Noëlle : Célébration du rythme

Publié le 13 septembre 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Une artiste désormais inscrite dans l'histoire de l'art délivrait, dans les années soixante dix, le secret de sa création : « Ce qui est avant la forme, c’est le rythme dont le nombre est le secret ». Cette artiste, Aurélie Nemours, poursuivait de la sorte son chemin exigeant sur la voie d'un art concret sans concession. La série "Rythme du millimètre" s'assimilait ainsi à une équivalence visuelle de la musique sérielle, où la répétition ne génère jamais la même proposition.

"Manhattan" Noëlle 2014

Peinture sérielle

Aujourd'hui cette recherche, à travers les œuvres d'une jeune artiste, Nöelle, trouve de nouveaux développements avec les outils et les méthodes acquis à l'école de la restauration. Après avoir confronté ces techniques à une image chargée d'histoire, le code-barre, elle poursuit son expérimentation dans un exercice qui s'inscrit dans cette même préoccupation mais en l'acheminant vers de nouvelles avancées.
Utilisant de fines plaques de métal assemblées avec la  précision des métiers d'art, elle donne naissance à  un renouveau de cet art concret. Car, au-delà de la structure, la lumière intervient et, selon sa qualité naturelle ou artificielle, donne à cet agencement une vie nouvelle. Nous ne sommes pas véritablement dans un art cinétique ni dans un art optique mais dans un jeu délicat de déclinaisons exercé à travers les valeurs du noir (par exemple) et soumis aux vibrations de la lumière. Pour autant, ses œuvres ne s'en tiennent pas à ces valeurs dégradées du noir et s'orientent vers d'autres variantes monochromes.

Rythmes, gammes, phases

"Rythme du Millimètre", "Structure du Silence", ces titres des séries d'Aurélie Nemours nous entrainaient vers un autre rapprochement, celui de la musique. Ayant eu l'opportunité de réaliser spécialement à l'attention d'Aurélie Nemours un film sur son travail, l'artiste avait souhaité que je fasse appel à une musique de Steve Reich. Pionnier de la musique minimaliste, un courant important de la musique contemporaine américaine, Steve Reich désignait sa recherche comme « musique de phases » référence à son invention de la technique musicale du déphasage, c'est-à-dire un décalage graduel de l'exécution des motifs musicaux source de sonorités nouvelles.

Noëlle et Anaïs de Chabaneix galerie Laure Roynette 2014

Cette relation à la musique trouve son expression dans l' exposition de  la galerie Laure Roynette avec l'installation, en contrepoint, d'une autre artiste de la galerie : Anaïs de Chabaneix. Interpellée par John Cage et sa "Conférence sur le rien " de 1959 ( « Il y a des silences et les mots font, aident à faire les silences » ) , Anaïs de Chabaneix s'inscrit dans cet univers. Steve Reich et John Cage sont associés à cette musique minimaliste même s'ils ne partageaient les mêmes orientations. Ce contrepoint des pièces d' Anaïs de Chabaneix, travail évoqué dans un article précédent, apporte à l'exposition de Noëlle cette grille de lecture supplémentaire. Noëlle, face à ce concert silencieux d'Anaïs de Chabaneix, nous donne à voir le rythme. Sa partition colorée réclame davantage qu'un regard rapide et distant. Il faut s'impliquer devant ses tableaux pour appréhender toutes les subtilités de ce travail délicat et fait de multiples nuances. Son vocabulaire plastique pourrait appartenir également à l'univers musical. Entre rythme et gamme, sa partition se déploie sur les demi-tons chromatiques et propose, avec sa peinture sérielle, de nouveaux enjeux à un art concret renouvelé.

Noëlle et Anaïs de Chabaneix
"Rythme"

4–21 septembre 2014
Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny
75003 Paris