[anthologie permanente] Mary-Laure Zoss

Par Florence Trocmé

Après Entre chien et loup jetés (2008), Où va se terrer la lumière (2010) et Une syllabe, battant de bois (2012), les éditions Cheyne publient aujourd’hui Au soleil, haine rouée, de Mary-Laure Zoss 
 
La mémoire tient en réserve aujourd’hui ce gruau froid, filer, il faut filer, à la langue de l’absence se faire sourd ; par les échelles grises on bat en retraite, on crève les cartons aux carreaux des étables, qu’est-ce que pourrait bien sauver des grandes pièces closes ? ici pas de renfoncement pour vomir l’odieuse lave des matinées, roide le corps sur la faïence des latrines, qui nous entend ? 
dans cette boiterie sur les chemins d’herbe, à longer les murets et greniers à blé, on serait toujours prêts à y croire, au jour qui se lève le ventre vide, sur l’empierrement des rampes à mulets, aux plaques de neige dans les feuilles, prêts à y croire, au ciel de décembre – il suffirait, pour qu’il s’y jette, de briser des verres dans la côte – au lieu du haillon qu’on mordille de l’angoisse derrière les portes ; la honte laisse pendre ses joues grises, son souffle acide, très mal on se tient dans l’étui des vieux psaumes, dans la soufflerie de l’harmonium qui brasse des détresses 
 
 
 
c’est le froid, le froid plutôt qu’il faut poursuivre, la faim rabattue, où grimpent les pentes dans les yeux jusqu’au bois roussi : la traquer sous le plancher des granges, entre fumier, sciures et moto calée contre les poutres, si d’autres traquent ainsi, c’est qu’ils sont seuls forcément ; comme la nôtre, leur ombre s’arrime aux feuilles et aux cassures des tuiles, ils défèquent au devers des chemins creux, gâchent la lumière dans les poulaillers. 
 
Mary-Laure Zoss, Au soleil, haine rouée, Cheyne Éditeur, 2014, pp. 13 et 14.  
 
Mary-Laure Zoss dans Poezibao :  
biobibliographie, extrait 1, entre chien et loup jetés (par A. Emaz), extrait 2, Le Noir du ciel (par F. Swiatly), extrait 3, extrait 4, Où va se terrer la lumière (par A. Emaz), ext. 5, "Une syllabe, battant de bois" par Antoine Emaz