Le premier rendez-vous

Publié le 14 juillet 2014 par Lespetitspapiersdefantomette

« Premier rendez-vous », trois mots aussi insignifiants que terrifiants. Un mélange  d’excitation et de terreur absolue. Il parait que certains savent rester sereins à cette perspective. Pour ma part, j’anticipe bien avant la date fatidique et une fois la joie d’avoir obtenu un tête à tête, les premiers signes d’angoisse apparaissent. Les premiers jours, la tension reste gérable, mais plus la date fatidique approche, plus je deviens fébrile. Mon estomac se noue, je ne peux plus rien avaler et j’ai même parfois la désagréable impression d’être en apnée la plupart du temps (pourtant je ne tiens en général que trois secondes la tête sous l’eau…).

Finalement, je n’ai plus très envie de ce rendez-vous… Si j’osais, je prendrai mes jambes à mon coup et je disparaitrai à tout jamais de la circulation. Mais une petite voix me dit qu’il n’était alors peut-être pas utile de me donner tant de mal pour l’obtenir si c’était pour finalement tout envoyer valser.

Non, définitivement, je ne peux pas m’échapper.

Le rendez-vous arrive, il est trop tard pour reculer. On a toutes passé des siècles dans la salle de bain à essayer une dizaine de tenues alors qu’on était spécialement allées faire les magasins pour cette occasion.. On se maquille et se démaquille tour à tour. On n’est jamais satisfaites. Il nous faut trouver l’équilibre parfait entre le sexy et l’élégance. Ne pas sombrer dans l’excès. Ne pas être trop habillée, (il ne faudrait pas qu’il nous prenne pour une bonne sœur) ni trop dévêtue (on ne veut pas non plus passer pour une escort). Bref, c’est un vrai casse-tête, et si  on avait initialement prévu de se présenter en petite robe et sandales, on finira irrémédiablement par partir vêtue d’un pantalon et de talons hauts.

Tout le temps de préparation en amont n’aura finalement servi à rien… ça y est, on y est, l’homme approche. Il est grand, il est beau, on tombe en pamoison… mais tout reste encore à faire. On a beau être bien déguisée en princesse fatale, encore faut-il que notre discours soit conforme à notre image (sexy et classe tout à la fois).

On ne veut pas passer pour une écervelée, mais il faut bien le dire, un exposé du théorème de Thalès n’est que très rarement glamour, et à moins de tomber sur un fétichiste des chiffres on n’aura que peu de chance d’attirer monsieur l’Apollon dans nos filets en évoquant des sujets aussi bateaux (du coup on l’attire dans les filets du bateau, ce qui me parait relativement logique…).

Mais alors, que dire ?

Si on admire son corps d’athlète, son petit air intello, son intelligence vive… (choisissez une option), on se retient de le lui dire. La flatterie c’est bien, mais c’est bien connu nous préférons être flattées que flatter nous-même.

NOUS sommes les princesses !

Alors on parle de tout, de rien, de lui, de nous. On joue avec la paille de notre mojito (si on a bu un mojito, mais ça marche avec n’importe quelle paille) pour s’occuper les mains. Elles ne veulent pas rester immobiles. On se demande ce qu’elles ont ces mains, elles sont bien encombrantes ce soir. On n’y prête pas tant d’attention les autres soirs. Les soirs normaux, passés seules chez-soi. Mais là, nos mains se révèlent omniprésentes. On leur ordonne mentalement de lâcher cette satanée paille qui ne leur a strictement rien fait, mais elles n’en font qu’à leur tête. Elles agitent la paille dans le verre qui demeure vide (d’où l’expression brasser de l’air (avec une paille)).

On sourit par-dessous nos cils, comme si cela suffisait à cacher nos lèvres étirées et notre rangée de dents qui tente de s’en échapper.

On minaude un peu, beaucoup.

On a la tête penchée sur le côté, comme si le poids de la connaissance était soudain trop lourd à supporter.

On enlève une mèche de cheveux de notre visage, mèche qui souvent n’existe que dans notre esprit, et on la remet en place car on n’aime pas avoir les cheveux dégagés derrière les oreilles (ça nous donne un air étrange).

On le regarde lui, on se demande ce qu’il pense, mais ça ne sert à rien, on ne sait pas.

L’homme est hermétique comme un Tupperware. Il n’a pas l’air d’avoir de problème avec ses mains lui. Elles sont sagement posées sur ses cuisses quand elles n’enveloppent pas son verre. Son verre qui laisse s’échapper un peu de sa boisson. Il essaie de nous faire croire qu’il fuit mais l’éventualité est peu probable (le verre n’est pas si poreux, nous ne sommes pas stupides).

Le rendez-vous s’achève, il a duré 6 jours, 6 minutes, ça a été à la fois trop long et beaucoup trop court. On en sort éreintées, comme après une longue course. Toute cette retenue nous a épuisées.

C’est le moment de se séparer, l’instant fatal où on ne sait jamais quel comportement adopter : tendre la joue, l’oreille, attendre ?

On se sépare, chacun part de son côté. L’anxiété retombe, nous laisse pantelante, tremblante. Ça s’est mal passé c’est sûr puisqu’il n’a pas tenté de nous embrasser…

En fait, on ne sait pas, peut être que plus tard dans la soirée une bonne surprise arrivera en forme de sms.

Cette surprise nous dira combien cet homme a apprécié votre compagnie et l’adrénaline se remettra à couler dans vos veines.

Parfois, notre portable restera désespérément silencieux, c’est certainement mieux ainsi.

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Fantômette