[Critique] BAD WORDS

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Bad Words

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jason Bateman
Distribution : Jason Bateman, Kathryn Hahn, Rohan Chandz, Philip Baker Hall, Allison Janney, Ben Falcone…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 7 octobre 2014 (DTV)

Le Pitch :
Un trentenaire aigri et un poil étrange, profite d’une faille dans le système pour s’inscrire à un grand concours d’orthographe pour enfants, déclenchant du même coup un véritable tollé chez les parents des jeunes participants…

La Critique :
Acteur plutôt discret mais néanmoins omniprésent dans le paysage cinématographique yankee, Jason Bateman passe à la réalisation et voit chez nous son film privé d’une sortie en salle. Il faut dire qu’en France, le nom de Bateman est plus synonyme de second rôle que de star bankable. Celui qui fit ses armes sous le giron de Charles Ingalls dans La Petite Maison dans la Prairie, apparaît certes au générique de films ayant cartonné au box-office français, mais à chaque fois il ne tient pas seul le haut du pavé. Hancock, Comment tuer son boss ?, Juno ou Paul constituant quelques fameux exemples d’une filmographie marquée par le succès, mais aussi par une kyrielle de rôles parfois tièdes et donc peu enclins à favoriser une percée spectaculaire ailleurs qu’en Amérique du Nord.
Une Semaine ordinaire, son dernier long-métrage à être sorti chez nous a lui aussi connu un sort peu enviable, condamné qu’il fut à prendre la poussière dans les bacs des hypermarchés, malgré une diffusion exclusive sur un fameux bouquet de chaînes payantes.
Bref, rien n’indique que Bad Words change la donne, malgré toutes ses qualités évidentes et l’originalité de son postulat de départ…

Pour sa première incursion dans le merveilleux monde de la réalisation, Jason Bateman a effet tenu à se démarquer tout en restant sur un terrain qui lui est maintenant familier depuis de nombreuses années, à savoir la comédie. Cependant, si Bad Words ne tend pas uniquement à faire rire, il demeure au final une bonne vieille comédie des familles déguisée en petit film indé typé Sundance, parfait pour asseoir le talent d’un comédien tentant de rajouter une corde à son arc à l’instar de tant d’autres de ses collègues. L’originalité, il faut plutôt aller la chercher du côté du scénario, qui a la particularité de s’intéresser à un phénomène purement américain, à savoir les concours d’orthographe destinés aux meilleurs élèves des écoles de l’Oncle Sam. Dans Bad Words donc, un type participe à l’un des concours les plus prestigieux du genre. Le hic, c’est qu’il a largement dépassé l’âge limite et doit donc se fritter sur le podium avec des gamins d’une dizaine d’années.
Le pitch, propice à une certaine irrévérence, rend plusieurs fois justice au titre du métrage, et met en scène un personnage antipathique, porté sur les jurons, qui, on s’en doute, va se racheter une conscience, au contact de l’un des jeunes concurrents (Le jeune concurrent en question étant incarné avec une justesse absolue par le petit surdoué Rohan Chandz). Ou pas finalement, mais on vous laisse la surprise…

C’est alors que Bateman continue son entreprise de destruction massive de son image tenace de gendre idéal, avec un anti-héros de plus en plus attachant, car motivé par autre chose que par le pur plaisir de mettre le bazar. Vous l’aurez compris, Bad Words ne va pas révolutionner le genre. Certes, son cadre lui offre un piquant très appréciable, mais non, le film ne fait pas des pieds et des mains pour se démarquer à tout prix. Ce qui paradoxalement lui fait gagner quelques points de sympathie tant tout ceci sonne avec une belle modestie devenue rare. Bad Words est un premier film abouti et simple. Un poil facile, il s’avère plus qu’à son tour drôle en jouant sur un décalage maintenu jusqu’au bout. Épaulé par la brillante (on ne dira jamais assez de bien de cette superbe actrice) Kathryn Hahn (Frangins malgré eux), Jason Bateman livre un numéro irrévérencieux, afin de souligner en filigrane le système éducatif américain et son exigence d’excellence toujours plus écrasante pour les enfants qui y sont soumis. Espèce d’expression guindée d’un rouleau compresseur impitoyable avec ceux qui restent à la traîne, le concours d’orthographe du film se voit dynamité pour mieux mettre en exergue des failles évidentes. Sous les répliques cruelles et mordantes se cache ainsi une comédie concernée, portée par un acteur/réalisateur un poil dépassé par ses ambitions, et dont la démarche n’apparaît pas avec autant de clarté qu’il aurait fallu pour lui permettre de toucher au vif.

Plutôt attachant, Bad Words a quand même un peu le cul entre deux chaises. En appuyant davantage là où ça fait mal, et en tournant le dos aux conventions trop évidentes, Bateman aurait pu livrer une missive hilarante plus proche de certaines productions insolentes de la comédie américaine en rupture avec les clichés en vigueur. Au lieu de ça, son long-métrage oscille entre le mordant de dialogues parfois vraiment acides, et la douceur de certaines de ses thématiques principales, sans oublier de se terminer sur une touche qui finit de le faire ressembler à un feel good movie somme toute conventionnel.
Petit rendez-vous manqué pour Jason Bateman qui aurait pu faire là une entrée fracassante dans le club des acteurs/réalisateurs, mais qui, à la place, reste dans les clous, sans se priver de quelques ruades plutôt jubilatoires qui offrent à Bad Words tout son sel. De quoi faire quoi qu’il en soit de cette première livraison une comédie recommandable et de regretter tant qu’on y est une sortie en vidéo discrète, alors qu’elle aurait eu toute sa place dans les cinémas.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Universal

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