De la torture de voir son ex en pleine parade amoureuse

Publié le 28 juin 2014 par Lespetitspapiersdefantomette

C’est une chose de se retrouver subitement célibataire sans préavis aucun. C’en est une autre de croiser tous les jours, plusieurs fois par jour la seule personne qu’on souhaiterai pouvoir rayer définitivement de sa vie.

Cette situation je la vis au quotidien et jusqu’à présent j’étais assez fière de ma prestation.

Oui, fière de ce jeu de paraitre de chaque seconde que je m’impose. Regarde, regarde bien, je ris encore, je ris toujours,  je ris même plus qu’avant.

Pour mon plus grand bonheur, personne n’a le pouvoir d’enlever ce masque et de sonder mon intérieur. Soulevez ne serai-ce qu’un coin de ma carapace et vous serez éclaboussé. En moi, il pleut et il pleut fort. Mais j’ai bien fermé toutes les vannes. Pas une seule goutte ne s’échappera. J’y ai veillé, il y a de ça des années.

Ajoutez à cette situation une fille, une prédatrice qui traque sa proie, ma proie, d’un air affamé sous mes yeux et vous aurez une idée confuse de ma tragédie (j’ai un petit quelque chose d’une dramaturge grecque… surtout quand il s’agit de sang et de larmes). Pour les larmes on repassera.

Je ne veux pas m’abaisser à pleurer et de toute façon j’ai tellement bien fermé mes vannes que je n’ai plus la force de les rouvrir.

Je comprends mieux pourquoi de nombreux artistes disent se révéler dans les périodes les plus sombres de leur existence. Je n’ai jamais été aussi inspirée. Les mots arrivent à moi avec tellement plus de facilité dans ces moments là. Ils roulent vers moi, le long de l’éboulis de ma vie et mon stylo, ma main sont parfois trop lents pour les saisir tous.

Il arrive un jour qu’une personne que l’on a estimée nous déçoive par quelque moyen que ce soit.

On pensait la connaitre, on lui avait prêté des valeurs, mais en réalité tout ceci n’était qu’un vulgaire feu de paille, qu’une triste mascarade. Rien n’était vrai. Le vernis se craquelle, se fissure et laisse apparaitre le bois rongé par l’humidité.

Cet homme est perdu, il se débat pour garder la tête hors de l’eau mais il nage à contre courant. Un jour il a saisi une branche. Cette branche c’était moi. Il s’y est accroché, mais la branche ployait sous son poids. Elle menaçait de céder. Mais il restait là, ballotté par les flots. Un jour, enfin, le courant fut moins fort, la branche se consolida et il pu monter dans l’arbre.

L’arbre était perplexe, il hésitait à rejeter à l’eau cette masse mouvante, ce corps étranger. Une fois, il lâcha l’homme à l’eau mais, pris de remords, il tendit sa branche la plus solide en sa direction et le tracta jusqu’au rivage. L’homme était soulagé. Cela faisait si longtemps qu’il voulait monter dans cet arbre. Enfin il y était.

De son côté, l’arbre réfléchissait toujours, il restait prudent. Cet homme qu’il avait sauvé n’allait-il pas lui arracher tout son feuillage ?

Au début, l’homme était ravi. Il avait gagné le cœur de l’arbre qui à ses yeux était le plus beau de la forêt. Il était si solide cet arbre. Il paraissait si solide. Il ne l’était pas.

L’arbre commença à s’habituer à son nouveau compagnon. Celui-ci prenait soin de lui. Il l’abreuvait quand il avait soif, le nourrissait. Quand le vent soufflait fort et que son tronc se courbait, l’homme s’employait à le redresser.

L’arbre était heureux. Il voulu lui aussi rendre heureux son nouveau compagnon. Mais celui-ci se désintéressa soudain de lui. Il commença à l’arroser de moins en moins souvent. Peu à peu, les premières feuilles se desséchèrent et se mirent à tomber. L’arbre ne voulait pas mourir. Puisant dans ses dernières forces il étendit ses racines pour atteindre la rivière. La chute de feuilles s’arrêta.

Le soulagement fut de courte durée car l’homme revint, un sécateur à la main. Et l’élagage commença.

Il s’attaqua d’abord aux feuilles (l’arbre était moins beau mais il ne souffrait pas trop encore). Puis, l’homme coupa de petites brindilles de ci de là. L’arbre faisait de son mieux pour cicatriser au plus vite mais il commençait à être marqué par ces attaques répétées.

Un peu trop attaché à son bourreau, il hésita trop longtemps à le renvoyer là où il l’avait trouvé : dans la rivière.

Un jour, il fut trop tard. L’homme descendit de l’arbre sous un prétexte fallacieux. Quand il revint, il portait dans ses mains un petit pot rempli d’engrais. Dans son dos, dissimulé de la vue de l’arbre, se balançait une hache à la lame acérée. L’homme s’approcha de l’arbre, le caressa une dernière fois et, d’un coup d’un seul, lui trancha le tronc.

Le choc fut tel que l’arbre ne réalisa pas immédiatement ce qui lui arrivait. Il refusa de comprendre. Puis, dans un fracas assourdissant, il s’écrasa au sol, barrant d’un trait sinistre le lit de la rivière.

Les déchets qu’elle charriait s’accumulèrent petit à petit contre l’arbre plus mort que vif. Il n’avait plus la force de lutter pour s’en débarrasser.

L’arbre vivotait depuis des jours. Par endroit, de petits bourgeons éclosaient en une multitude de fleurs ensanglantées.

L’arbre pansait ses plaies et croyait à nouveau en sa survie. Il relativisait sa triste condition. La situation aurait pu être pire. Au moins, il était tombé dans une rivière. Fort de cette conviction, millimètre par millimètre, l’arbre se relevait.

C’est alors qu’arriva un déchet plus important que les autres, plus répugnant. Ce déchet prenait les traits d’une fille mais l’arbre n’était pas dupe. Il savait que sous cette enveloppe se cachait un monstre sans cœur. La fille se servit de l’arbre pour passer d’une rive à l’autre et rejoindre l’homme. Elle piétina au passage tous les bourgeons si durs à éclore.

L’histoire ne dis pas (encore) si l’homme et la femme se rencontrèrent vraiment ou ne firent que se croiser. Pour ce que j’en sais l’arbre est toujours allongé au sol. Fouetté par les eaux tumultueuses, il s’efforce de détourner son regard de la rive, de cet homme qu’il voudrait ne jamais avoir connu et de cette fille qu’il abhorre.

Non, l’arbre regarde plus haut, plus loin. Surement qu’un jour un oiseau se posera à son sommet et y construira son nid. En attendant l’arbre se reconstruit. Du moins il s’y essaie.

Les pansements résistent mal à l’eau mais il persévère et, lorsque l’un de ces derniers se décolle, il le remplace par un nouveau. Les pansements ne font pas disparaitre les plaies, ils les camouflent et préviennent les frottements. C’est tout ce que l’arbre demande. Que de loin personne ne puisse se douter du calvaire qu’il endure, et que la souffrance ne soit pas trop importante.

Le pire moment est la nuit. Quand les idées refoulées avec succès pendant la journée fondent sur nous comme des vautours sur un cadavre. Cadavre, mot me définissant si bien, tant je me sens pourrir de l’intérieur.

Si seulement l’arbre que je suis pouvait se muer en roseau (un comme celui de la fable de La Fontaine) et ne faire que ployer sous la contrainte et se relever plus vigoureux que jamais.

Petit oiseau, je t’attends, je ne veux pas d’oiseau de proie. Je ne veux plus être blessée. Construit ton nid et fais ça bien. Ne m’en veux pas si, une nuit alors que tu seras bercé par tes rêves, je dresse au dessus de ta tête une cage en acier. Je n’aime pas les animaux en captivité. Je suis pour la liberté de chacun. Mais j’aurais bien trop peur que tu t’envoles toi aussi, me détruisant un peu plus au passage.

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Fantômette (ou l’arbre).