Apocalypse Now (Francis Ford Coppola)

Par Interstella_fr

Quel exercice horrible d’écrire sur un film encensé depuis des décennies par des générations et des générations, un film culte, on peut le dire, respecté, adoré, quasiment entré dans l’imaginaire collectif… que l’on découvre tardivement, et que, ma foi, on n’a pas adoré autant que prévu.

« Quoi, tu n’as jamais vu Apocalypse Now ? »

J’ai beaucoup entendu cette phrase, ainsi que ses myriades de cousines – il suffit de remplacer ce titre par celui d’un autre monument du cinéma, j’en ai un paquet à rattraper – mais généralement je le vis assez bien.
Et donc, non, je n’avais jamais vu Apocalypse Now. C’est grâce à la Cinémathèque française que j’ai découvert ce film, il y a quelques semaines pour la première fois, dans des conditions optimales. Car oui autant le dire : avec une salle pareille, un public aussi concentré, une projection aussi soignée, on sait que si on n’aime pas le film, ce ne sera pas pour de mauvaises raisons.

Alors soyons clairs, ce n’est pas que je n’aime pas le film. Je trouve le tout début absolument somptueux. Probablement une des meilleures ouvertures de film qui soit. Tous ces plans incroyables sur les palmiers, le feu, le visage de Martin Sheen, les temples, le ventilateur, sur The End des Doors qui monte petit à petit : j’étais fascinée et je me suis dit « Ok. J’ai compris. » Malheureusement, cette ouverture proche de la grâce absolue (où j’ai d’ailleurs assez vite pensé à la filiation Sofia / Francis) ne dure pas éternellement, et même si tout ce qui suit ne m’a pas déplu, j’étais quand même déjà tombée du nuage.

J’ai vu la version Redux. Je trouve le film incroyablement et péniblement long. On me dira qu’il faut donc maintenant que je voie la version courte (ou « normale », si vous préférez), mais je ne suis pas sûre que ça change énormément ma vision des choses. Cela étant, la longueur des séquences, qui se suivent avec autant de fluidité qu’un fleuve poisseux (j’ai bien saisi l’allégorie), ne me gênait au début pas plus que ça puisque je pensais me diriger, lentement mais sûrement, vers une sorte de climax d’intensité, avec la rencontre avec le colonel Kurtz. Bon. Il faut quand même être très patient avant d’en arriver là. Supporter les péripéties qui touchent ce groupe d’hommes pour lequel, je dois l’avouer, je n’ai jamais vraiment d’empathie ou même d’intérêt un peu poussé. Les « grandes scènes » en elles-même sont bien faites, même celle, réputée superflue, de la plantation française (version Redux oblige), mais je ne m’y ancre jamais suffisamment. C’est aussi assez amusant de regarder jouer le si jeune Laurence Fishburne, 14 ans au début du tournage. J’ai aussi fait une réelle découverte (qui l’eût cru pour un film autant cité et commenté ?) : je ne savais absolument pas que l’extrait de Wagner, la chevauchée des Walkyries, moment emblématique s’il en est, était une musique intra-diégétique. Très bonne surprise à vrai dire, surtout en comparaison, dans cette même séquence, de mon ressenti sur le personnage du lieutenant Kilgore (Robert Duvall), là pour le coup probablement trop « cultifié » pour être à mes yeux autre chose qu’une caricature un peu potache et assez creuse.

Les minutes et les heures passent, et je m’accroche. Il faut dire que c’est bien filmé, évidemment (il ne manquerait plus que je ne le reconnaisse pas, quand même !), et moi aussi j’attends le colonel Kurtz. Je sais que le talent de Marlon Brando peut, théoriquement, me faire oublier toutes mes réserves.
Et malheureusement, c’est finalement cette toute dernière partie du film qui me déçoit plus que tout le reste. Brando est à mes yeux réduit à une icône, tellement puissant par sa simple présence qu’on peut se permettre de le filmer dans l’ombre et de lui faire prononcer quelques citations métaphysiques. J’attendais un basculement total dans la folie ou dans quelque chose de très intense, qui, finalement, ne vient pas vraiment. J’aime quelques moments de Brando néanmoins, par exemple celui où il vient lire une coupure de journal auprès de Martin Sheen, avec les enfants tout autour. Pour le reste, je vois les intentions, je les comprends, mais j’ai du mal à réellement ressentir la puissance et le pouvoir de ce personnage. J’ai la sensation que la rencontre entre Willard et Kurtz n’apporte pas de nouvel éclairage sur ce personnage énigmatique qui accompagnait tout le récit, en filigrane, et dont on avait en fait compris à peu près dès le début les enjeux.

Je reconnais tout à fait que c’est probablement de moi que vient le problème : je n’arrive pas à saisir, peut-être, l’importance de ce film dans le contexte historique de 1979 ; et, de façon plus inattendue pour moi, surtout, je suis jamais parvenue à  l’expérience sensorielle que j’attendais, peut-être inconsciemment. C’est toujours une sensation très désagréable, l’impression de passer à côté de quelque chose…

Note : 4/6