Reims 14-18... on ne fait pas toujours comme on veut !

Par Cantabile @reimsavant

Madame Denis
Vous serez sans doute surprise que j'ai tardé si longtemps à vous redonner de mes nouvelles, mais on ne fait pas toujours comme on veut.
Nous ne devons remettre que deux lettres par jour au vaguemestre, de sorte que pour faire plaisir à tout le monde, nous sommes obligés de reculer d'écrire chaque jour.
Ma santé est toujours bonne pour le moment, mais la fin des hostilités ne vient pas vite, mais il ne faut pas se décourager pour çà.
Nous assistons à la messe tous les quinze jours, le plus souvent, elle est célébrée dans une grange par un aumonier d'un hôpital voisin, ce qui nous fait plaisir à tous d'y assister.
Je vous enverrai une lettre d'ici quelques jours afin de vous donner quelques détails sur ma situation.
Alors, Mme Denis, je termin een vous souhaitant une bonne santé en attendant le plaisir de se revoir, je vous embrasse bien d'a
mitié.
Henri.

Sur cette carte postale rémoise envoyée par Henri, la Crémerie du Faubourg Cérès, est dans un bien triste état. Tout le monde est à pied d'oeuvre pour nettoyer et déblayer, sous la surveillance de deux soldats... le lot hélas quasi quotidien pour les rémois.

Dans ce courrier, on apprend qu'il y a des quotas pour l'envoi des courriers. Quand on pense que la carte postale, c'est le SMS de l'époque, on imagine combien il doit être difficile de se résoudre à n'envoyer qu' un minimum de lettre.
Bien sûr, comme on a pu le constater dans une majeure partie des expéditions, le contenu n'est pas d'une folle richesse, mais au moins, ça prouve qu'on est bien vivant, et on l'espère, en bonne santé !
Le vaguemestre, c'est le militaire chargé du service postale dans les unités militaires.

Il est finalement une des personnes les plus importantes et des plus attendues par tous, car si c'est lui qui s'occupe de collecter le courrier, c'est surtout lui qui apporte les lettres aux poilus, souvent au coeur des tranchées, jusqu'aux premières ligne de front.

Selon les estimations, il y aurait eu plusieurs milliards de lettres échangées pendant le premier conflit mondial entre les soldats et leurs familles, avec une moyenne de 4 millions par jour !

Hélas, on trouve souvent que le contenu de ces courriers manque un peu d'information de fond, mais il faut aussi garder à l'esprit qu'il y avait une certaine censure à "plus ou moins" respecter.

Déjà, cela semble bien évident, de ne pas y mettre des informations d'ordres militaires au cas où les courriers seraient interceptés par l'ennemi.

Ensuite, la censure personnelle, qui tend à occulter tout signe de danger pour éviter d'inquiéter les proches.
De même, on adapte ses courriers en fonction du destinataires, et le soldat aura plus tendance à se confier sur les rudes conditions de guerre à un copain, qu'à son épouse ou sa famille... c'est humain ! On rassure avant toute chose...

Laurent ANTOINE LeMog - AMICARTE 51