François Bott sur la trace de Van Dongen

Publié le 01 octobre 2014 par Frontere

(Le tango de l'archange)

Si on annonce l'extinction prochaine des fauves, l'un d'entre eux, Kees Van Dongen, est de retour. Dans son dernier ouvrage l'écrivain François Bott raconte la dernière journée du peintre d'origine hollandaise (1877-1968). Est-ce pour cela qu'il a choisi comme figure de style l'anaphore remise au goût du jour en 2012 par le président Hollande?

Moi, Kees Van Dongen... dès le chapitre II commence la confession imaginaire de l'artiste, ce jour du mois de mai 1968 où il va mourir dans sa villa de Monaco, à peine deux jours avant le grand défilé gaulliste sur les Champs-Élysées. À 91 ans, il aura bien vécu. Durement au début quand, fauché comme les blés flamands, il dessinait dans le port de Rotterdam - il est né dans les faubourgs de la ville - prostituées, souteneurs ou matelots. Anarchiste à l'époque, mais simple apprenti, il a vite fait de déserter l'usine de maltage paternelle, on pense à Brel : « Les carreaux de l'usine moi j'irai les casser ».

La suite nous conduit à Paris, de Montmartre à Montparnasse puis dans les beaux quartiers, bien plus tard, où Bott relate avec l'élégance qui est sa marque de fabrique la traversée des jours de KVD. Maîtresses ou modèles, souvent ces dernières ne font que passer de l'atelier à la chambre, des femmes peuplent ses journées et ses nuits, il aime à peindre leurs formes : « Toute mon œuvre est l'éloge du corps féminin » lui fait dire l'auteur. Pour sûr, poète au XVIe siècle, Van Dongen aurait composé des blasons pour décrire avec gourmandise "des jarretelles canailles sur des cuisses mondaines". Que l'on ne s'y trompe pas, son but est de magnifier ses modèles, il veut moins coucher avec elles que les coucher sur ses toiles.

Se profilent aussi dans cette évocation des ombres : Picasso, Marie Laurencin ou Radiguet, plus les réminiscences des bals des années folles. Bott a le sens du fugitif, de l'évanescent. Hélas, on ne danse plus la java chez Bébert ni le tango au Mikado, l'époque est trop bourgeoise. C'est bien ce que la critique reprocha à Van Dongen, être passé sans coup férir de la période prolo, même s'il en conservait les vieux chandails, à la période mondaine. Aujourd'hui la parole revenait à la défense. Ça tombe bien, l'avocat était en grande forme et Bott est une pointure du barreau.

→ François Bott, Le dernier tango de Kees Van Dongen, Le cherche midi, 13 € 50

©Michel Frontère