Vive la Bretagne

Publié le 11 septembre 2014 par Emmanuel S. @auxangesetc

Le week-end dernier, c’était mariage en Bretagne pour nous. Enfin, pour moi. Ma femme ne peut pas se déplacer trop loin. Et puis, il nous est toujours difficile de voir trop de monde d’un coup, sans compter qu’on est pas spécialement dans un mood mega festif. On préfère encore éviter un peu les questions sur nous, comment on va et comment va la vie.

Mais bon, mon mariage a été un moment si spécial et qui restera inoubliable pour moi (surtout parce que je ne comprends toujours pas comment ma femme a pu accepter ma demande et dit « oui » devant Dieu pour passer sa vie avec moi, elle avait pourtant tout pour réussir dans la vie), cela me fait plaisir de partager ces instants uniques avec mes amis proches.

Je prends donc la route, seul, avec ma petite année de permis derrière moi et mon C4. Et oui, j’ai eu mon permis un peu tard, ce qui m’a valu quelques bonnes blagues à mon mariage, ma belle famille – qui n’est plus vraiment ma famille – tenant une auto-école chez les communistes. Après 450 km, les bouchons parisiens, la route de nuit, 4 kitkat chunck et un sandwich Daunat poulet pas top ainsi qu’un coca pour faire passer le sandwich, me voilà chez ma sœur à Saint Nazaire, dernier bastion communiste de France, du moins j’espère que c’est le dernier…

A peine le temps de profiter d’une matinée avec ma sœur et les enfants, juste le temps d’apprécier les cascades de mon neveu de 4 ans à vélo (soit il est casse-cou, soit il est pas doué, mais il y a un truc) et je repars direction Vannes.

Joli coin cela dit. Je rêve d’y prendre ma retraite. Je dois juste convaincre ma chère et tendre que le climat breton sera idéal pour notre arythmie cardiaque et nos rhumatismes. Et puis y’a du chouchen et des bonnets rouges. Mais bon, la retraite ce n’est pas pour tout de suite, même les socialistes au pouvoir ne baissent pas l’âge de la retraite. Ce n’est plus ce que c’était le socialisme…

Juste le temps de prendre possession de ma chambre d’hôte dans un lieu où il faut 10 jours pour que le courrier arrive. Spartiate mais je ne ferai qu’y dormir, donc pas bien grave. Et puis il y a des chats, critère indispensable à la qualification de « lieu idéal » pour moi.

Arrivé au château, je crains de ne connaître personne à part les mariés. Mais quelle n’est pas ma surprise de voir mon meilleur ami, à qui je n’ai pas parlé depuis la mort de mes jumeaux. C’est pas comme si j’avais donné des nouvelles… Ce n’est pas comme s’il en avait pris… Ainsi va la vie. Mais finalement c’est comme toujours entre nous, tous deux marqués par la vie à notre manière (lui par une séparation douloureuse accompagnée de quelques problèmes « connexes ») et donc différents de notre insouciante jeunesse où nous jouions à la console tous les samedis après-midi avant d’aller à Gerland voir l’OL humilier tous ses adversaires du temps de son règne sans partage sur le foot français. Notre vision des choses n’en est que plus cynique et plus détachée.

Bref, passée la cérémonie et son lot d’émotions, je retrouve aussi un pote d’enfance. Il vient d’avoir un fils qui a 2 mois et de graves lésions cérébrales dus à un accouchement problématique. Il a cru perdre son enfant dans un premier temps avant qu’il ne vive. On discute pendant 1h30 dans les jardins. Aussi bizarre que cela puisse paraître, cela me fait du bien. Du bien de parler, de ressentir la douleur de cet ami que je n’ai pas vu depuis presque 10 ans, de voir que la vie ne fait pas de cadeau. Cela fait surtout du bien de parler avec quelqu’un qui comprend et que je comprends.

Après un gavage lors de l’apéro, le temps du dîner arrive. Je répands la joie autour de moi quand on me demande si j’ai des enfant en expliquant la situation : je suis père mais mes enfants ne sont pas avec moi. Je ne veux pas me cacher ni mentir. Je suis différent, à bien des égards je vous l’accord, mais je veux que mes enfants soient reconnus. Ils existent, ils sont nés, vivants, je les ai pris dans mes bras puis ils se sont endormis et je les ai enterrés de mes propres mains. Je leur épargne ces détails, je suis sympa quand même non ? Je reste sociable et j’arrive même à profiter du dîner.

Après le repas, rien de tel qu’une discussion avec une bonne amie en plein divorce. A croire que le malheur, telle la crasse après 4h de vélo, colle à la peau. Mais bon, si ça m’évite de danser alors que je ne suis pas bourré, tant mieux finalement. C’est déjà ça de gagné.

Après un premier et dernier tour sur la piste de danse, car on ne refuse pas ça à la mariée, je rentre dans mes pénates avant un petit brunch le lendemain. Le brunch est intelligemment constitué de crêpes. Pas con pour la Bretagne non? Le chef cuisinier m’apprends, à ma grande surprise, que la crêpe « complète » œuf, jambon, fromage est composée d’œuf, de jambon et de … fromage ! Incroyable, ils sont forts ces bretons ! Je me coucherai moins con le soir.

Au final cette petite escapade m’a fait du bien. J’ai partagé un moment unique avec des amis, pu ressentir la douleur et les difficultés que vivent aussi mes proches, et ai pu penser à mes jumeaux à ma guise. Pas si mal finalement ?

Seul point noir : ma femme m’a manqué et je m’ennuie loin d’elle. Mais je ne le dirai pas, ça ne fait pas super viril…