10. John Minton

Publié le 20 mai 2008 par Daniel
Les humeurs apériodiques de Bernard Alapetite


Remarque préalable : toutes les images de cette chronique sont cliquables pour être agrandies.


John Minton, né en 1917 près de Cambridge, est un peintre qui a abordé aussi bien le portrait que le paysage avec une prédilection à ses débuts pour les sites urbains et industriels. Il a pratiqué l'huile et l'aquarelle. Mais il fut aussi un illustrateur, un graphiste et un concepteur de décors de théâtre. Il est par ailleurs membre de la célèbre famille des céramistes et porcelainiers Minton et aussi un talentueux musicien de jazz !
Il a fait ses études à St John's Wood School of Art entre 1935 et 1938, lorsqu’elle était dirigée par P.F. Millard et Kenneth Martin. Entre 1938 et 1939, il s'est rendu en France, où il a partagé un atelier à Paris avec le peintre et écrivain Michael Ayrton. Lors du déclenchement de la guerre, Minton se déclare objecteur de conscience. Mais rapidement, il change d’avis et rejoint le Corps des Pioneer. Il est démobilisé en 1943 et ne se consacre à partir de cette date qu’à son art.
Minton, au début, axe son travail sur le paysage urbain. Pour ses repérages, il découvre au cours de ses escapades nocturnes autour de Londres une activité homosexuelle vécue dans la clandestinité.
On peut remarquer la démarche très anglaise de cette attirance de la bourgeoisie (le père de Minton est avocat) pour la classe ouvrière qu’il serait réducteur de circonscrire à la seule problématique sexuelle. Ce mouvement est perpétué aujourd’hui par les grands cinéastes britanniques.




En collaboration avec Ayrton, il a conçu les décors et les costumes en 1941 pour le Macbeth de John Gielgud. De 1943 à 1946, Minton partage un atelier avec les « deux Robert », Colquhoun et MacBryde, au 77 Bedford Gardens. Dans le même bâtiment, habitaient alors le peintre Jankel Adler et le génial écrivain John Wyndham, auteur entre autres de La Guerre des Triffides et Les Coucous de Midwich. John Minton, entre 1946 et 1952, partage une maison avec Keith Vaughan. Il connaît un succès rapide et devient une “figure” de Soho. Au début des années 50, il était devenu en angleterre le plus admiré et influent illustrateur de son temps.

À cette époque, entre 1950 et 1952, Minton vit ouvertement avec son amant Ricky Stride, un ex-marin bodybuildé. Leur relation est instable et s'est terminée à la suite de bagarres presque journalières. 

De 1943 à 1946, Minton a enseigné à Camberwell School of Art, puis de 1946 à 1948 à l'École centrale et de 1948 à 1956, au Royal College of Art.


Le peintre a fait un certain nombre de voyages outre-mer, à fin des années 1940 et au début des années 1950. Il se rend en Corse, aux Antilles, à la Jamaïque, puis au Maroc et en Espagne. Ces voyages ont une forte incidence sur son travail et font qu’il diversifie ses sujets et que sa palette s’éclaircit.
Il a été une figure centrale, avec Vaughan et John Craxton, du mouvement néoromantique anglais des années 1940. Remarquable dessinateur, il a réalisé un prodigieux nombre de dessins, d’illustrations et de peintures. Il a fait de nombreuses expositions personnelles. Il participe aussi régulièrement à des expositions de groupes à la RA, RBA et LG. Il a également exposé à New York à partir de 1948. Son œuvre est représentée dans de nombreuses collections publiques, dont celle de la Tate Gallery.

L’homosexualité de Minton a eu une grande influence sur son travail. L'un de ses principaux thèmes était la figure des jeunes hommes. Comme beaucoup de gays issus de la classe moyenne de sa génération, Minton a été à la recherche d’un mâle idéal. Cette quête se manifeste dans le choix de ses sujets. Il représente une classe ouvrière idéalisée et peint des archétypes de la masculinité triomphante tels que les horses guards ou les matadors.




Le 12 janvier 1950, Le Listener publie une lettre de Minton qu’il a écrit en réponse à une critique d'une nouvelle biographie d'Oscar Wilde par Herbert Read  dans laquelle le Dr Marie Stopes parle de la sexualité de Wilde et dénigre ses relations avec Lord Alfred Douglas. Outré, Minton souligne l'énorme contribution apportée à la société par des homosexuels et rappelle que la loi qui a fait emprisonné Oscar Wilde est encore en activité. Dans sa lettre, il plaide pour une « une attitude plus saine à l'égard des homosexuels dans la société ».



Malgré sa production pléthorique, son apparence d'homme énergique et personnage charismatique, il  souffre de dépression et de mélancolie. Vers la fin de sa vie, Minton a commencé à exprimer une obsession de la mort. Il est particulièrement ému par la mort de James Dean. Son dernier tableau, qui est resté inachevé, est inspiré par un accident de voiture qu'il avait vu en Espagne, mais aussi, dit-il à son ami Ruskin Spear, par celui qui a tué James Dean. Il intitule son tableau "Composition : La mort de James Dean", en septembre...


La popularité croissante de la peinture abstraite au détriment du travail figuratif exacerbe ses problèmes personnels. Il devient de plus en plus dépendant de l'alcool. Il met fin à ses jours en janvier 1957 par une overdose de médicaments.


La peinture de Minton est très datée 1950 et on peut y voir des convergences aussi bien avec celle de Bernard Buffet, première manière, qu’avec celle de son compatriote Graham Sutherland surtout en ce qui concerne la composition, très sûre, de ses tableaux. En écrivant “daté”, je m’aperçois ce qu’aujourd’hui cette remarque a de ridiculement péjoratif, alors que les œuvres de Rubens, de Rembrandt ou de Poussin, par exemple, sont tout aussi datées (et heureusement), mais presque toujours le spectateur d’aujourd’hui est incapable de discerner les événements et l’air du temps contemporains aux tableaux qui marquent ces peintures, alors que pour le XXe siècle, il est encore en mesure (mais pour combien de temps ?) de lire les influences et les péripéties qui sont en filigrane de la peinture moderne et contemporaine. On voit bien que l’on peut s’attendre dans les décennies à venir à des reclassements drastiques dans la hiérarchie artistique du XXe siècle. Il faut seulement espérer que celles-ci ne se feront pas sur l’ignorance de l’histoire et en particulier sur l’histoire de l’art.

Minton est malheureusement peut-être aujourd'hui plus connu par le portrait de lui peint en 1952 par Lucian Freud que pour sa propre peinture.


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Minton peint par Julian Freud
France Spalding lui a consacré un ouvrage.