A perfecto Day

Publié le 25 juillet 2014 par Pomdepin @pom2pin

Il y a longtemps, Marichéri et moi étions jeunes et naïfs (on est toujours jeunes bien sur)…on habitait en Irlande depuis peu, on s’est dit que ce serait exotique de s’y marier (plutôt que de rentrer en France…on trouvait ça parfaitement normal de se marier, alors qu’avant de se rencontrer on était tous les deux profondément anti mariage. Et on ne voulait pas d’enfant, les gamins, c’est nul. C’est dire si on était fait l’un pour l’autre.)

N’ayant strictement aucune idée de comment s’y prendre, on est allé à l’ambassade. A cette lointaine époque, il y avait encore assez peu de français en Irlande et ils devaient faire un mariage tous les 15 ans. Du coup, on a été accueilli à bras ouverts, bien sur que vous pouvez vous marier au consulat, on vous offre même le champagne (qu’on attend toujours d’ailleurs.) Il y a évidemment une tonne de paperasse à faire, il faut au moins trois mois, ça nous fait un mariage le 26 juillet, ça vous va? Youpi! On signe où?

J’ai du faire une visite médicale chez un vieux débris, le seul docteur dublinois accrédité par le consulat. Il avait vraisemblablement passé ses diplômes en 1922 et appris le français encore avant, il lui en restait trois mots. On a une superbe lettre en charabia d’où il ressort que je peux me marier et que je suis bonne pour la reproduction, comme les vaches (en même temps, il n’avait pas tout à fait tort…). Toujours aussi naïfs, on s’est dit qu’il fallait aussi prévoir une petite fête, ça se fait généralement pour les mariages. Au troisième restau qui nous a demandé si c’était le 26 juillet de l’année d’après, ou dans deux ans, on a commencé à se méfier…Apparemment, personne ne prépare un mariage en trois mois en Irlande, c’est plutôt trois ans! Pas de problème, on fera un pique nique dans le jardin. J’ai même commandé un énorme gâteau de mariage irlandais, plein de jolies décorations en sucre, et absolument immangeable. Énorme, car on avait prévu d’inviter la terre entière. Jusqu’à ce que la terre entière nous informe qu’elle avait déjà réservé ses vacances et que ça ne l’arrangeait pas tant que ça de venir en Irlande…les gens n’ont aucune spontanéité! Heureusement, il y a bien eu quelques courageux pour dire qu’ils étaient contents de venir goûter à la Guinness à notre mariage. Plus des collègues qui ont pris sur eux de s’incruster s’inviter. Et notre jardin était vraiment petit. Vent de panique jusqu’à ce qu’un collègue nous parle d’un hôtel qui ouvrait en juillet et cherchait des cobayes volontaires pour organiser leur premier mariage et le mettre sur leur brochure. Sans faire exprès, on s’est donc retrouvé dans ce qui est devenu un des meilleurs hôtels de Dublin, à un prix dérisoire. Ils ont tout organisé pour nous, et c’était parfait.


(C’est )

Ma grand mère a tenue à me payer une meringue. Quand la chose est arrivée de France après être passée par Berlin et restée bloquée 10 jours à Londres (merci DHL) j’ai eu peur. J’ai enlevé les gros nœuds, les rubans, et la traine (si, si, il y avait une traine) mais ça faisait quand même Sacré Cœur de Montmartre. C’est ma mère qui m’a coiffé (en même temps deux tresses, ça se fait facilement …) et ma sœur maquillée. J’ai refusé d’avoir des fleurs parce que je ne savais pas quoi en faire toute la journée. On a quand même investi dans une jolie cravate pour Marichéri. Il a renversé son café dessus à 5 minutes de partir. Il était un peu nerveux… D’ailleurs, il en a lâché sa cigarette, en conduisant comme un dératé pour ne pas être en retard à l’ambassade. Vu que ma meringue remplissait les trois quart de notre petite voiture, (ben non, pas de calèche ou de limo non plus…), le mégot lui est tombé dessus et elle a commencé à prendre feu. Heureusement, vu la masse de soie et de tulle, j’ai pu cacher les parties cramées dans les plis.

Impossible de se garer correctement à Dubin 4, le quartier de l’ambassade. On a alors piqué un sprint sur le trottoir pour ne pas être en retard. C’était un jour d’été irlandais typique, il faisait 12 et il pleuvait des trombes d’eau. Pour préserver ce qui restait de la meringue, Marichéri m’a passé son blouson en cuir, son perfecto qui traînait dans le coffre, d’où le titre (trouvé aussi par Marichéri, il est plein de ressources). J’ai attrapé la meringue comme j’ai pu pour ne pas me prendre les pieds dedans, roulée en boule sur le ventre et j’ai débarqué dans un nuage de tulle et de cuir, pendant que Marichéri essayait de mettre le feu à un massif de fleurs, en s’énervant sur son briquet.

L’ambassade avait bien fait les choses, ils avaient même repeint le buste de Marianne juste pour nous. La cérémonie s’est très bien passée, comme dans les films. Enfin, comme dans un film en particulier.Vous avez vu 4 mariages et un enterrement, le service avec Rowan Atkinson, alias Mr Bean? C’était tout à fait ça. Le consul stagiaire avait notre âge, (12 ans et demi, à peu près) c’était son premier mariage, il n’arrêtait pas de se tromper dans le code civil, qu’il a d’ailleurs lâché à plusieurs reprises, il bégayait, il a failli se trouver mal, il s’étouffait …Marichéri et moi étions morts de rire, c’était très romantique. Pour se faire pardonner et la pluie s’étant arrêté trois minutes, le consul nous a laissé faire des photos dans le parc de l’ambassade (ben oui, pas de limo, pas de bouquet fleur, pas de photographe non plus…c’était un mariage DIY).

La réception a remonté le niveau. Dans les pays anglo saxon, les nouveaux mariés sont accueillis devant le hall de l’hôtel, sur un tapis rouge et un pingouin serveur leur présente une coupe de champagne (chacun) sur un plateau argenté devant l’assemblée des invités, du personnel et des passants en délire qui applaudissent, si. J’étais enceinte. Je n’ai pas bu mon champagne (merci L’Ado!). Tout était remarquablement bien organisé (forcément, c’était pour la brochure publicitaire), le DJ fourni par l’hôtel nous a demandé ce qu’on avait préparé comme chorégraphie pour notre première danse. Euh, WTF? Il faut qu’on fasse le spectacle? Du coup, il a choisi tout seul, le seul truc vaguement francophone qu’il avait en réserve. Céline Dion. (Marichéri est fan de heavy métal et de jazz, il a adoré) et pendant qu’on se trémoussait bêtement en canard, les serveurs débarrassaient les assiettes du dessert. Mon assiette. Avec mon dessert toujours dedans.

17 ans plus tard, on en rit encore. Et on referait exactement pareil (sauf que je veux manger mes profiteroles et boire mon champagne!).

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