Sin city : j’ai tué pour elle

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Sin City : A Dame to Kill For

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Robert Rodriguez, Frank Miller
Distribution : Jessica Alba, Mickey Rourke, Eva Green, Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt, Rosario Dawson, Jamie Chung, Juno Temple, Ray Liotta, Jeremy Piven, Stacy Keach, Dennis Haysbert, Christopher Meloni, Lady Gaga…
Genre : Thriller/Action/Drame/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 17 septembre 2014

Le Pitch :
Rien ne va plus à Sin City. Comme d’habitude diront certaines âmes avisées. Marv par exemple, qui passe le plus clair de son temps à picoler et à tabasser des types. Souvent sans raison particulière, parfois pour la bonne cause. Nancy, la fameuse stripteaseuse, ronge quant à elle son frein, en rêvant de venger son protecteur, John Hartingan. Dwight pour sa part, se débat avec ses vieux démons, tiré vers le bas par Ava Lord, la femme fatale par excellence, pour laquelle il serait capable du pire.
Plus les choses changent et plus elles restent les mêmes dans la ville du pêché. Personne n’est à l’abri de la violence. Y compris ceux qui ont une belle main sur la table de jeu, à l’image de ce jeune type sorti de nulle part, qui a décidé d’humilier au poker le sénateur Roark, à savoir l’homme le plus dangereux de la ville…

La Critique :
Pour un acteur, tourner Sin City revient à évoluer toute la journée dans un hangar peinturluré en vert. Dans le meilleur des cas, le comédien passe au maquillage comme d’habitude et c’est tout. Dans le pire des cas, il est affublé de grosses prothèses, à l’instar de Mickey Rourke. Des oripeaux indispensables pour se transformer en une bête comme la brute épaisse Marv. Et cela même si on possède déjà une gueule cassée. Sin City, dans la réalité, se résume à de gros blocs verts, posés sur un sol vert, entre des murs verts. Tout est factice, et tout est vert. Le futur du septième-art parait-il, et en effet, certains arrivent à tirer le meilleur d’un environnement entièrement façonné sur ordinateur. Avec le premier Sin City, Robert Rodriguez, épaulé par Frank Miller et par Quentin Tarantino (qui avait tourné une scène), avait réussi à imposer quelque chose de nouveau et de frais. En 2005, la plongée en immersion dans l’univers noir & sang de Frank Miller possédait des airs de révolution. Hommage aux films policiers d’antan, le long-métrage avait de la gueule et du style. Porté par une escouade d’acteurs charismatiques, il explosait les mirettes et posait les bases d’une nouvelle cinématographie. L’année suivante, c’est 300, adapté du même auteur, qui confirmait la tendance et le septième-art de devoir compter sur une technologie capable de proposer bien plus que des effets-spéciaux classiques. Les frontières entre les origines du récit et le film furent abolies. En prenant part à l’aventure, Miller a offert à ses personnages une seconde vie, sur grand écran. Aujourd’hui, ils prennent carrément du relief. Sin City re-ouvre ses portes en 3D. Pour le meilleur et surtout pour le pire…

Sin City : j’ai tué pour elle, ressemble en effet à un bon gros coup d’épée dans l’eau. Hasard du calendrier, le film sort quelques mois après la suite de 300. Deux suites de deux films cultes des années 2000, pour deux déceptions notables caractérisées par leur maniérisme et surtout par la tiédeur de leur propos. Cela dit, on va bien se garder de les comparer. On ne cause ici que de Sin City 2. Un long-métrage attendu depuis pas mal d’années, intervenant 9 ans après le premier volet, qui se compose de trois histoires éparpillées entre passé et présent. Au bout du tunnel, un bon gros bordel assez anecdotique. Que s’est-il passé ? Difficile à dire. Peut-être est-ce l’époque qui n’est plus favorable à Sin City ou peut-être pas. Plus vraisemblablement, la faute est malheureusement imputable à Rodriguez et à Miller. Trop confiants, les deux compères y sont allés franchement sur un plan visuel mais ont oublié le fond. À tel point qu’aucune des trois histoires ne captive vraiment. 9 ans plus tard, on retrouve trop vite ses marques et l’effet de surprise s’est fait la malle depuis belle lurette. Personne n’a vraiment exploité le filon depuis, si ce n’est Miller lui-même avec son pitoyable The Spirit et on ne se demande pas pourquoi. Tout ceci est trop surfait. Certes Rodriguez sait tenir une caméra et sa science rock and roll du montage fait toujours des merveilles. Le comble étant justement que bien qu’animé de toute part, Sin City 2 souffre d’une rythmique trop laborieuse. La voix off est trop omniprésente et ne sert qu’à énoncer des banalités (au mieux) ou des répliques à la ramasse (trop souvent). Une voix off bien pratique qui dispense le film de nous proposer de vrais dialogues. Il serait d’ailleurs marrant de voir le métrage sans ces voix envahissantes. Cela permettrait probablement de se rendre compte qu’au final, Sin City 2 est surtout un bel objet clinquant, mais tragiquement creux…

Bien heureusement, comme toujours, Robert Rodriguez sait s’entourer. Là encore, les acteurs s’en donnent à cœur joie et leur plaisir -hourra- est communicatif. Mickey Rourke est violent et rigolo, Jessica Alba canon et crépusculaire, Josh Brolin bas du front (en lieu et place de Clive Owen) et Joseph Gordon-Levitt transpire la classe par tous ses pores. Un joli tableau, parcouru de fautes de goût, comme ces incursions de couleurs inutiles (un personnage en couleur, l’autre en noir et blanc… mauvaise idée), dans lequel des grands noms du cinéma américain s’amusent. Rodriguez, bien conscient de la valeur ajouté de son casting, se repose d’ailleurs beaucoup sur le magnétisme de ses têtes d’affiche. Taquin, il joue à fond sur les qualités de chacun. Pour les hommes, mais surtout pour les femmes et surtout concernant Eva Green. Eva qui sauvait déjà 300 : la naissance d’un Empire de la noyade et qui, en noir & blanc (et vert) fait à nouveau très fort. Filmée sous toutes les coutures par la caméra grivoise d’un réalisateur tout à fait conscient du caractère spectaculaire d’une actrice dévouée et pas pudique pour un sous, Eva Green est sublime et vénéneuse. À elle seule elle justifie le film et le prix du ticket. Jamais vraiment habillée, elle veille au grain et apporte à Sin City 2 tout son charme. Elle personnifie le « Sin » (péché) du titre dans un mélange de violence viscelarde et d’érotisme torride. Avec elle, le « noir et blanc » devient brûlant et la pellicule se consume. Malgré la finesse de l’histoire dans laquelle elle intervient. Elle s’en fout. Eva est en roue libre.
C’est le cas de tous les comédiens qui ont tous fait mieux ailleurs. Sin City 2 n’est pas un film d’acteurs, mais un trip graphique où chacun apporte sa pierre à l’édifice, en étant sublimé par une photographie léchée et artificielle. Pour preuve, le visage balafré de Jessica Alba, plus ridicule que vilain, et pour le coup absolument pas dommageable à un sex appeal qui explose lors d’une lap dance d’anthologie.

Long-métrage bancal, malade, creux, vain et anecdotique, Sin City 2 n’est qu’une pale photocopie de son prédécesseur. Un écho dispensable parcouru de fulgurances rappelant surtout à quel point c’était mieux avant. Aujourd’hui, Sin City a pris un coup de vieux (mais reste remarquable). Sa suite aussi. Comme ça. Instantanément. Dès sa sortie, le couperet tombe et le produit apparaît déjà daté. L’évolution technique n’est pas flagrante, la 3D ne sert pas à grand chose, si ce n’est à souligner davantage le côté factice de la chose, et cette fâcheuse tendance à l’auto-citation irrite. J’ai tué pour elle ne mérite pas de bénéficier du même culte instantané que son prédécesseur. C’est aussi évident que regrettable. De justesse, le film surnage, mais c’est bien tout. De plus en plus conspué, Robert Rodriguez est pourtant un artisan sincère. Un mec généreux qui s’emballe vite. Monteur, directeur de la photographie, scénariste, compositeur, il collectionne les casquettes, et contrairement à son pote Tarantino, il travaille vite. Cinéaste populaire, il vient malheureusement de griller une belle cartouche et d’offrir à l’un de ses meilleurs films, une suite clairement pas à la hauteur.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Metropolitan FilmExport