Critique Ciné : Le Beau Monde, broder sa vie

Publié le 24 août 2014 par Delromainzika @cabreakingnews

Le Beau Monde // De Julie Lopes Curval. Avec Ana Girardot, Bastien Bouillon et Baptiste Lecaplain.


Le Beau Monde c’est l’histoire d’une jeune femme qui n’a rien demandé à personne et qui tente de vivre sa vie. Elle va rencontrer les bonnes personnes mais on va lui faire des reproches. C’est avant tout un film de classes sociales qui s’entremêlent et s’entrechoquent même si au fond le film ne va pas suffisamment loin sur certains aspects qu’il présente et oublie rapidement. Je pense par exemple au combat de la mère d’Alice contre l’entrepreunariat. C’est un peu dommage dans le sens où Julie Lopes Curval avait un sujet en or avec une trame originale (la broderie ce n’est pas ce que l’on peut voir tous les jours comme point de départ). Quoi qu’il en soit, je trouve assez sympathique le fait que l’on nous raconte l’histoire aux travers des yeux d’Alice. C’est un personnage ambitieux mais plein de promesse qui va en tenir tout de même quelques unes. Peut-être pas aussi réussi que Mère et filles (avec Catherine Deneuve), le précédent film de Julie Lopes Curval, Le Beau Monde tente malgré tout des choses et parvient surtout à être sublimé par une caméra en or. En laissant son film entre les mains de deux jeunes comédiens, la réalisatrice et scénariste fait confiance et elle a bien raison.

Alice, 20 ans, vit à Bayeux. Elle travaille la laine, crée des teintures, confectionne des vêtements. Elle ne sait que faire de ce talent inné, jusqu'à ce qu'elle rencontre Agnès, une riche parisienne, qui l'aide à intégrer une prestigieuse école d'arts appliqués. Alice laisse tout derrière elle pour aller vivre à Paris. Elle y rencontre Antoine, le fils d'Agnès. Entre eux nait une passion amoureuse. Antoine trouve chez Alice une sincérité et une naïveté qui l'extraient d'un milieu bourgeois qu'il rejette. Alice, grâce à Antoine, découvre de l'intérieur un monde qui la fascine, « le beau monde ». Il lui offre sa culture, elle se donne à lui toute entière. Au risque de se perdre...

En effet, ce qui ressort réellement de Le Beau Monde c’est avant tout Ana Girardot et Bastien Bouillon. Cette relation complexe entre ces deux êtres devient rapidement passionnante et va bien au delà de ce que l’on aurait pu espérer d’une telle histoire. Tout simplement car je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il y a une vraie romance derrière et pas seulement un aspect social. Car le trait social est fort même si certains aspects sont assez brouillons et mal exploités. Le but est aussi de ramener les problèmes de confrontation sociale à un certain sens de la violence. En effet, les mots sont souvent durs et difficiles à entendre (notamment quand la mère d’Antoine, Agnès, commence à dire des méchancetés sur le compte d’Alice dans son dos). Il y a tout de même quelques maladresses dans le récit (notamment la mère d’Alice et son combat, tout cela ne sert strictement à rien si ce n’est à rappeler qu’Alice vient d’une classe populaire quand Antoine, Agnès et cie viennent d’une classe bourgeoise. On va alors baigner Alice dans un monde qu’elle ne connaît pas et bien qu’elle veuille rester assez proche de ses convictions, on va lui reprocher (certainement par jalousie) de fréquenter des bourgeois.

Tout cela n’est pas sans rappeler la lutte des classes de l’ancien temps ou encore ce qui vit de plus en plus la société d’aujourd’hui. En effet, la classe moyenne a tendance à disparaître et les disparités se font de plus en plus importantes. Ici on a une jeune fille qui va avoir de la chance et pouvoir réaliser son rêve (intégrer une école de broderie et une formation qui ne prend que 5 élèves par an). Le tout est fait avec beaucoup de singularité et d’ambivalence. C’est tout de même un très joli film que Julie Lopes Curval vient nous proposer là. Peut-être un peu proche de ce qu’elle avait déjà voulu faire dans Toi et Moi. On sent aussi la passion de la réalisatrice pour les personnages féminins. Une passion qui n’a rien de mauvaise, bien au contraire, dans le sens où justement cette relation fonctionne très bien et le téléspectateur n’a donc qu’une seule envie : en voir encore un peu plus. Car l’issue de cette histoire n’est pas une fin en soi. La fin aurait largement pu être différente mais cette fin n’aurait certainement pas été aussi cinglante. Car l’issue aurait été trop simple si Le Beau Monde avait voulu ressembler à bon nombre de film.

Note : 6/10. En bref, un petit film sympathique porté par deux solides têtes d’affiche que l’on ne connaissait pas forcément auparavant.