[anthologie permanente] Zbyněk Hejda

Par Florence Trocmé

Pour cette anthologie permanente d’été, Poezibao puisera dans ce réservoir essentiel, dont il faut sans cesse redire l’importance, les revues.  
Aujourd’hui la Revue de Belles-Lettres, une revue suisse, une des plus anciennes revues littéraires en langue française, que Marion Graf et son équipe ont magnifiquement remis à flots ces deux dernières années.  
Le numéro 2014, I atteste à son tour de la richesse des sommaire que cette équipe sait monter : notamment Ilse Aichinger, Pierre Alain Tâche, Georg Trakl, James Sacré et le poète tchèque Zbyněk Hejda* que voici :

 
 
La fièvre des poissons 
 
Yeux de poisson 
repris par l’eau 
et la boue de l’étang, 
yeux fous de poisson 
repris par les statues des eaux, 
une peur folle 
que quelqu’un ne parle, 
et de propos en propos,  
la parole du mutisme restant muette, 
que le silence ne suffoque de dire, 
et quelque chose de mourir, en travers de la gorge. 
Les statues s’arrachent 
les cheveux de la tête, 
et la boue ne le digérant pas, 
l’eau là-dessus aura son mot 
à dire,  
et le noyé, 
quant à pourrir,  
et les statues 
des eaux, soudain mues 
vers leur source.  
Le noyé 
à tournoyer dans la ronde 
des couronnes de nénuphars. 
Et les poissons morts, 
l’air en travers de la gorge. 
La parole sera donc d’air,  
les statues des eaux à vau-l’eau s’en iront 
et la source 
sera pleine de pierres, 
pourriture particulière 
à la statuaire.  
 
Remonteront enfin à la surface 
des femmes en robes de mariées.  
 
Zbynek Hejda, extrait de Toute volupté, traduit du tchèque par Erika Abrams, Revue de Belles-Lettres, 2014, 1, p. 41.  
 
Zbyněk Hejda (1930-2013) dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extrait 1, Valse mélancolique (par T. Hordé), ext. 2, ext. 3 (in memoriam) 
 
« Le 16 novembre dernier, il neigeait à gros flocons sur la Tchéquie, au jour même de la mort de Zbyněk Hejda, à Prague. Moins connu que Vladimir Holan ou Jaroslav Seifert, ce poète découvert tardivement en France aurait sans doute aimé que son passage soit ainsi recouvert comme de simples traces à fleur de terre. 
C’est du moins ce que l’on pressent à sa lecture. À chacun de ses poèmes, nous voici à un seuil d’où partent des phrases apparemment sans suite, filant sous la neige ou le sable, resurgissant ailleurs, dans un monde qui sourd d’elles. Lire la suite de ce bel article de Patrice Beray 
 
 
*que les éditions Fissile et les éditions Cheyne contribuent à faire connaître en France.