merci!) pour leur flanquer une peignée les convaincre gentiment de ne pas se rebeller, il faut penser à soi un peu. Le Domesday Book recense donc tous les settlements, villages, villes et seigneuries, et définit les impôts que ces braves gens devaient au roi. Ben oui, faut pas rigoler non plus, Guillaume/William ne faisait pas dans le bénévolat.

On notera aussi que ce sont des français qui ont créé ce trésor administratif anglais! Avant Guillaume, tout le monde était tranquille, pas d’impôts organisés. Des français reprennent la boutique, et on croule sous les papiers administratifs.