[Critique] LES ÉVADÉS

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] LES ÉVADÉS

Titre original : The Shawshank Redemption

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Frank Darabont
Distribution : Tim Robbins, Morgan Freeman, Bob Gunton, William Sadler, Clancy Brown, Gil Bellows, James Whitmore, Mark Rolston…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 1er mars 1995

Le Pitch :
Maine, États-Unis, 1947. Andy Dufresne, un jeune banquier, est condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de sa femme ainsi que celui de son amant. Incarcéré à la prison de Shawshank, il va faire la rencontre de Red…

La Critique :
Les Évadés fête ses 20 ans cette année ! Et malgré le temps qui passe, le film reste toujours très présent dans les esprits. Sorti le 1er mars 1995, ce dernier n’a pas du tout été un succès commercial, écopant même de certaines critiques négatives. Quand on sait qu’il est désormais considéré comme l’un des meilleurs films de tous les temps, on se dit que les œuvres cinématographiques peuvent vraiment avoir plusieurs vies, et traverser les époques. Il a d’ailleurs été premier des locations vidéos l’année qui a suivi sa sortie. Il est également extrêmement bien noté sur les sites de référence, et bénéficie d’un large public. Il est aujourd’hui considéré comme un classique.

À l’origine, c’est Stephen King qui a écrit le récit. En effet, Les Évadés (The Shawshank Redemption, de son titre original) est adapté d’une nouvelle intitulée Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, publiée dans le recueil Différentes Saisons paru en août 1982. Stephen King est un auteur prolifique et inspirant, et ses écrits ont souvent été adaptés au cinéma. Parfois avec brio, parfois pas ! Pour n’en citer que quelques-uns, qui ne se souvient pas de Shining ? Impossible d’oublier un film pareil une fois visionné ! Réalisé par Stanley Kubrick en 1980, le long-métrage glace encore le sang rien que d’y penser. Carrie, le premier roman publié par Stephen King, a également était adapté plusieurs fois, sous différents formats. Pour les plus marquants on pourrait aussi parler de Misery ou encore du téléfilm Ça bien sûr, qui a traumatisé une génération toute entière, et qui continue d’être franchement flippant même aujourd’hui. Une nouvelle adaptation est d’ailleurs en cours avec le talentueux Cary Fukunaga aux manettes, mais rien ne transparaît pour le moment. Inutile de tous les citer, car nombreux sont les récits de l’écrivain de génie qui ont été adaptés, que ce soit sur grand ou petit écran. L’imaginaire foisonnant de l’écrivain est un réservoir d’idées qui ne cesse d’être exploité.

Cependant, un réalisateur a adapté par trois fois l’auteur à succès. Et ce réalisateur c’est Frank Darabont. Avec Les Évadés, il a également adapté La Ligne Verte, appartenant lui aussi à la classe des chef-d’oeuvre qui ont traversé les années sans prendre une ride. Puis, plus récemment, il a réalisé The Mist, adapté de la nouvelle intitulée Brume, du recueil du même nom. Frank Darabont est très respecteux de l’oeuvre de Stephen King, et parvient à adapter les histoires de ce dernier avec un talent incroyable, et une sincérité déconcertante. L’amitié entre les deux hommes doit certainement y être pour quelque chose. Le respect qu’ils ont l’un envers l’autre également.

Aujourd’hui Les Évadés bénéficie d’un immense succès populaire, et à cela plusieurs raisons. Tout d’abord le film démarre très fort avec la scène d’arrivée d’Andy à la prison de Shawshank, qui constitue à elle toute seule l’une des plus belles séquences filmées au cinéma. Ce moment magistral est accompagné par le maestro Thomas Newman qui a composé la bande originale du film, et qui a ensuite également signé celle de La Ligne Verte. Ses compositions virtuoses magnifient le long-métrage déjà pourvu d’un scénario superbe, tout en l’ancrant dans un lyrisme vibrant. Qu’elle rythme le récit de manière harmonieuse ou qu’elle porte un symbole de résistance, la musique a de toute façon une place primordiale dans le film, auquel elle confère une atmosphère unique.

Les dialogues sont quant à eux toujours de haut vol, et resteront certainement encore longtemps gravés dans les mémoires. Inspirants et salvateurs, ils prodiguent de nombreuses réflexions sur des thématiques fortes. La notion de liberté qui est le thème central du film, est abordée de manière assez stupéfiante car elle questionne notre propre conception de celle-ci. Cette vision va plus encore plus loin en questionnant nos aliénations sociales, qui d’une certaine façon nous institutionalisent tout comme le personnage de Red. Alors qu’Andy bien que physiquement emprisonné et privé d’une bonne partie de ses désirs, jamais ne perd sa liberté profonde allant même jusqu’à la recréer en prison. Jamais il ne désespère, et jamais ou presque il ne se laisse décourager. Viscéralement c’est un homme libre, ce qui peut interroger frontalement nos façons de percevoir les choses.

Le premier film du talentueux Frank Darabont véhicule un fort message d’espoir qui loue les qualités de la persévérance. L’esprit solide et endurant d’Andy le pousse à se dépasser ainsi qu’à franchir l’infranchissable, et ses visions inspirantes agissent comme une bouffée d’air pur absolument requinquante. Par le biais de ce personnage, le film cultive pleinement l’idée du positivisme à toute épreuve, plutôt que du défaitisme. Mais au delà de ce positivisme, il y a la réalité de la prison. Âpre et froide, cette réalité est parfois mise en scène lors de moments difficiles, lorsqu’Andy fait les frais d’une inhumanité assez perturbante. La corruption venant des gardiens ou des dirigeants (qui peut exister dans la réalité des institutions carcérales) est aussi épinglée au passage. À ce sujet, on retrouve dans le film une réplique d’Andy qui se suffit à elle-même : “À l’extérieur j’étais un homme honnête, j’ai du aller en prison pour devenir un escroc ”. L’histoire de Red qui est le personnage central et le narrateur de l’histoire, permet d’aborder la question de la réinsertion des détenus, ainsi que de leur réhabilitation, de la manière la plus intelligente qu’il soit.

Mais avant toute chose, Les Évadés raconte surtout une histoire d’amitié. Une amitié profonde et sincère basée sur le respect et l’intégrité, qui porte toutes les valeurs que veut transmettre le métrage. À savoir des valeurs de solidarité et d’entraide qui ancrent le film dans une dimension humaine, palpable dès les premières minutes. Finalement cette amitié qui s’inscrit dans la durée, prédomine sur tout le reste. L’histoire offre deux grands rôles à l’intègre Morgan Freeman et au mystérieux Tim Robbins, deux acteurs très talentueux et plus qu’à la hauteur pour cette mission. Leurs échanges dans le film, toujours émotionnellement forts, laissent une empreinte impérissable dans les cahiers du septième-art. Et si ces deux grands acteurs qui incarnent Red et Andy sont formidables, les personnages secondaires ne sont pas en reste. En effet, ils apportent tous quelque chose de fondamental. À commencer par James Whitmore qui incarne Brooks Hatlen, personnage beaucoup plus important dans le film que dans la nouvelle, ou encore Gil Bellows qui part le biais du personnage de Tommy Williams, apporte un élément décisif au récit et à l’évolution d’Andy. Tous amènent une bonne dose d’humanité au récit contrairement aux personnages administratifs du pénitencier, qui incarnent quant à eux ce mal et cette avidité qui peut ronger l’être humain. Le film expose cette dualité de l’Homme avec brio, et parvient à capter l’essence profonde de ce qu’il peut être, dans sa bonté comme dans sa plus grande cruauté. Les interprétations de Bob Gunton et de Clancy Brown qui incarnent respectivement Samuel Norton (le directeur) et le Capitaine Hadley (le gardien principal) sont d’ailleurs particulièrement époustouflantes.

Voilà une grande réussite que de se baser sur une histoire simple, sans romance ou encore scènes d’action, tout en tenant parfaitement la distance. Frank Darabont qui fut ému par la lecture de la nouvelle, a conservé le narrateur de l’histoire pour respecter l’esprit du récit, dans lequel Stephen King a mis beaucoup d’humanité. Le film reprend d’ailleurs certains moments exacts de la nouvelle, ainsi que le magnifique texte de fin. Le réalisateur mêle beauté de la mise en scène avec puissance d’une émotion profonde poussée au paroxysme, mais jamais facile. L’ensemble est filmé avec soin et dans un souci du détail très visible, ce qui offre des scènes à couper le souffle. Les Évadés parle de l’humain, et au final la prison n’est qu’un support.

The Shawshank Redemption est un enchaînement de scènes toutes aussi sublimes les unes que les autres. Rien ne semble de trop, et à aucun moment l’ennui vient pointer le bout de son nez. Chaque image, chaque dialogue semble être à sa place dans cet ensemble si harmonieux. Une symbiose qui n’aurait peut être pas vu le jour sans un réalisateur et des comédiens investis, en parfaite entente et cohésion. Les Évadés a reçu sept nominations aux Oscars sans en avoir reçu un seul, mais son plus beau succès reste l’empreinte qu’il a laissé derrière lui. Malgré un aspect dramatique très présent, Les Évadés demeure un film positif. Au delà du drame, il parle de joie. Au dela de la haine, il parle d’amour. Dans un climat pénitencier Les Évadés parle viscéralement de liberté. Nous avons affaire à un authentique chef-d’oeuvre à la beauté saisissante, pleinement empreint de poésie, et qui porte surtout un puissant message humaniste et universel.

Darabont ou King, l’intégrité du propos est maintenu et comme dirait Stephen King : « Ce qui compte, c’est l’histoire, pas le narrateur. »

@ Audrey Cartier

Crédits photos : ARP/UGC

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