Au cinéma : «Enemy»

Publié le 30 août 2014 par Masemainecinema @WilliamCinephil

Après « Incendies » et « Prisoners », Denis Villeneuve nous livre son sixième long-métrage : « Enemy ». Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle « L’autre comme moi » de José Saramago. Le scénario est écrit par Javier Gullón. Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent et Sarah Gadon tiennent les rôles principaux. « Enemy » sortait dans nos salles françaises le 27 août 2014.

Synopsis : Adam, un professeur discret, mène une vie paisible avec sa fiancée Mary. Un jour qu’il découvre son sosie parfait en la personne d’Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte …

« Enemy » est un long-métrage monté sur le principe d’un dyptique. On découvre deux personnages, deux vies, deux quotidiens qui se répondent l’un à l’autre et où la ressemblance physique entre les deux personnages principaux est la clé de voûte de l’édifice. Partant d’une base scénaristique assez simple, Denis Villeneuve va complexer cette narration en ne donnant que très peu de repère au spectateur et offrant une force plus grande aux images plutôt qu’aux mots. De même, si « Enemy » est avare en dialogue, c’est pour mieux renforcer ceux présents. Il n’y a pas de phrase anodine dans ce long-métrage, tout est mis en place pour créer un véritable puzzle. Si puzzle il y a, la résolution de ce dernier ne peut pas paraître si évidente et est déclenché par un dernier sursaut d’effroi avant le générique de fin, délivrant également le seul et véritable thème important de « Enemy » : la peur d’autrui.

La réussite de « Enemy » est un fait grâce à la qualité de l’écriture des différents personnages et au véritable traumatisme vécu par eux. Dans les deux rôles principaux, on retrouve Jake Gyllenhaal, dédoublé pour l’occasion. Cela lui permet d’exploiter au maximum sa palette de jeu, ayant la possibilité d’avoir différents ressentis pour deux personnages très différents dans le fond. Sarah Gadon tient l’un des deux rôles principaux avec justesse et force, n’attirant jamais l’attention sur elle, mais réussissant l’exploit de marquer la conscience du spectateur en très peu de temps. Elle canalise toutes ses qualités d’actrices dans des moments cruciaux et fait de son personnage, un pilier pour « Enemy ». Même le personnage de Mélanie Laurent, pourtant très absent, se révèle très juste dans son dosage et son rapport à l’intrigue. Un certain équilibre est établi avec ces trois acteurs. Ils contrôlent totalement leur personnage, qui eux se retrouvent submergés dans l’incompréhension.

Denis Villeneuve est un faiseur d’ambiance, et nous l’avait déjà prouvé avec ses deux précédents longs-métrages. Pour « Enemy », le réalisateur travaille énormément sur les tons clairs et obscurs, suivant le lieu où l’on se trouve. La photographie de Nicolas Bolduc confirme ses ambiances, et va donner ce côté jaunâtre, presque étouffant, aux scènes d’appartements, tandis que la musique de Danny Bensi et Saunder Jurriaans crée l’angoisse lié à ce climat. On pourrait rapprocher tout ce travail sur l’ambiance des œuvres de Hitchcock, David Lynch ou même David Fincher, et à raison, mais heureusement pour « Enemy », Denis Villeneuve ne fait que s’inspirer de ces grands noms et offre quelque chose de nouveau au spectateur. Cependant, c’est dans son montage rigoureux et ses plans, presque contemplatifs, que le long-métrage obtient cette force incroyable et où Denis Villeneuve tisse et maintient sa mystérieuse énigme jusqu’à sa dernière séquence étonnante.

« Enemy » est une œuvre énigmatique où son scénario soigneusement écrit, allié à la réalisation et au montage, crée un ensemble où l’atmosphère devient un déclencheur d’émotion. Jake Gyllenhaal révèle encore un plus tout ses talents d’acteurs, dans une composition dédoublée impressionnante.

Enemy. De Denis Villeneuve. Avec Jake Gyllenhaal, Sarah Gadon, Mélanie Laurent, Isabella Rossellini, Tim Post, Joshua Peace, Jane Moffat, …

Sortie le 27 août 2014.