[Critique] THE TRIBE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Présenté à L’Étrange Festival 2014

Titre original : Plemya

Note:
Origine : Ukraine/Pays-Bas
Réalisateur : Myroslav Slaboshpytskiy
Distribution : Grigoriy Fesenko, Yana Novikova, Rosa Babiy…
Genre : Drame
Date de sortie : 1er octobre 2014

Le Pitch :
Sergueï, un jeune adulte sourd et muet intègre un internat spécialisé où règne la violence, les larcins et la délinquance…

La Critique :
Après avoir vu le film, je n’ai pas eu de mal à comprendre pourquoi il avait fait sensation lors du dernier Festival de Cannes. En quelques mots, et malgré quelques défauts, The Tribe est un film audacieux, courageux et subversif, qui n’a pas peur de se recouvrir ses poings de verre pilés et de ferraille pour venir ensuite nous les coller en plein visage.
Œuvre dérangeante, directe, violente et extrêmement crue, The Tribe est une plongée acide dans les tréfonds des tares humaines les plus sordides. Peu de lumières, peu d’espoirs, juste une grande marée de dégout, de haine et de violence. Cependant, et en aucun cas, le film ne base son intérêt sur un sensationnalisme ou un voyeurisme mal placé. La violence des rues et du quotidien n’est pas pétaradante comme dans un gros film d’action ou stylisée comme dans une scène de combat martiale. C’est sale, rapide, dégueulasse et cruel….et ici, c’est aussi sourd et pesant même si la douleur qui en résulte n’en est pas amoindrie. Bien au contraire.

Tourné intégralement en langue des signes sans aucun sous-titres, The Tribe est un film muet puisqu’on n’y entend pas une seule phrase prononcée. On se retrouve donc immergé dans un film qui n’en est pas pour autant sans bruits, de nombreuses sonorités relatives à l’environnement des protagonistes venant rythmer les scènes du film, la musique étant elle aussi aux abonnées absents.
Ce choix du réalisateur Myroslav Slaboshpytskiy, si il apparait un peu rebutant au départ, s’avère au fil de l’intrigue un pari particulièrement payant sur le plan artistique, The Tribe étant d’autant plus hallucinant qu’il est le premier long-métrage du réalisateur.
L’ambiance s’en trouve sublimée par une sorte d’aura tout simplement incroyable qui fonctionne dès les premières minutes du film et qui pose très vite une atmosphère très particulière.
Techniquement assez singulier (de longs plans séquences fixes et précis rythment l’intrigue) , interprété par des acteurs incroyables, on pourra toujours reprocher au film certaines longueurs, plusieurs scènes assez longues semblant assez dispensables à la progression narrative du film. Ce qui apparait dès lors comme une faiblesse permet néanmoins de poser un cadre très proche de la réalité, les moments où on s’ennuie préparant habillement nos émotions à se faire retourner lors des pics les plus vertigineux du film.
On est donc régulièrement pris dans de brutaux mouvements de montagnes russes, si ce n’est que contrairement aux notoires manèges, il y a de longues plages où est comme porté dans une sorte de calme assez étrange, presque reposant. The Tribe révèle alors une nature particulièrement sensitive, une pellicule intense filmée à fleur de peau. L’impact des coups, le froid de la neige et la chaleur des corps, toutes les émotions olfactives semblent comme flotter dans l’univers de The Tribe, le réalisateur nous conviant à nous faire malmener dans des endroits pas toujours très ragoutants.
Je ne vous dirais évidement rien des moments les plus forts du film, mais j’ai été à plusieurs moments particulièrement mal à l’aise, la tension culminant jusqu’à un point difficilement atteignable pour nombre de films plus conventionnels dans leur formes. Pas étonnant dès lors que de nombreuses voix se soient élevées pour condamner la violence du film et l’accuser par la même occasion de stigmatiser la population sourde en les faisant passer pour de dangereux psychopathes. Mais comme le dit très bien le réalisateur, « les salauds se trouvent partout et dans toutes les communautés…y compris donc, chez les sourds muets ». Pour ma part, je vois dans cette réflexion un humanisme profond, la beauté et la laideur se trouvant dès lors à tous les coins de rue et sur tous les visages.
En sous couche du propos évidement très fort et brut des images de Slaboshpytskiy se trouve des dimensions politiques, sociales et humaines mixées dans les relations malsaines que partagent l’ensemble des personnages du long-métrage. Critique sévère et sans détour d’un monde qui ne pense jamais à l’impact que va avoir ses mauvaises actions, The Tribe s’impose comme un film incroyablement puissant…de ces pellicules qu’on oublie pas.

@ Pamalach

Crédits photos : UFO Distribution

critique drame Grigoriy Fesenko L’Étrange Festival Myroslav Slaboshpytskiy Plemya Rosa Babiy The Tribe violence Yana Novikova