[Critique] Boyhood

Par Wolvy128 @Wolvy128

Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason (Ellar Coltrane) de l’âge de 6 ans jusqu’ à sa majorité, vivant avec sa sœur (Lorelei Linklater) et sa mère (Patricia Arquette), séparée de son père (Ethan Hawke). Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte…

Si le thème du passage à l’âge adulte, ou plus généralement de l’adolescence, a déjà été maintes fois exploité au cinéma, avec des fortunes parfois diverses, il ne l’a en tout cas jamais été de cette façon. En choisissant de filmer les mêmes acteurs pendant 12 ans, à raison d’un mois chaque année, Richard Linklater parvient en effet à insuffler à son long-métrage une authenticité et une sincérité déconcertante. On oublie d’ailleurs rapidement qu’il ne s’agit que d’un simple film pour se laisser porter par le quotidien aigre-doux de Mason et le naturel désarmant des acteurs. Il faut dire que le réalisateur a la bonne d’idée d’ancrer profondément la fiction dans le réel, en suivant notamment habilement l’évolution des modes (musicales, littéraires, vestimentaires…) et de la technologie (téléphone, ordinateur…), afin de coller autant que possible aux époques traversées. Le récit s’étendant sur une bonne dizaine d’années, c’est typiquement le genre de détails qui peut avoir son importance pour rendre la progression de l’histoire cohérente. Il en découle du coup une crédibilité accrue qui renforce encore un peu plus le sentiment de réalité qui entoure le film. Et au vu du parcours long et périlleux qu’un tel projet représente, on ne peut que se réjouir que le résultat obtenu transcende à ce point le concept initial.

Mais si le film est aussi prenant, bien qu’il ne propose pourtant aucun rebondissement majeur dans son récit, c’est en grande partie pour l’intérêt presque universel de son sujet. Sans avoir forcément vécu les mêmes choses que le héros, il est effectivement bien difficile de ne pas se reconnaître dans certaines étapes qu’il traverse tant elles ont un large rayonnement. Qu’il s’agisse de la difficulté liée aux familles recomposées, de la découverte de l’amitié ou tout simplement de la naissance des premiers sentiments amoureux, on a généralement tous des souvenirs plus ou moins marqués de certains de ces événements. Notre rapport au film est donc très personnel puisque chaque spectateur y projette en fin de compte ce qu’il veut en fonction de ses propres expériences, bonnes ou mauvaises. Le long-métrage est d’ailleurs loin de proposer une vision de la vie sans le moindre accroc. Effectivement, les pépins sont nombreux et contribuent à la crédibilité de l’histoire puisque la réalité est faite, elle aussi, de bons et de mauvais moments. Au niveau du casting, si les expérimentés Ethan Hawke et Patricia Arquette se montrent convaincants, il est surtout intéressant de constater que le jeune Ellar Coltrane s’en sort honorablement dans la peau du personnage principal. Certes, le scénario a évolué au fil des ans pour coller au caractère du jeune homme mais nul n’aurait pu prédire au départ comment il allait s’en sortir en tant qu’acteur en prenant de l’âge. Le pari était donc risqué mais le résultat est heureusement tout à fait concluant. Enfin, comment ne pas évoquer pour terminer l’incroyable variété de la bande son qui accentue les moments marquants de la vie de Mason au rythme des morceaux de Coldplay, Arcade Fire ou Cat Power. Un régal !

Plus qu’un film sincère et touchant, Boyhood se révèle donc en définitive un drame humain d’une incroyable portée, s’appuyant sur un concept ambitieux pour offrir au spectateur une tranche de vie totalement inédite, dont on regrettera seulement les quelques longueurs de sa dernière partie. Petit coup de cœur !