Vous avez dit Tuk-Tuk ?

Publié le 27 août 2014 par Detoursdesmondes


Lors de mon récent séjour en pays Batak, mon guide me demanda si je connaissais l'origine du mot Tuk-Tuk, nom de la petite ville dans laquelle je résidais à Samosir.
Devant mon ignorance, il me raconta que dans les années 1850, un Néerlandais du nom de Van der Tuuk était parvenu au Lac Toba et s'était évertué à comprendre la langue Toba Batak (la plus parlée des langues Batak) afin de réaliser un dictionnaire. La difficulté pour les Batak à prononcer le "Tuuk" avec une aspiration entre les deux "u" a vite fait de transformer son nom en Tuk-Tuk. Après, que ce nom ait été donné à cet endroit est une autre histoire...


Cela attira néanmoins mon attention sur ce personnage dont la photographie conservée au Tropenmuseum (ci-dessus) semble peu avenante mais cache un érudit hors du commun.
Dans son testament, en date du 14 Février 1885 Herman van der Tuuk Neubronner a légué toute sa collection de manuscrits, dessins, photographies à la Bibliothèque de l'Université de Leiden ; des documents sur Sumatra mais aussi Java et Bali.
Que venait-il donc faire chez les Batak ?


Né en 1824, le jeune Herman van der Tuuk passe son enfance à Surabaya, puis son adolescence en Europe où son père souhaite qu'il étudie le droit. Mais la carrière d'avocat ne lui plait guère et, parlant déjà couramment le malais et le javanais, il se lance à 20 ans dans l'apprentissage du sanscrit, de l'arabe, du persan, et de plusieurs langues européennes, y compris le basque !
En 1861, lorsqu'il reçoit le titre de docteur honoris causa de l'université d'Utrecht, il maîtrise le latin et le grec... mais aussi plusieurs langues indo-européennes, de nombreuses langues austronésiennes, indonésiennes, le malgache, des langues de Taiwan et des Philippines et du Chinois !


En fait Van der Tuuk ne reste pas tranquillement aux Pays-Bas. En 1947, il est employé par la Dutch Bible Society. Cette dernière souhaite qu'il fournisse des matériaux afin d'enseigner aux missionnaires chrétiens protestants des rudiments de langue Batak et, bien sûr, qu'il traduise la Bible !
Il part donc en Indonésie en 1849 mais ne parvient à Sumatra qu'en 1851 pour cause de grave maladie.
Il séjourne alors principalement à Barus, un port de la côte Ouest, et s'aventure en 1852 et 1853 sur les hauts plateaux Batak pour atteindre le Lac Toba. Une première semble-t-il pour un Occidental !


Mais la région est bien trop dangereuse, les Batak ne sont-ils pas réputés cannibales ?... il reste peu sur le terrain et rentre à Barus, terminant ses études de la langue en interrogeant sur place des informateurs.
Très affaibli, il retourne aux Pays-bas en 1857 avec une collection précieuse de manuscrits.
Ceux-ci sont essentiellement liés aux pratiques religieuses et aux mythes Batak.
Insatiable chercheur, il repartira dans le sud de Sumatra étudier la langue de Lampung, puis à Bali.
Là, en 1873, en total désaccord avec la Dutch Bible Society, il entre au service du gouvernement hollandais, comme "fonctionnaire pour l'étude des langues indonésiennes".

Jusqu'à sa mort, il travaillera sur la compréhension du javanais ancien et du balinais, et élaborera un dictionnaire néerlandais-balinais.
Il s'éteint à Surabaya en août 1897, de maladie,

Source : Treasures of Indonesia’s Cultural Heritage : Van der Tuuk’s Collection of Batak Manuscripts in Leiden University Library, un article de Clara Brakel-Papenhuyzen.

Photo 1 de l'auteure, Lac Toba août 2014.
Autres photos : © Tropenmuseum, Amsterdam.