5 jours au Festival de Cannes

Par Sylvain Brunerie

Aïe aïe aïe, que de retard accumulé pendant ces derniers jours... Je dois dire que l'arrivée progressive des vacances m'a laissé en proie à une crise de flemmingite aiguë. Pour information, les sorties de demain ne seront pas non plus détaillées, pour cause de festival, justement. En effet, je pars demain pour le Festival du film d'animation d'Annecy, pour lequel le séjour m'a été offert comme Premier prix ex aequo du concours Écrits sur l'image du Festival Cinéma d'Alès Itinérances. Ceci étant dit, je dois me dépêcher de vous raconter Cannes avant qu'il ne soit trop tard. Allons-y donc pour mon séjour au festival de cinéma le plus prestigieux du monde.
Ce récit sera découpé en trois parties (et non chronologiquement, comme je l'avais fait pour le festival Itinérances) : les films vus, le festival en dehors des films, et le séjour en tant que voyage "touristique".
Veuillez m'excuser d'avance, j'ai très peu de temps, et cet article ne sera donc, premièrement, pas fini (seulement la première partie pour aujourd'hui), et deuxièmement, peut-être pas asez abouti. J'espère que j'aurai le courage de le continuer plus tard.

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Bien avant d'y aller, on pensait que ce serait génial ("Ouais, les stars !" pour les uns, "Ouais, les films !" pour les autres - moins nombreux). Juste avant, tout le monde nous persuadait que ce serait vraiment nul (les files d'attente de deux heures, l'absence des stars tant attendues...). Au final, que penser de ce festival ? Disons que ce fut... bien. Ça dépend de quel côté on aborde la question.

Autant le dire tout de suite : j'ai été plutôt déçu, dans l'ensemble, des films qui nous ont été projetés. En voici la liste :

¤ Sélection officielle - Compétition :
- De l'autre côté, de Fatih Akin [Prix du scénario]

¤ Sélection officielle - Hors compétition :
- Go Go Tales, d'Abel Ferrara

¤ Sélection officielle - Séances spéciales :
- Cartouches gauloises, de Mehdi Charef
- Retour en Normandie, de Nicolas Philibert

¤ Sélection officielle - Un Certain Regard :
- Munyurangabo (ou Liberation Day), de Lee Isaac Chung
- Sourdes vallées (ou Mang Shan, ou Blind Mountain), de Li Yang
- La novia errante (ou La Fiancée errante), de Ana Katz
- La Soledad, de Jaime Rosales
- Toi qui es vivant, de Roy Anderson

¤ Quinzaine des réalisateurs :
- Foster Child, de Brillante Mendoza
- Smiley Face, de Gregg Araki

¤ Semaine Internationale de la Critique :
- Les Méduses (ou Meduzot), de Etgar Keret et Shira Geffen [Caméra d'Or]

+ un court métrage : Fog, de Peter Salmon.


[Il manque apparemment dans cette liste deux ou trois des films que nous avons vus, étant donné que je n'avais rien noté et que je ne me souvenais pas forcément des titres des films (je me suis aidé du programme pour faire cette liste).]

Parmi ces douze films (plus ceux qui manquent), environ la moitié m'ont déplu. Pour tout vous dire, j'y ai souvent dormi, pour ne pas dire systématiquement, et ce n'était pas seulement dû à nos très courtes nuits. En effet, la grande majorité était d'un style lent, contemplatif, comme diront certains, chiant, comme diront d'autres. Un style que j'apprécie beaucoup dans le cinéma de Kim Ki-Duk ( Printemps, été, automne, hiver... et printemps), par exemple, mais qui est un peu difficile à supporter quatre fois dans la même journée. Je pense qu'il faut savoir renouveler le cinéma, trouver des manières de filmer plus originales et nouvelles, au lieu d'en utiliser une cent fois vue et revue, mais qui paraît sérieuse et maîtrisée.

Le chef-d'oeuvre en la matière était sans aucun doute , de Jaime Rosales. Le titre laisse déjà penser qu'il ne faut pas attendre un sympathique film tout plein de vie, de joie et de bonheur. Ni d'action. Car La Soledad est un film réaliste, en cela qu'il décrit, pour sa majeure partie, la vie quotidienne dans sa banalité la plus complète. Les conséquences du moment fort du film (car oui, il y en a un - qui, je l'avoue, est plutôt réussi) se ressentent à peine dans la suite, ce qui nous sort de notre torpeur qu'un quart de minute. On notera tout de même un travail de mise en scène intéressant, qui repose sur des plans fixes souvent découpés en deux verticalement, montrant la même action se dérouler en même temps depuis deux points de vue différents. Enfin, ça ne rend pas le film en lui-même plus intéressant pour autant. Parce que bon, je veux bien que La Soledad dépeigne la solitude et que ce soit un style, que ce soit voulu, que ce soit artistique, mais faut quand même pas exagérer.
Heureusement, des films plus variés nous attendaient au tournant. Comme ce régal d'humour absurde que futToi qui es vivant, du suédois Roy Andersson. Vaguement construit autour des rêves des personnages, sans pour autant les présenter de façon psychédélique maintenant classique, le film fait parler les personnages directement à la caméra, donc aux spectateurs. Ici, la simplicité apparente du propos et de l'action est telle qu'elle en devient drôle.
Un autre film de caractère était celui de Abel Ferrara, . S'il présente simplement, dans sa première partie, des strip-teaseuses dans une boîte de strip-tease, sans réel intérêt, il devient ensuite (dans sa deuxième partie) d'une humanité très touchante. Les banales strip-teaseuses et les banaux hommes d'affaires deviennent alors des êtres humains, solidaires, joyeux de vivre, qui font tout pour maintenir l'existence de leur petite boîte, pas spécialement luxueuse mais d'une intimité très sympathique. Le regard du cinéaste devient mélancolique, et le film n'en est que plus réjouissant.
Un dernier film "sympathique" avant de passer à une oeuvre plus "sérieuse" (mais non moins réussie). Je parlerai ici duSmiley Face de Gregg Araki ( Mysterious Skin), une sorte de farce déjantée vantant les démérites de la drogue à travers les mésaventures d'une jeune fille (Anna Faris, héroïne de Scary Movie) ayant malencontreusement ingurgité un certain nombre de space cakes (des gâteaux au cannabis). Usant sans complexe de tous les effets cinématographiques imaginables pour représenter le paradis artificiel, Gregg Araki nous distrait sans problème pendant la durée de son film. Après, disons que c'est pas super poussé, comme analyse des effets de la drogue.
Pour finir, parlons d'un film chinois, , réalisé par Li Yang. Il raconte le calvaire d'une étudiante kidnappée puis achetée par des paysans pour devenir la femme de l'un d'eux, bien entendu sans son consentement. Cette histoire est traitée avec une puissance sadique des plus fortes : l'héroïne tente à maintes reprises de s'enfuir, mais n'arrive jamais à échapper à ses poursuivants. La puissance de la perversité de ce système s'est d'ailleurs fortement ressentie dans la salle, qui a acclamé le meurtre, par la jeune femme, de son "mari"...

J'ai le regret de m'arrêter ici pour l'instant, puisque je pars pour le festival d'Annecy demain (comme je l'ai déjà dit) et ne reviendrai que dimanche.