Résumé de Roms & riverains : une politique municipale de la race

Publié le 21 août 2014 par Juval @valerieCG

Je vais vous résumer  Roms & riverains : une politique municipale de la race de Eric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard et Aurélie Windels. Le livre comporte une part importante de témoignages d'acteurs sociaux et de roms ; il n'était pas possible de les résumer.

Le 29 juillet 2010,des gens du voyage attaquent un commissariat après que l'un d'entre eux ait été tué par la police. Lors du discours de Grenoble, Sarkozy, alors président, assimile roms et gens du voyage. Il y déclare : "nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l'intégration" et s'engage à faire démanteler la moitié des campements illégaux de roms dans les trois mois et à réformer la politique de lutte contre l'immigration illégale.
La réaction dans l'opposition est forte et Manuel Valls condamne fermement ce discours.
Viviane Reding, commissaire européenne, dénoncera en des termes vifs cette politique où est visée, non pas une nationalité, mais une ethnie (on a juridiquement le droit de traiter différemment une nationalité mais pas une ethnie). Ce sera elle qui sera vivement critiquée.

En 2012 François Hollande est devenu président et Valls ministre de l'intérieur. Est décrétée la circulaire interministérielle du 26 août 2012 qui poursuit l'action entamée par le gouvernement précédent.
Le 14 mars 2013, Valls parle des roms en disant qu'ils auraient "vocation" à rentrer en Roumanie. Le candidat aux primaires socialistes de Marseille dira, lui, qu"ils ne peuvent pas s'intégrer, ce n'est pas dans leur nature.
En octobre, Minute fait une Une raciste sur Taubira ; c'est l'occasion d'un grand meeting antiraciste où sont rassemblées toutes les forces de gauche.

On assiste ainsi à un effacement de trois clivages :
- entre la droite et l'extrême-droite en 2010
- entre la droite et la gauche en 2012
- entre l'aile droite et l'aile gauche du gouvernement du 2013

Il est difficile de savoir s'il existe vraiment une communauté rom ; certains anthropologues disent qu'il y aurait une pluralité de groupes. La question est tellement complexe que seuls les anthropologues peuvent en discuter et pas les politiques.

Il est difficile de savoir combien il y a de roms en France. On pense qu'il y a 20 000 personnes arrivés récemment, ceux qui vivent dans les bidonvilles et 400 000 pour la plupart français, installés depuis longtemps. Sur les 20 000 personnes arrivées récemment, il y a des non roms ; on parle donc d'un sous-groupe des roms dans lequel il n'y a pas que des roms.

Le livre parle donc des roms non pas  comme une communauté fondée sur la culture ou l'origine mais comme une minorité caractérisée par l'expérience de la discrimination.

Il existe un processus d'altérisation ; il faut que le groupe qu'on discrimine n'ait rien à voir avec nous.
Les conséquences de la pauvreté et des discriminations (vivre dans des camps, l'insalubrité, la saleté) deviennent des éléments constitutifs d'une culture rom. Ils sont racialisés. On se souvient de ces "anges blonds" soit-disant enlevés qui ne pouvaient être rom,qui seraient tous bruns. Ressortent les vieilles rumeurs des tziganes qui enlèvent les enfants et  mangent des animaux domestiques comme les chats. On assimile souvent les roms aux rats, sans jamais supposer qu'ils peuvent aussi souffrir de cette présence sur leurs bidonvilles. On entend des phrases comme "il a fallu subir les rom puis on a subi les rats".
La saleté supposée des roms est vue comme élément de leur culture voire même de leur nature.
Le fait par exemple qu'ils soient obligés de faire leurs besoins dehors parce qu'ils n'ont pas le choix devient un élément pour les distinguer de nous, qui ne ferions pas comme cela.  Leurs conditions de vie sont décrites comme constitutives à ce qu'ils sont par les mairies comme si elles n'avaient rien à voir là dedans ; ainsi Aubry décrira la saleté des camps roms alors qu'il appartient à sa municipalité de ramasser les ordures.
Il est beaucoup dit qu'ils sont sales et vivent dans les ordures et les rats sans que soit rappelé que les municipalités refusent d'amener de l'eau courante, de construire des toilettes sèches et de ramasser les ordures de peur qu'ils s'installent.

Leur pauvreté, les discriminations subies sont donc vues comme des éléments de leur culture pour les différencier de nous et les racialiser.
Dans les années 90, aux Etats-Unis a été créé le concept d'auto-expulsion ; ils'agissait de rendre la vie tellement dure aux immigrés qu'ils finiraient par partir d'eux-mêmes.
Ainsi les administrations françaises rendent la vie difficile aux roms en espérant qu'ils repartent ; refus de ramasser les déchets, d'inscrire les enfants à l'école, le 115 n'a jamais de place disponible, refus de les inscrire sur des listes électorales, refus d'enregistrer leurs plaintes.

Le livre aborde ensuite le concept de "riverain" apparu dans les années 2000 lorsque Sarkozy,alors ministre de l'intérieur, fait voter la loi de sécurité intérieure qui pénalise, entre autres, le racolage passif. Apparaît alors le "riverain" qui serait dérangé par les prostituées.
A l'opposé du riverain, naît le bobo ; on se met à définir la classe sociale non plus par l'économie mais par la culture.
Le riverain serait celui qui serait incommodé par les roms et le bobo serait un droit de l'hommiste éloigné des réalités du terrain.
On constate qu'en adoptant ce langage et ce discours, le PS s'éloigne de ceux qui l'ont fait élire sans pour autant regagner le vote de l'électorat populaire.

Pour autant, ceux qu'on appelle les riverains ne sont pas toujours à proximité des roms et n'appartiennent pas toujours aux classes populaires. Les voisins, au sens propre du terme, peuvent parfois être très solidaires des roms même si les médias ne nous parlent pas de leurs initiatives.

La politique de la race définit les autres et nous définit nous mêmes. On fantasme un groupe "les petits blancs" ; c'est une manière d'opposer classe et race comme si les classes populaires étaient forcément blanches et comme si les sujets racialisés n'appartenaient forcément pas au peuple. On parlera de "blanchité" (whiteness en anglais) qui définit un champs d'études non pas d'un groupe social mais d'une identité. Aux Etats-Unis les irlandais sont ainsi devenus "blancs" (ils sont rentrés dans le groupe social dominant en quelque sorte) au détriment des noirs. En France, des groupes sociaux encore renvoyés à l'altérité (par exemple les maghrébins et leurs descendants) peuvent accéder à la blanchité aux dépends des roms.
Face aux roms, les immigrés ou descendant d'immigrés peuvent s'affirmer. On dresse les pauvres contre les encore plus pauvres en faisant miroiter aux premiers la promesse des bénéfices de la blanchité au détriment des seconds.

Dés 2009, nous sont montrés des groupes de "riverains" en colère contre les roms et qui montent des expéditions punitives, démontent ou brûlent des camps, frappent les roms ; groupes qui sont souvent menés en sous-main par des groupes identitaires.
Les municipalités disent "les comprendre".
On peut distinguer deux catégories de riverains :
- la classe moyenne qui se sent menacée dans ses biens et son bien-être
- la classe populaire qui n'est jamais écoutée sauf lorsqu'elle évoque les roms. Cela leur permet aussi de se distinguer d'eux en soulignant qu'eux sont pauvres, mais français et propres par exemple.

La colère des riverains permet aux maires de se tisser une clientèle à peu de frais; s'ils ne peuvent rien faire pour l'emploi ou le logement, ils peuvent au moins partager la colère des "riverains" face aux roms et organiser par exemples des expulsions.

Le commissaire divisionnaire Gilles Beretti nuance les statistiques criminelles autour des roms : pour lui ils sont sur-représentés car beaucoup plus arrêtés. Il souligne également qu'il existe peut de familles mafieuses ; peut-être 5 à 8 dans toute l'Ile de France et que les délits commis ne sont pas spécifiques aux roms mais aux pauvres (faire les poubelles et les dégrader, voler des vêtements mis en container etc).
D'autres policiers soulignent que certains profitent de la présence des roms pour commettre des délits, sachant que cela sera les roms qui en seront accusés.

Le livre, après une série de témoignages se termine par "une chronologie du pire entre 2010 et 2013". Je me suis permise de la recopier de façon exhaustive ; je crois qu'il est bon de la garder en mémoire.

2010 :
juillet :

"Chaque année, une dizaine de milliers de migrants en situation irrégulière, dont des Roms, repartent volontairement avec une aide de l'Etat. Et l'année suivante, après avoir quitté le territoire avec une aide de l'Etat, ils reviennent en toute illégalité pour demander une autre aide de l'Etat pour repartir. Cela s'appelle "un abus du droit à la libre circulation".
Nicolas Sarkozy, président de la République

Août :
"Le président de la République a fixé l’objectif précis, le 28 juillet dernier, pour l’évacuation de 300 campements ou implantations illicites d’ici 3 mois, en priorité ceux des Roms" [...] Dans le cadres des objectifs fixés, outre les démantèlements n'impliquant pas de moyens nationaux et menés à bien avec les moyens locaux, les préfets de zone s'assureront, dans leur zone de compétence, de la réalisation minimale d'une opération importante par semaine (évacuation/démantèlemement/recuite) concernant prioritairement des roms".
Circulaire du 05 août 2010, signée par le directeur de cabinet du ministre de L'intérieur, Eric Besson.

Septembre :
Un septuagénaire tire sur deux ados roms en train de le cambrioler.
"Quand on voit toutes les petites crapules qu'on met dehors alors qu'elles sont en attente de jugement et qu'elles peuvent recommencer, c'est vraiment un déni de justice et un véritable abus de pouvoir, c'st vraiment scandaleux".
A propos du fait que l'homme ait traité les roms de "sale race"
"Il a eu tort de le dire, il a le droit de le penser"
Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes

En couverture et illustré par l'image d'une petite fille visiblement rom : "Roms, allocations, mensonges... Ce qu'on n'ose pas dire"
Le point 30 septembre 2010.

2011 :
Juillet :

"La délinquance roumaine est une réalité et il faut que nous la combattions".
Claude Guéant, ministre de l'Intérieur.

Septembre
En couverture et illustré par l'image d'ne femme blonde victime d'un arrachage de sac à main sur un quai de métro : "Délinquance : le plan de lutte contre les jeunes roumains".
Le parisien, 12/09/2011

2012 :
Septembre :

"Nous savons que ce sont des minorités très criminogènes, d’une criminalité extrêmement cruelle d’ailleurs, parce qu’elle utilise beaucoup les enfants"
"Il n’y a qu’une seule solution : dissuader la venue de ces personnes et les renvoyer chez elles. Et les problèmes d’intégration, qui sont bien réels, ils doivent être traités dans leurs pays d’origine"
Claude Guéant, ancien ministre de l'Intérieur

"Ils n'ont pas toujours les comportements adaptés à nos modes de vie et habitudes semant la crainte et l'exaspération"
Gérard Vignoble maire UDI de Wasquehal (Nord)

Après que des riverains ont expulsé des familles roms et mis le feu à leur campement
"Je ne le condamne pas, je ne le cautionne pas, mais je le comprends, quand les pouvoirs publics n'interviennent plus".
Samia Ghali,maire et sénatrice PS des XVeme et XVIeme arrondissements de Marseille.

2013

Mars :
A propos des villages d'insertion "Cela ne peut concerner qu'une minorité car, hélas, les occupants des campements ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu'ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution."
Manuel Valls, ministre de l'Intérieur

Avril :
"Quand les roms se mettent quelque part, c'est avéré, après on a une recrudscence des cambriolages."
Samia Ghali, maire et sénatrice PS des XVeme et XVIeme arrondissements de Mareille

Mai :
"Ils ne peuvent vivre qu'en faisant les poubelles, même s'il y en a quelques-uns qui travaillent, ils vivent de rapine."
Jean-François Noyes, conseiller général PS des Bouches-du-Rhône et ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini.

Juin :
A propos des 200 roms vivant à Marseille
"Mais c'est 2000 de trop ! Même si c'était dix, c'est encore trop. Ce n'est pas le problème du nombre, c'est le problème de notre capacité à intégrer. Nous n'avons plus de capacité à intégrer. C'est 2000 plus les milliers d'immigrants clandestins ou réguliers qui déferlent sur ce pays. Et tout ça est à intégrer, tout ça est à scolariser, tout ça est à soigner, tout ça est à loger. C'est ça le problème."
"Ces gens bien entendu vivent de rapine et de vol.. Pas de l'air du temps !"
Guy Teissier, député-marie UMP des 9eme et 10eme arrondissements de Marseille

Sur twitter après que des cocktails molotov aient été lancés contre des caravanes
"Bientôt à Marseille #Capelette pour la même action"
Didier Réault, adjoint aumaire UMP de Marseille et conseiller général des Bouches-du-Rhône

Juillet :
"Vous avez quelques soucis" avec des "Roms qui ont dans la ville une présence urticante et disons... odorante [...] Je vous annonce que dans le courant de l'année 2014, il viendra à Nice 50.000 Roms au moins puisqu'à partir du 1er janvier, les 12 millions de Roms qui sont situés en Roumanie, en Bulgarie et en Hongrie auront la possibilité de s'établir dans tous les pays d'Europe. Tout le monde est dans les starting-blocks, exactement comme dans les films du Far-West" retraçant la conquête de l'Ouest américain, c'est à cela que nous allons assister."
Jean-Marie Le Pen, député européen et président d'honneur du Front National

"J'en ai maté d'autres et je vous materai".
Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice

"Comme quoi Hitler n'en a peut-être pas tué assez..."
Gilles Bourdouleix, maire UDI de cholet (Seine-et-Loire)

Août :
En couverture : "Roms, l'overdose. Sondage exclusif. Le ras-le-bol des Français. Assistanat,délinquance... Ce qu'on n'a pas le droit de dire."
Valeurs Actuelles, 22 août 2013

Septembre :
"Si un croisien commet l'irréparable, je le soutiendrai."
Régis Cauche, maire UMP de Croix (Nord)

"[Manuel Valls] appelle un voyou, un voyou, et non un malheureux enfant, et tout le monde admire l'audace. Il dit que la délinquance venue de Roumanie est un problème, et tout le monde s'émeut, comme les bigotes du XIXeme siècle s'émouvaient devant une jambe dénudée. Les Roms chassés partent l'âme tranquille, ils savent qu'ils reviendront. C'est ce qu'ils ont déjà fait lorsque Sarkozy les a renvoyés. Parmi eux, la délinquance des enfants voleurs se poursuivra tranquillement, même si les arrangeurs de statistiques cherchent à faire croire qu'elle diminue."
Eric Zemmour, chroniqueur sur RTL, au Figaro Magazine et sur i>télé

A cause des Roms, "les français vivent un véritable enfer. [...] Tout cela crée une ambiance qui peut tourner au conflit, voire à la guerre civile."
Marine Le Pen, députée européenne et présidente du Front National

"Lorsqu'on installe des Roms, il y a le crime, il y a la drogue, il y a la prostitution. [...] Je trouve qu'on a trop, dans le passé sans doute, laissé faire les choses, c'est ce qui nous a conduits à des situations qui sont quelquefois extrêmement dangereuses."
Daniel Boisserie, député PS de la Haute-Vienne, maire de Saint-Yrieix-la-Perche

"J'ai l'impression que les Roms harcèlent beaucoup les Parisiens."
Nathalie Kosciusko-Morizet, députée UMP de l'Essonne et candidate à la maitie de Paris

"Les Roms harcèlent les gamins à la sortie de l'école."
Rachida Dati, députée européenne UMP et maire du VIIeme arrondissement de Paris

"Paris ne peut pas être un campement géant."
Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris.

"C'est illusoire de penser qu'on réglera le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion. Et donc cela passe par des reconduites à la frontière, cela est passé aussi par la fin de cette aide au retour qui a créé un véritable appel d'air, nous y avons mis fin. [...] Mais ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation. [...] Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie."
Manuel Valls, ministre de l'Intérieur

Octobre :
"Ces gens-là ne peuvent pas s'intégrer, je ne dis pas "ne veulent pas", ils peuvent pas parce que c'est pas dans leur nature."
Christophe masse, conseiller municipal PS de Marseille et conseiller général des Bouches-du-Rhône

Novembre :
Un tweet relaie l'image d'une femme rom pratiquant la mendicité vête d'une jupe de contrefaçon "Givenchy".
Commentaire "'Leonarda de retour en France pour la fashion week".
Natacha Polony, journaliste à Europe 1 et chroniqueuse au Figaro et sur France 2

"Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m'ont mis neuf fois le feu ! Neuf fois des départs de feux éteints parle SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu'ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes ! Un gag ! Ce qui est presque dommage, c'est qu'on ait appelé trop tôt les secours ! Non, mais parce que les Roms c'est un cauchemar..."
Luc Jousse, maire UMP de Roquebrune-sur-Argens(Var)

Décembre 
"Il est plus facile aujourd'hui d'enlever une voiture à Paris,ça prend 15 minutes... Vous vous garez sur une livraison, j'en ai fait l'expérience, 15 minutes entre le moment où vous vous garez et le moment où on enlève la voiture. Il peut se passer des mois et des années avant que l'on bouge un mendiant rom qui est là à l'année, tous les matins, qui revient, qui repart. C'est insensé."
Pierre Lellouche, député UMP et conseiller de Paris.