Sils Maria - Critique

Par Nopopcorn @TeamNoPopCorn

Miroir, mon beau miroir...

Sils Maria, petit village des Alpes Suisses, paysage majestueux propice à la réflexion, est le théatre du nouveau film d'Olivier Assayas, qui se penche sur les méandres du temps qui passe et de notre rapport aux autres, au travers d'un jeu d'actrices impressionnant.
Le(s) plus

Sils Maria se distingue tout d'abord par la beauté des paysages, grands espaces de montagnes, lacs, vallée de Maloja célèbre pour le phénomène de nuages qui serpentent le long des monts, laissant la brume envahir l'espace, donnant le vertige tout en attirant.

La métaphore du phénomène illustre les réflexions qui sont abordées dans cette intrigue intelligente et philosophique. Ici, on s'interroge sur le temps qui passe et la façon de de l'appréhender, au travers du personnage de Maria (Juliette Binoche). Cette femme, actrice de grande renommée, se voit confier le rôle d'Hélena, 20 ans après avoir joué dans la même pièce de théâtre, le personnage de Sigrid. Et c'est tout un jeu de miroir qui s'opère au travers de cette crise d'identité que traverse l'actrice, qui n'accepte pas de vieillir.

Jeu de miroir parce qu'elle a joué Sigrid 20 ans auparavant et se retrouve à jouer le personnage d'Helena, qu'elle considère comme faible. Elle aurait souhaité rester Sigrid pour toujours, le temps a passé mais elle est restée figée dans cette idée d'elle-même. Jeu de miroir également avec son assistante personnelle, Valentine (Kristen Stewart) qui a l'âge de Sigrid. Leur relation est étrangement semblable à celle des personnages du film, ce qui va créer un malaise entre elles. Elles explorent toutes les facettes du duo femme de 40 ans- femme de 20 ans : tantôt mère-fille, tantôt employée - employeur, ou encore dans la séduction. Valetine apporte un cadre de référence extérieur à la pensée de Maria, un peu comme le thérapeute avec son patient, la poussant à réfléchir sur elle-même, lui suggérant qu'il n'y a pas une façon d'interpréter la réalité, mais plutôt, autant d'interprétations possibles qu'il y a d'individus au monde.

Juliette Binoche crève l'écran par sa beauté et son charisme. Elle est impressionnante ! Elle parvient à être, comme le dit un personnage du film, tous les âges et aucun âge à la fois, très femme et sensuelle ou encore plus masculine et naturelle... Quant à Chloë Grace Moretz, bien qu'ayant peu de scènes, on sent tout un potentiel dans son jeu, passant de la douce bourgeoise coincée à la garce sans complexe. Enfin, Kristen Stewart, est égale à elle-même, elle donne la réplique à Juliette Binoche avec brio, mais sans toutefois impressionner autant que les deux autres actrices. C'est dommage, car on avait pu constater dans The Runaways, son potentiel.

Quant à la musique classique, elle sublime la magnificence de la photographie, ainsi que l'excellence de l'interprétation !

Le(s) moins

L'intrigue psychologique est prenante et heureusement, car le rythme est lent et on sent passer les 2 heures et des poussières du film.

Conclusion

Sils Maria est un drame à haute portée psychologique, sublimé par un jeu d'actrices puissant et impressionnant, ainsi que des paysages envoutants. Malgré quelques longueurs, l'histoire est captivante, et les réflexions abordées nous questionnent sur notre propre rapport au temps et à nous-mêmes.

Ma note: 7/10


Sils Maria



Synopsis : "À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l'autre côté du miroir, dans le rôle d'Helena..."
Réalisé par: Olivier Assayas / Avec: Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz / Genre: Drame / Nationalité: Français / Distributeur: Les Films du Losange
Durée: 2h03min / Date de sortie: 20 août 2014

Plus d'informations !

  • Les Anecdotes !


    Juliette Binoche et Olivier Assayas connurent une histoire similaire à celle de la principale protagoniste du film puisque le premier propulsa la seconde. En effet, le réalisateur rencontra la comédienne pour son deuxième rôle au cinéma, alors qu'il écrivait avec André Téchiné le scénario du film, son tout premier, Rendez-vous (1984), qui était déjà une mise en abyme de la carrière d'actrice. Binoche avait alors tout juste vingt ans et tenait la tête d'affiche du film. Elle ne retrouva le scénariste, depuis devenu réalisateur, qu'en 2007, dans L'Heure d'été et a eu, par la suite, l'intuition d'un film, selon Assayas "resté virtuel et qui renverrait pour l'un comme pour l'autre à l'essentiel" qui se baserait sur leur histoire commune. C'est sur ce point de départ qu'il écrivit le scénario de Sils Maria.

    Kristen Stewart fut le premier choix de la production pour jouer Valentine. Mais pour des raisons d'emploi du temps, la production se tourna vers Mia Wasikowska. Finalement, Stewart se rendit disponible et décrocha le rôle. Daniel Brühl a de son côté été pressenti pour le rôle de Klaus Diesterweg, mais il a abandonné en raison de la promotion de Rush. C'est Lars Eidinger qui héritera par la suite du rôle.

    Retour sur la Croisette pour Olivier Assayas après Demonlover (sélection officielle en 2002), Clean (prix d'interprétation féminine pour Maggie Cheung en 2004) et Carlos (présenté hors compétition en 2010). Sils Maria ne remporta cependant rien pour la 67ème édition du festival de Cannes et dut laisser la Palme d'or tant convoitée à Sommeil d'hiver, de Nuri Bilge Ceylan.

    Olivier Assayas s'intéressa pour son film au phénomène météorologique des nuages de l'Engadine, sorte de bande nuageuse se déversant dans la vallée homonyme en Suisse. Déjà, en 1924, à l'aube du cinéma, Arnold Fanck, l'un des pionniers de la photographie alpine, a filmé cet étrange Phénomène nuageux de Maloja. Le réalisateur y voit un style graphique jouant des pleins et des vides à la manière de la peinture chinoise.

    Le serpent de Maloja est un étirement en bande de nuages bas qui peut s'observer durant l'automne. Il s'allonge de Sils Maria à Silvaplana et jusqu'à St Moritz et laisse encore aujourd'hui les spécialistes stupéfaits de sa conséquence : les vents de l'Engadine, vents de nuit à courant descendant mais s'observant en plein jour.

    Wilhem Melchior, le metteur en scène à qui le personnage de Juliette Binoche doit sa carrière dans le film, est un véritable dramaturge, allemand de naissance puis naturalisé suisse. Sa carrière très hétérogène, entre le cinéaste, le poète et le botaniste, l'amena à filmer le "Maloja Snake" en tant qu'élément à la fois réel et à fort potentiel imaginaire de la Suisse qu'il dépeint dans ses oeuvres. Avant lui, Arnold Franck, alpiniste et opérateur de profession, avait déjà filmé les grands sommets du monde, et s'était fait connaître en inventant le genre "film de montagne" dans le courant des années 20. On retrouve dans ce type d'oeuvre l'actrice Leni Riefenstahl, souvent en couple avec Luis Trenker : dans "La Montagne sacrée" (1926), Le Grand saut (1927), Le Stade blanc (1928), "L'Enfer blanc du Pitz-Palü" (1929), coréalisé avec G.W. Pabst et qui lui vaudra son premier succès international, "Tempête sur le Mont-Blanc" (1930) et "L'Ivresse blanche" (1931).

    Tom Sturridge était à l'origine prévu pour incarner Christopher Giles. Il préféra laisser sa place pour jouer dans "Effie Gray", de Richard Laxton. Le rôle fut finalement pris par Johnny Flynn. De son côté, Bruno Ganz était apparemment prévu pour auditionner le rôle d'Henryk Wald, mais il ne fut finalement jamais impliqué dans le projet. Il jouera cependant dans In Order of Disappearance, d'Hans Petter Moland, alors qu'Hanns Zischler prenait sa place dans Sils Maria.

    L'un des morceaux du film, "Kowalski", est joué par le groupe de rock écossais Primal Scream et fut écrit par ses membres Bobby Gillespie, Andrew Innes, Robert Young, Martin Duffy, et Gary Mounfield. On leur doit également, entre autres, un titre du Dernier pub avant la fin du monde ("Loaded") ainsi qu'un autre de Kick-ass ("Can't go back").

Et vous qu'avez-vous pensé du film Sils Maria ?