Les quatre graphes qui illustrent l'échec économique de François Hollande

Publié le 15 septembre 2014 par Blanchemanche
#Hollande

Le chef de l'Etat, François Hollande, sur le perron de l'Elysée, le 10 septembre 2014. (MAXPPP)La petite phrase avait effaré la plupart des observateurs de la vie économique française. A l'occasion du deuxième anniversaire de son arrivée à l'Elysée, le 4 mai 2014, François Hollande avait affiché une confiance déconcertante, claironnant dans la presse : "Le retournement économique arrive." Quatre mois plus tard, les signaux restent désespérément au rouge, et les derniers indicateurs ne sont pas rassurants, comme en témoignent les annonces du ministre des Finances, Michel Sapin, lors d'une conférence de presse à Bercy, mercredi 10 septembre. Francetv info en profite pour faire le point sur les quatre chiffres qui illustrent le mieux l'échec du chef de l'Etat.

La croissance ne repart pas

Loin de l'optimisme régulièrement affiché par François Hollande, la croissance française est au point mort depuis deux ans. D'un trimestre à l'autre, jamais le PIB n'a progressé de plus de 0,6%. Il alterne surtout entre stagnation, léger recul, et faible hausse.Durant les six premiers mois de 2014, la croissance française a ainsi été nulle (0%), selon la dernière note de l'Insee, publiée le 14 août. Conséquence : alors qu'il tablait sur une hausse du PIB de 1% en 2014, et de 1,7% en 2015, le gouvernement s'attend désormais à une faible progression de 0,4% en 2014, et autour de 1% en 2015. Loin, très loin des promesses émises par François Hollande lorsqu'il n'était encore que candidat à l'Elysée.

Le chômage s'aggrave

Parallèlement, l'un des marqueurs économiques les plus scrutés – celui de l'emploi – se révèle désastreux. En vingt-six mois, le nombre de chômeurs inscrits en catégorie A a augmenté à vingt-quatre reprises ! Résultat : la France compte aujourd'hui 500 000 demandeurs d'emploi de plus qu'en mai 2012, soit, en moyenne, 19 320 chômeurs de plus tous les mois.Et la tendance ne semble pas sur le point de s'inverser. Pour 2014, l'Insee s'attend à une hausse globale du taux de chômage, en raison d'une activité économique qui continue de tourner au ralenti. Quant au Fonds monétaire international (FMI), il a pour sa part prévenu qu'il n'attendait pas de décrue "notable" du chômage en France avant 2016. 

Le déficit public dérape

Conséquence directe d'une croissance atone et d'un fort ralentissement de l'inflation, l'objectif de résorber le déficit public – conformément aux engagements européens – est sans cesse repoussé. Alors que François Hollande avait promis de le ramener sous la barre des 3% dès 2013, le gouvernement espère désormais que ce sera le cas… en 2017 !Et pour respecter ce nouvel objectif, l'Etat n'aura pas trente-six solutions : soit il devra augmenter les recettes (et donc les impôts), soit il devra davantage tailler dans ses dépenses. Pour le moment, le gouvernement assure qu'il ne touchera pas au premier des deux leviers. En attendant, Bruxelles dit attendre"des mesures crédibles" de la part de Paris.

La dette s'envole

Difficile, dans un tel contexte, de réduire la dette publique française. Celle-ci devrait bientôt dépasser le cap symbolique des 2 000 milliards d'euros ! La raison est simple : ne pouvant pas compter sur l'activité économique du pays, l'Etat et les collectivités locales doivent emprunter pour combler, tant bien que mal, leur déficit.Exprimée autrement, la dette française atteint désormais 93,6% du PIB. Ainsi, la quasi-totalité des richesses créées en France ne servent qu'à rembourser ce que l'on emprunte...
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La France populaire décroche, qui s’en soucie ?



+ 1 800 euros annuels pour les 10 % les plus riches, - 400 euros pour les 10 % les plus pauvres. Le bilan de l’évolution des revenus sur la période 2008-2011 [1] est sombre pour les milieux populaires. La « baisse généralisée du pouvoir d’achat » [2], tant médiatisée, est une imposture : le pouvoir d’achat augmente pour les plus riches et diminue pour les plus pauvres.
Bien des catégories sont à l’abri de la crise. Elle ne frappe qu’une partie de la population : les plus modestes, déjà fragilisés par des décennies de chômage. Les jeunes, les ouvriers et les employés, la main d’œuvre peu qualifiée travaillant dans les petites entreprises du secteur privé et les immigrés sont en première ligne. Et pourtant, on entend essentiellement le bruit des couches aisées qui continuent d’oser se plaindre d’être matraquées par les impôts. Le gouvernement, dont l’action est formatée par les sondages, a entendu le « ras-le-bol-fiscal ». Il a perdu le sens de la réalité sociale. Les politiques mises en œuvre sont totalement décalées par rapport à la hauteur de l’enjeu.
Trois France se distinguent. Parmi les 30 % les plus riches, les revenus ont continué à progresser entre 2008 et 2011 : + 500 euros gagnés par an pour ceux de la tranche située entre les 70 et les 80 % les plus aisés, jusqu’à + 1 800 euros pour ceux des 10 % supérieurs. La crise, les 20 % du haut ne la connaissent pas vraiment. Entre 2008 et 2009 les cours de la bourse ont été divisés par deux, mais le rattrapage a été rapide. A ce niveau de vie (au moins 2 200 euros par mois pour une personne seule), on vit bien et surtout on continue à gagner plus, même si on est loin des sommets. Mais il est vrai que les gains demeurent beaucoup plus faibles que ceux qu’on observe chez les 0,1 % les plus riches, qui ont gagné (au minimum) 36 000 euros (avant impôts) de plus en 2010 qu’en 2004 
Comment évoluent les très hauts revenus en France).Les trois dixièmes de la population situés entre les 40 % les plus pauvres et les 30 % les plus riches ont vu leur situation stagner. Les classes moyennes ne sont pas « étranglées », selon l’adage médiatique, leur situation n’est pas la plus difficile, mais cette stagnation constitue une rupture pour des catégories au cœur d’une société où l’on consomme toujours plus. Pour cela, il faut gagner davantage et ce n’est plus le cas. Enfin, parmi les 40 % du bas de la hiérarchie sociale, les revenus diminuent de 300 à 400 euros (données annuelles). Cette France qui décroche a un visage : c’est celle des employés et des ouvriers, qui ont perdu respectivement 500 et 230 euros sur l’année entre 2008 et 2011, quand les cadres ont gagné 1 000 euros, soit un mois de travail d’un Smicard.

Le visage de la France qui décroche à l’école

A l’école, la moitié des décrocheurs ont un père ouvrier, 5 % un père cadre. 54 % des enfants en retard en troisième ont des parents non diplômés, 14 % ont des parents diplômés du supérieur. La France qui ne suit pas le rythme du système scolaire est dans son immense majorité issue des catégories défavorisées. L’intérêt porté aux filières prestigieuses fait oublier son image inverse : les moins renommées qui rassemblent les enfants issus pour l’essentiel des catégories populaires. Dans les filières pour les élèves les plus en difficulté au collège, les Sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), on trouve 84 % d’enfants issus des milieux populaires (ouvriers, employés, sans profession) et moins de 2 % d’enfants de cadres. Le constat d’un système scolaire reproduisant les inégalités sociales est désormais partagé. Les données de l’enquête internationale Pisa de l’OCDE [3] – auprès des élèves âgés de 15 ans - ont été largement diffusées, parfois jusqu’à l’excès. Mais l’hypocrisie règne : derrière les discours de justice, aucune mesure n’est mise en œuvre pour réformer l’école sur le fond, dans sa structure, ses programmes et sa pédagogie.

Un changement social inédit

Ce décrochage de la France d’en bas est inédit. Jusqu’au milieu des années 2000, les inégalités s’accroissaient par le haut, tirées par la progression des revenus des plus aisés. Pas uniquement des très riches, mais de toute la frange des 10 % les plus aisés. Les moins favorisés continuaient à voir leurs revenus augmenter, notamment au début des années 2000 du fait de l’importante hausse du Smic liée au passage aux 35 heures.« Après tout », nous expliquait-on, « peu importent les inégalités si les plus démunis continuent à récupérer les miettes du progrès ». L’argument ne tient plus quand une part de la population décroche. Et encore, la réalité de 2014 est plus dégradée mais elle n’est pas encore visible dans les statistiques de l’Insee, connues avec deux années de retard. Depuis 2011, tout porte à croire que les plus pauvres se sont encore appauvris et les plus riches enrichis.La hausse du chômage est à l’origine de ce basculement. A la mi-2008, on comptait trois millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi [4]. Ils sont désormais 4,9 millions, une augmentation de 63 %. Il faut remonter à la fin des années 1970 et au début des années 1980 pour trouver une telle progression. Parmi eux, on trouve 5,5 % de cadres, 6,6 % d’agents de maîtrise et techniciens et 88 % d’ouvriers ou d’employés. En matière d’emploi, il existe une fracture dans la fracture, masquée par les moyennes, et qui ne date pas de 2008. A l’intérieur de l’ensemble du monde ouvrier, les moins qualifiés sont beaucoup plus fragilisés que le reste des actifs. Dès le milieu des années 1990, leur taux de chômage a atteint 17 %. Revenu à 13 % en 2001, il a ensuite grimpé et dépassé 20 % en 2012. Le statut de l’emploi et le type d’employeur comptent de plus en plus. Une partie importante des salariés est à l’abri, soit du fait de leur statut de fonctionnaire (environ 4,5 millions de personnes), soit du fait de leur haut niveau de diplôme qui leur assure de retrouver du travail dans de brefs délais pour l’immense majorité des cas. La taille et le secteur d’activité constituent aussi un clivage majeur : l’avenir d’un salarié d’une grande banque privée a peu à voir avec celui qui est employé dans une PME industrielle.La France qui trinque est d’abord celle qui n’a pas eu la chance d’être estampillée bonne élève par le système éducatif (voir encadré sur le décrochage). Même si quelques diplômés ont du mal à s’insérer rapidement, les jeunes en difficulté sont massivement ceux qui n’ont pas eu la chance de faire des études. Le taux de chômage des sans diplôme est passé de 12,6 à 17,1 % entre 2008 et 2012, celui de ceux qui disposent d’un diplôme supérieur à bac + 2 de 4,7 à 5,6 %. Et encore, ces données ne prennent pas en compte les décrocheurs de l’emploi, notamment des femmes peu qualifiées, qui, devant la dégradation des conditions d’emploi (précarité et bas salaires), ne postulent même plus. Dans un pays où la croyance dans les titres scolaires est démesurée, le clivage social le plus profond porte sur le diplôme. Même périmé après des années de travail, il marque ensuite le parcours des salariés tout au long de leur vie professionnelle.

Le chômage frappe les jeunes et fragilise les plus âgés

Les plus jeunes sont aux premières loges de la crise. Le taux de chômage des moins de 25 ans a atteint un niveau record de 25,4 % fin 2012 et se situe à 22,8 % fin 2013. Il était de 17 % en 2008. Le nombre de chômeurs de plus de 50 ans reste faible, mais il a doublé entre 2008 et 2013 et leur taux de chômage est passé de 4 à 6,4 %. Si l’on observe le taux, le manque d’emploi pénalise bien plus les jeunes que les plus âgés. Mais ce taux peut être un indicateur trompeur : il faut aussi tenir compte de la durée de chômage [5]. Pour les plus âgés, retrouver un emploi est souvent plus difficile. Le licenciement peut déboucher sur une très forte baisse de niveau de vie, et parfois une fin de carrière prématurée.

Qui s’inquiète de cette fracture ?

Durant des années, on a expliqué aux Français que le pays n’était plus composé que d’une vaste classe moyenne. La plupart des sociologues nous expliquait que les catégories sociales ne servaient à rien pour comprendre la société, que nous n’avions plus que des individus agglomérés [6]. L’amplification de la crise de l’emploi ne fait que dévoiler la fonction de ce discours : effacer le poids du social, des hiérarchies et des rapports de domination. Si tout le monde est frappé, personne ne l’est en particulier. Personne ne peut être mis à contribution. Faire comme si la crise touchait tous les milieux est une façon d’exonérer les couches aisées d’une solidarité nécessaire ou de la reporter sur une minorité d’ultra-riches.Qui s’inquiète vraiment de cette fracture ? La France qui va mal est populaire et celle dont on entend la plainte est aisée. Elle croule sous l’« assommoir fiscal », paraît-il. En réalité, les impôts ont augmenté entre 2011 et 2013, dans une proportion très inférieure à la baisse enregistrée entre 2000 et 2010 [7]
L’opération de construction du ras-le-bol fiscal a réussi au-delà des espérances de ses promoteurs avec le soutien de la majeure partie des journalistes français [8]. La démagogie des baisses d’impôtsn’a pas attendu longtemps avant de faire son retour, faisant passer au second plan la réponse aux besoins sociaux.Le résultat de ce désintérêt pour la France populaire est ravageur sur le plan politique : on construit l’échelle pour l’accession du Front national au pouvoir. Le gouvernement d’opinion fondé sur des sondages biaisés est suicidaire dans l’opinion. Il est en passe d’éliminer toute une partie du personnel politique classique, de gauche comme de droite, au profit des extrêmes [9].En même temps, cette montée des extrêmes est-elle si importante que cela pour le haut de la hiérarchie sociale qui pleure pour ses impôts ? Toute une partie des catégories favorisées s’intéresse aux « questions sociétales » comme on dit, au « social business » ou aux sympathiques chartes de la diversité. Cela ne mange pas de pain. Elle se préoccupe de l’orientation de ses enfants, de ses futurs congés ou de son alimentation bio, plus que de la situation des immigrés, des ouvriers qui travaillent à la chaîne, des caissières, ou du fonctionnement de l’entreprise ou de l’école. Reste à attendre le moment où la contestation sera telle que ces milieux favorisés se sentiront vraiment contraints de redistribuer, un peu, les cartes.

La France appauvrie n’est pas périurbaine

La France qui subit le plus lourdement les effets de la crise est bien loin d’être la France pavillonnaire du périurbain. La pauvreté et les inégalités se concentrent dans les grandes villes. Le taux de pauvreté [10] atteint son maximum – 18% - dans les villes de 100 000 à 200 000 habitants. Dans les communes des banlieues défavorisées ou les quartiers populaires des grandes villes, le taux de pauvreté dépasse souvent les 40 %. Les quartiers les plus en difficulté – parfois présentés comme bénéficiaires du dynamisme des métropoles – ne sont pas des ghettos à l’abandon, mais paient un tribut beaucoup plus lourd à la crise que la campagne ou la France pavillonnaire. Le taux de pauvreté y atteint 36 %, trois fois plus que le reste du territoire urbain. Entre 2006 et 2011, ce taux a augmenté de 6 points, contre 0,8 hors des zones urbaines sensibles.

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Auteur de « Déchiffrer la société », éditions La découverte, 2009.
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Notes

[1] Dernières données disponibles, après impôts et prestations sociales et pour l’équivalent d’une personne, en euros constants (après inflation). Sauf indication contraire, toutes les données utilisées dans cet article sont de ce type. Source : Insee.[2] L’évolution du pouvoir d’achat, c’est l’évolution du revenu moins l’inflation.[3] Organisation de coopération et de développement économique. L’OCDE est le principal collecteur de statistiques sur les pays développés.[4] Catégories A,B et C.[5] Voir pour cela notre article sur la durée du chômage.[6] Certains, encore très écoutés, persistent : voir « La fin des sociétés », Alain Touraine, Le Seuil, 2013.[7] Entre 2000 et 2009 (2010 non compris), le rapporteur du budget UMP Gilles Carrez a chiffré l’impact des baisses entre 100 et 120 milliards. Les impôts et prélèvements ont augmenté de 65 milliards entre 2011 et 2013.[8] Voir parmi de nombreux exemples : « Les classes moyennes étranglées par les impôts », Catherine Rollot, Le Monde, 8 septembre 2014[9] Déjà en 1999 Laurent Fabius, alors ministre de l’économie, expliquait que la seule raison qui puisse faire perdre la gauche aux élections était de ne pas réduire les impôts. On a vu le résultat[10] Mesuré ici à 60 % du niveau de vie médian.© Tous droits réservés - Observatoire des inégalités http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=1930