Elle l'adore

Par Bullesdeculture @bullesdeculture

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Avec Elle l'adore, Jeanne Herry a écrit et réalisé un premier long métrage réussi : le rythme, l'humour, la direction d'acteur... tout y est. Sandrine Kiberlain et Laurent Laffite jouent avec virtuosité une partition décalée et nous embarquent avec eux dans une histoire à dormir debout.
Muriel (Sandrine Kiberlain) est une fan de la première heure du chanteur de variété Vincent Lacroix (Laurent Laffite). Depuis vingt ans, fidèle au poste, au premier rang de ses concerts, connue du staff, collectionneuse de la moindre affiche, photo, coupure de presse... Elle l'aime, elle l'adore. C'est ce qui lui permet de s'évader de sa vie ordinaire, banale. Ça et les mensonges qu'elle raconte à son entourage, réinventant sans cesse sa vie dans des anecdotes aussi peu crédibles que drôles. Jusqu'au jour où son idole frappe à sa porte, entrant ainsi dans sa vie au sens propre, et lui demande de l'aider à faire disparaître le corps de sa compagne tuée accidentellement. Vite suspecté par la police, le chanteur se retrouve à la merci d'une fan mythomane et déterminée à l'aider, quoiqu'il lui en coûte.

Elle rêve de la vie d'artiste, la groupie du pianiste

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Le générique se déroule sur une scène électrisante de début de concert : les acclamations, la tension du chanteur, la foule en délire... L'ambiance de début de show est particulièrement bien rendue, jusqu'à faire ressentir le frisson qui nous parcourt en tant que spectateur. Immédiatement, on se met dans la peau de Muriel, on comprend sa ferveur, on partage son excitation. Le premier long métrage de Jeanne Herry, offre un point de vue à la fois tendre et sans concession sur l'univers de cette femme fan en  abordant la thématique de la célébrité en opposition à la vie "normale". Un sujet sans doute nourri par l'expérience du célèbre paternel de Jeanne Herry (Julien Clerc) et probablement celle de sa mère (Miou-Miou). Muriel voudrait exister aux yeux de Vincent Lacroix par tous les moyens. Il est tout pour elle, il remplit sa vie, elle lui confie ses pensées les plus intimes dans des courriers alors qu'elle n'est "rien" pour lui. C'est lui qui le dit.
Jusqu'à ce jour où elle prend une place déterminante dans sa vie, malgré elle et à sa demande à lui. Le rapport de force s'inverse alors. Mais finalement, Muriel désire-t-elle réellement vivre une vie extraordinaire ?

Elle le suivrait jusqu'en enfer

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"Et même l'enfer, c'est pas grand-chose, A côté d'être seule sur terre"
Michel Berger, La groupie du pianiste
Le scénario, co-écrit par Jeanne Herry et Gaëlle Macé, offre un film très efficace. Passant habilement du drame à la comédie, on suit le parcourt de Muriel, effarée de voir jusqu'où elle est prête à aller pour son idole. Pourtant l'histoire reste crédible du début à la fin grâce à des portraits de personnages subtilement brossés : Muriel est tout autant une ado attardée qu'une mythomane mais aussi une femme loin d'être sotte et une mère. C'est ce qui nous permet de croire à cette histoire invraisemblable.
Dans ce scénario, tout est efficace et précis : l'intrigue principale autant que la secondaire. D'ailleurs, par cette seconde intrigue - l'amour passionnel  entre les deux flics enquêtant sur le meurtre -, la réalisatrice offre un point de vue peu souvent développé sur l'influence de l'aspect humain sur une enquête. Cette intrigue permet un rebondissement inespéré de dernière minute aussi improbable que logique et bien amené. La mécanique bien huilée du scénario est pourtant perturbée par les mensonges de Muriel et le montage déconstruit nous permet ainsi d'être surpris par un rebondissement en milieu de film, tout comme l'est le personnage de Vincent Lacroix.

Dieu que cette fille prend des risques, amoureuse d'un égoïste

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Une des grandes réussites du film est l'écriture des dialogues : précis et truculents. Ils donnent au film à la fois un rythme et un ton original puisqu'ils permettent de balancer entre deux genres : le drame et la comédie. Durant tout le film, on est en effet pris par l'émotion ou par le rire aux moments les plus inattendus. Le personnage loufoque de Muriel offre ainsi un ton décalé et original au film, tout comme certaines répliques de Vincent Lacroix. De même, se logent des détails d'humour noir tout au long du film, comme par exemple le fait que sa compagne ait été tuée par une "Victoire de la musique". Une des meilleures scènes du film est d'ailleurs celle de l'interrogatoire où Muriel, emberlificotée dans ses mensonges, nous tient en haleine entre rire et inquiétude, toujours sur le fil, comme un chat qui retomberait toujours sur ses pattes. 

C'est fou comme elle l'aime


Et moi, c'est fou comme je les ai aimés ces personnages, attachants, drôles et aussi très bien servis par un casting "caviar" !
Sandrine Kiberlain, au premier rang de tous. Elle balade son flegme et son élégance comme un musicien virtuose qui vous donne l'impression que la partition est presque "trop facile" à jouer pour elle. Tour à tour petit oiseau blessé et manipulatrice malgré elle, sa gaucherie naturelle lui permet d'exceller dans ce rôle de femme attachiante (pardon pour le néologisme). Tout au long du film, malgré tous ses défauts, on s'attache tant à elle qu'on prie pour qu'elle ne se fasse pas prendre... Et il en va de même pour Vincent Lacroix, interprété par Laurent Laffite. Crédible dans ce rôle de chanteur de variétoche, par son physique de beau gosse, il apporte une certaine complexité car il est capable de passer de la noirceur à une certaine forme de candeur. Il campe un homme tourmenté par la culpabilité sans céder à la caricature. Et c'est ce qui m'a d'ailleurs le plus touché dans ce film, c'est qu'il m'a semblé crédible. Loin des films de flics très noirs. Plus proche de la vraie vie en somme.

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La performance des acteurs est aussi valable pour les seconds rôles : Pascal Demolon et sa voix ténébreuse incarne un commissaire tourmenté par une vie sentimentale complexe. Le rôle d'Olivia Côte (proche de la réalisatrice) a été écrit spécialement pour elle et ça se voit car son magnétisme imprègne chaque scène dans lesquelles elle est présente. Saluons également la présence de Muriel Mayette, ex-administratrice de la Comédie Française, inquiétante dans son rôle de gouvernante sous le joug du chanteur.

Bémols ?


Deux petits bémols, s'il faut vraiment en mettre... Une musique un peu molle, composée par Pascal Sangla. C'est dommage étant donné l'univers traité. La bande originale aurait pu venir apporter encore plus de rythme et d'émotion. Et enfin, une fin un peu "gentillette", détonnant avec le ton général du film plutôt noir et drôle.
Mais malgré ces quelques fausses notes, Elle l'adore  reste un film efficace, drôle et touchant, admirablement servi par la prestation de Sandrine Kiberlain.
Marjolaine G.



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