Chronique uchronique

Publié le 24 août 2014 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Je vais vous faire un aveu : j’ai de plus en plus peur d’écrire, tant certains événements récents et tragiques m’enlèvent toute inspiration quand il faut parler de ce qui me tient le plus à cœur : la musique. En effet, mon père, celui qui m’a initiée à mes références musicales les plus classes (classique, jazz, blues, rock français, musique brésilienne…), s’en est allé vers d’autres cieux il y a maintenant trois mois. Certes, notre relation était ce qu’elle était, mais à l’instar de mes yeux clairs et de mes cheveux noirs, je ne peux désormais renier le fait qu’il m’ait transmis cette passion dévorante que Le Chevalier entretient désormais à coup d’exégèse.

Désolée donc de plombler l’ambiance, d’autant plus que j’ai encore le cœur endeuillé. Alors, comme toute personne en deuil et en colère, je me suis mise à réfléchir. De fil en aiguille, ma réflexion s’est transformée en fantaisie uchronique qui mettrait en scène des artistes dont j’aimais l’œuvre, mais qui sont partis trop tôt pour exprimer leur talent.

Jimi Hendrix (27 novembre 1942 – 18 septembre 1970)

Au regard de certains titres que m’a faits découvrir Le Chevalier, et au vu de son obsession à vouloir rencontrer Eric Clapton lors du séjour en Angleterre qui vit sa fin, il est fort à parier qu’à partir de 1975, après une bonne remise en question de la trentaine de rigueur, le brave Jimi aurait voulu se racheter une conduite et se serait tourné vers la musique des hommes qui souffrent, à savoir le blues. Il aurait dès lors damé le pion à Clapton et serait devenu un B.B. King en puissance. Après une longue traversée du désert dans les années 1980, il serait revenu dans les années 1990 dans un unplugged d’anthologie qui en auraient inspiré bien d’autres. Il aurait ainsi continué sa route en devenant le bluesman le plus mythique de la route 66. Oui, si Jimi n’avait pas eu des cachetons à disposition, personne n’entendrait parler de Dieu aujourd’hui (et croyez-moi, ça me coûte de le dire).

Elvis Presley (8 janvier 1935 – 16 août 1977)

Gag du Chevalier : Il aurait été l’égérie de Burger King ! En vérité, comme beaucoup de personnes qui ont fait de mauvais choix de vie, le King n’aurait de toutes façons pas fait long feu, ou du moins, aurait arrêté la musique après la tournée qu’il aurait dû accomplir à partir du 17 août 1977. En effet, l’état de santé d’Elvis se dégradait depuis plusieurs années, du fait du rythme effréné des tournées associé à une mauvaise hygiène alimentaire. Si son cœur avait malgré tout tenu le coup, il serait devenu une icône à la Marlon Brando, un objet de culte vivant pour ses fans, mais vivant cloîtré chez lui à force de ne plus supporter de sortir défiguré en public.

John Lennon (9 octobre 1940 – 8 décembre 1980)

Beaucoup de témoignages s’accordent à dire que mon Beatle préféré aurait été une véritable épave sans l’aide de Yoko Ono sur la fin de sa vie. Mais, suite au demi-échec qu’aurait été Double Fantasy, il se serait séparé d’elle définitivement et se serait rapproché de Julian qui porterait aujourd’hui (et légitimement selon moi) le flambeau artistique de son père, suite à son probable décès vers 1987. Un peu comme a fait George Harrison avec son fils Dhani. Je reste intimement persuadé qu’à l’instar d’Elvis, Lennon n’aurait pas vécu très longtemps, tant ses névroses le détruisaient petit à petit. J’ai l’intime espoir que, dans une dernière lueur, il serait revenu à des sons plus destructurés et plus rugueux, s’inspirant ainsi de son environnement new-yorkais à l’instar de Lou Reed et de Sonic Youth.

Freddie Mercury (5 septembre 1946 – 24 novembre 1991)

Dans un monde parfait où 35 millions de personnes n’auraient pas été touchées par la même maladie qui fut fatale au leader de Queen, il serait devenu le frère ennemi d’Elton John. Ou alors le mec à cause duquel on n’aurait jamais plus entendu parler de ce dernier. Ou même Barbara Cartland, Chantal Goya, Line Renaud, Jacqueline Maillan, bref, une « vieille dame » dont l’aura aurait servi à de nombreux jeunes gays en quête d’acceptation. Il aurait évidemment continué à chanter avec ses copains, mais le son serait devenu lisse et aseptisé, si on prend comme mètre-étalon l’album Made in Heaven et si on ne le situait pas dans un contexte de testament.

Kurt Cobain (20 février 1967 – 5 avril 1994)

Je reste persuadée avec le temps que Kurt Cobain, lorsqu’il enregistra le mythique unplugged avec Nirvana complété de Pat Smear en novembre 1993, voulait établir un tournant dans sa carrière et se replonger, à l’instar de Johnny Cash, dans les sons roots américains que sont le hillbilly et le bluegrass. Bref, lassé d’exprimer sa rage et, surtout, des excès que ce mode d’expression engendrait, il se serait un petit peu « enterré » quelques années, le temps de se refaire une santé mentale. Il serait revenu avec un putain d’album folk, révolutionnaire mais apaisé en 1998 ; il aurait reconquis ses fans qui auraient vieilli entre temps. Bref, il aurait été un subtil mélange de Bob Dylan et de Patti Smith (c’est la reprise de Smells Like Teen Spirit d’icelle qui m’a mis la puce à l’oreille). Et je l’aurais adoré à 47 ans comme à 26.

Même si je ne suis pas tendre avec certains artistes que j’ai appréciés dans ces fantaisies uchroniques, cela m’aide à relativiser l’immense gâchis qu’est celui de ne jamais pu s’accomplir artistiquement jusqu’au bout. Cela ne m’empêche pas de les considérer comme des artistes à part entière et de les remercier pour l’influence que leur œuvre a sur moi.