Arnaud Montebourg, le big-bangueur de pharmacies

Publié le 04 août 2014 par H16

L’actualité internationale est si chargée actuellement, et les vacances si respectées en France, qu’il est difficile pour Montebourg, l’histrion ministériel officiel du gouvernement Valls, d’intéresser les journalistes. Le cabotin relève cependant le défi en mettant une fois de plus les deux pieds dans le plat et en proposant quelques remises en causes radicales de monopoles bien français.

Et c’est donc en s’attaquant à celui des pharmacies que le chevalier Arnaud a décidé de reprendre un peu de couverture médiatique que des avions qui tombent, des missiles qui explosent et des roquettes qui pleuvent lui avaient un peu retirée. Avec l’emphase, la volubilité et la subtilité pachydermique propre au saltimbanque gouvernemental, il propose un véritable « big-bang » des pharmacies : en parallèle de la remise en cause du monopole des pharmacies sur la vente des médicaments sans ordonnance, le ministre de l’économie de redressements productifs propose ainsi la constitution de « chaînes de pharmacies », et souhaite aussi ouvrir le marché français du médicament à la vente en ligne.

Pour Montebourg, l’idée derrière ces propositions pour le moins détonantes est d’introduire une concurrence plus forte dans le domaine des médicaments courants qu’on peut obtenir sans ordonnance, notamment ceux basés sur l’aspirine, l’ibuprofène, le paracétamol et d’autres molécules connues. Entre leur disponibilité en grandes surfaces (ce pourquoi se bat Michel-Edouard Leclerc depuis des années) et leur possible disponibilité par internet, on comprend que la concurrence sur l’officine de la rue d’à-côté va probablement piquer un peu. Pas étonnant, dès lors, de lire les hurlements de souffrance de la présidente de l’Ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot, sur le double mode du « On va tous mourir, c’est horrible » et « Les dérives, mon bon mossieu, vous y avez pensé, aux dérives ? », mamelles argumentatives habituelles des monopoles lorsqu’on leur retire la sucette du bec.

En parallèle, on pourra apprécier la lucidité de la présidente qui note au passage le retournement de veste des politiciens qui, jadis, louangeaient les commerces de proximité et l’absolue nécessité du conseil pharmaceutique pour justifier la fermeture du marché des médicaments sans ordonnance aux grandes surfaces, et qui, maintenant, semblent trouver moult vertus à l’ouverture concurrentielle et à la vente en ligne. Cette lucidité s’arrête cependant bien vite lorsqu’elle n’hésite pas à présenter le marché actuel des médicaments en France comme en situation de concurrence, les pharmaciens étant, d’après elle, en lutte acharnée les uns contre les autres pour offrir le meilleur prix et les services les plus complets à leurs clients. Ceux qui ont déjà reçu les affables conseils du pharmacien (et pas de son laborantin) lors d’un conséquent achat de médocs remboursés pourront hausser les sourcils.

On sent donc que la bataille sera âpre entre le gouvernement, apparemment décidé à déverrouiller le secteur, et la corporation, qui risque fort d’absolument tout faire pour l’en empêcher. Et compte-tenu de l’absence pathologique de toute paire de gonades du premier, on peut imaginer de longues négociations et un dégonflement progressif des ambitions montebourgeoises…

Encore que… Encore qu’il faille bien comprendre ici qu’on se situe toujours dans cette délicate zone d’inconfort d’un gouvernement qui doit absolument faire des réformes (dette énorme, déficits galopants, chômage en hausse et pouvoir d’achat en berne obligent) sans toutefois taper trop fort sur les classes moyennes qui n’en peuvent plus, ni molester ses réservoirs électoraux en coupant dans l’une ou l’autre des milliers de joyeuses prestations payées par l’argent des autres et qui leur assurent bonheur et tranquillité.

Or, de ce point de vue, certaines corporations constituent d’excellentes cibles. Les pharmaciens, traditionnellement plus portés vers le camp d’en face, n’ont à faire valoir ni leur nombre ni leur éventuel pouvoir de nuisance pour arrêter net le bouillant ministre qui aurait enfin, dans la libéralisation de ce secteur, un truc-bidule à présenter qui ne ressemblerait pas, pour une fois, à une ridicule tartufferie ou une cuisante défaite. Rappelons ainsi que la libéralisation du secteur des taxis, dont l’impact en terme de pouvoir d’achat serait certainement plus sensible que celui des pharmacies, s’est progressivement mué en micro-management du changement progressif et millimétré devant les coups de gueule des patrons-chauffeurs. A contrario, on voit mal les pharmaciens faire subitement grève, ou sortir des gourdins pour attaquer les futurs vendeurs de médocs en grande surface…

Le libéral moyen devrait donc se réjouir qu’au pied du mur, le gouvernement, utilisant une fuite ô combien pratique d’un rapport de l’Inspection Générale des Finances qui dressait la liste des professions en situation de monopole de droit, pioche dans cette liste quelques un des monopoles qu’il entend libéraliser. Cependant, il serait absolument vain de ne voir là autre chose qu’une batterie de mesures de circonstances, permettant d’afficher quelques réformes pas trop violentes, et d’hypothétiques gains de pouvoir d’achat (la réalité sera, on s’en doute, plus contrastée que les chiffres présentés par Bercy, qui, joufflus, s’étalent langoureusement de 327 à 420 millions d’euros). Au-delà du petit calcul politique et économique de court terme, les façons de raisonner, tant du côté gouvernemental que du côté des administrations, n’ont pas évolué d’un cachou. En effet, même si les services de Bercy estiment, je cite, que « la théorie économique plaide pour la suppression du monopole des pharmacies sur l’ensemble des produits accessibles sans ordonnance », on ne s’étonnera pas de trouver pourtant, dans la bouche du ministre de l’Économie, ses habituelles saillies sur le patriotisme économique et autres fadaises protectionnistes dont, pourtant, la théorie économique plaide aussi la suppression.

Autrement dit et comme d’habitude, les services de l’État et les politiciens sélectionnent précautionneusement ce qu’ils veulent dans les idées du moment, en oubliant celles qui auraient le mérite de faire une vraie différence pour le pouvoir d’achat des Français et en se contentant des réformettes faciles dont ils savent qu’elles ne comportent pas de risques politique et/ou social majeurs. Les pharmaciens ou les notaires, ça peut le faire avec un peu de communication et un minimum de doigté. Celui qui fait par exemple dire à Montebourg que « l’officine est aujourd’hui incontestablement enfermée dans un modèle capitalistique du passé », ping, mais aussi « Toujours plus de destruction d’emplois dans les télécoms grâce aux excès low cost de #freeMobile », et pouf emballez la cohérence, c’est pesé. Fastoche. En revanche, pour l’hôtellerie (AirBnb), les taxis (Über), les librairies (Amazon), là, c’est une autre paire de manches. Quant à la sécurité sociale, rassurez-vous, toute modification réelle, perçue ou potentielle de son monopole est largement tue.

Bref : la situation économique, de plus en plus affolante, impose à nos clowns socialistes les prémices de réformes qu’un libéral normalement constitué ne peut qu’appeler de ses voeux, et ça, c’est tant mieux. Mais la charge politique qu’elles engendrent, lourdes de conséquences sociales, et les modes de pensées de nos gouvernants, calcifiés dans des utopies collectivistes depuis au moins 40 ans, amènent bien malheureusement à largement tempérer ces bonnes nouvelles.

Encore une fois, les petits bricolages continuent et les grandes réformes attendront.

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