Kho-Kho René Corail: Hommage aux luttes du peuple martiniquais

Publié le 21 juin 2014 par Aicasc @aica_sc

Martinique
Fort-de-France, Place du 22 Mai

KhoKho René Corail
© Photo Dino Feigespan

La statue de Kho Kho René-Corail, Hommage aux luttes du peuple martiniquais, a été acquise par la Ville de Fort-de-France et installée Place du 22 Mai à Trenelle. Inaugurée le 22 Mai 1971, cette statue de fer forgé représente une femme qui soutient d’une main son enfant mort tout en brandissant de l’autre main une arme pour continuer la lutte.
La Ville possède également une version picturale de cette œuvre.
La statue qui symbolise la libération des esclaves et qui se trouve à la place du 22 mai à Trénelle, quartier populaire de Fort-de-France est l’œuvre de Joseph René-Corail artiste contemporain militant. Cette œuvre, comme toutes les œuvres majeures de Kho-Kho René Corail, qu’il s’agisse de sculpture ou de tableau, n’a pas fait l’objet d’une commande mais a littéralement jailli du génie de l’artiste et de son besoin de créer d’exprimer son histoire et sa nature.

KhoKho René Corail
© Photo Dino Feigespan

Pour dépeindre cette œuvre d’une force et d’une vitalité remarquables et en qualifier l’auteur laissons parler Aimé Césaire:
Et maintenant regardez la statue de René –Corail : c’est une femme, une négresse, peut-être la Martinique qui, soutenant son enfant blessé d’une main, peut-être son enfant mort, brandit de l’autre main une arme, elle ne pleure pas, elle se bat…
Regardez et souvenez-vous des autres statues de la liberté que vous avez vues et qui commémorent le même évènement.
Rappelez-vous la statue de Schœlcher qui est devant le Palais de la justice de Fort-de-France : c’est une jeune fille dont les chaînes viennent de tomber et qui envoie un baiser de reconnaissance à Victor Schœlcher, lequel l’enveloppe d’un grand geste paternel plein de bonté de l’autre main lui montre le chemin. L’œuvre est assez belle. Mais retenez l’inspiration, c’est l’œuvre d’un blanc.
Et puis maintenant comparez la statue de René –Corail, artiste martiniquais. Ici le nègre n’est plus l’objet, il est sujet.
Il ne reçoit plus la liberté, il la prend. Une grande négresse, l’arme à la main, maniant son arme comme ses ancêtres la sagaie. Et bien, cela c’est la vision martiniquaise de la libération des nègres. Et seul un nègre pouvait l’avoir.
Et c’est parce que René-Corail l’a rendue, cette vision avec fougue et éclat, que je salue en lui un grand artiste nègre et un grand sculpteur antillais.
De fait en dénommant l’espace qui accueille la statue Place du 22 mai 1848 la municipalité de Fort-de-France conduite par Aimé Césaire a voulu marquer de façon officielle que, si l’action de Victor Schoelcher aboutit au décret d’abolition du 27 avril 1848, l’acte générateur qui entraîna la libération de fait des esclaves avant même la promulgation du dit décret est bel et bien le soulèvement des intéressés de Saint-Pierre, sanctionné par l’arrêté du 23 mai 1848 du Gouverneur Rostolan dans son article d’un laconisme édifiant :
Article 1er : l’esclave est aboli à partir de ce jour à la Martinique.
Par cette inauguration solennelle, Césaire a voulu rétablir l’histoire et rendre hommage à tous les esclaves dont les révoltes successives ont préparé et arraché l’émancipation. Victor Schœlcher d’ailleurs n’en fait pas mystère :
Voyez la Martinique seule et sans remonter plus haut que 1811 :
En 1811 Révolte
En 1822 Révolte
En 1823 Révolte
En 1831 Révolte plus la conjuration générale, elle éclate au cri de la liberté ou la mort. En trente ans quatre, cinq insurrections nègres.

KhoKho René Corail
© Photo Dino Feigespan

L’initiative foyalaise du 22 mai 1971 a rempli son rôle;  de nombreuses communes ont suivi son exemple. La date fut choisie par plusieurs maires comme jour de congé pour les écoliers, mais pour le personnel municipal, les syndicats l’insérèrent dans leurs revendications et l’Assemblée Nationale élue dans la foulée de l’élection de François Mitterrand en 1981 entérinera le 22 mai comme jour chômé et férié à la Martinique.
Khokho René-Corail en concevant dans son atelier cette œuvre forte et significative dont la vigueur esthétique suscite l’admiration et l’émotion, a parfaitement rempli le rôle de visionnaire du poète et de l’artiste.

Cet article a été publié dans la revue ARTHEME n°18 en 2007