La conception participative: concevoir avec les utilisateurs

Publié le 10 octobre 2014 par Usaddict

La conception participative est une méthode où l’utilisateur final d’un site web ou d’une application collabore de manière active à la conception.

Cette méthode permet à travers de nombreux ateliers de faire travailler ensemble les utilisateurs et les UX designers. Ces ateliers de co-conception peuvent porter sur l’analyse du besoin et donc la définition des fonctionnalités, ou la conception de maquettes.

Cette étroite collaboration entre utilisateurs et UX designers permet de comprendre les attentes tacites des utilisateurs et favorise une meilleure adoption des interfaces conçues.

Introduction

La méthode de conception centrée utilisateur est une démarche bien établie au sein de la communauté UX. Sa philosophie est de mettre l’utilisateur au centre de la démarche de conception.

Cette démarche est itérative et se déroule en trois grandes phases avant, pendant et après la réalisation des interfaces : analyse, conception, évaluation.

Les méthodes de la phase d’analyse et d’évaluation sont bien établies : études terrain, audits, tests utilisateur, etc.

Le test utilisateur permet d’évaluer l’interface conçue dans un contexte réaliste.

Ces méthodes mettent l’utilisateur au centre de ce qui entoure la conception mais laissent le maquettage des écrans à la charge des équipes projet.

La conception participative va plus loin. Elle invite l’utilisateur dans l’ensemble de la démarche de conception. La conception se fait avec l’utilisateur.

Nous vous présentons ici cette démarche et listons ses avantages et de ses inconvénients.

Conception participative

La conception participative (« participatory design ») est née dans les années 70 en Scandinavie sous le nom de « conception coopérative » (« cooperative design »). Elle faisait écho à un mouvement de plus grande envergure le « mouvement scandinave de démocratie au travail » (« Scandinavian workplace democracy movement ») prônant l’importance de la dimension sociale dans le développement de nouvelles technologies. Ce mouvement a donné lieu à de grands projets de conception participative tel que le projet UTOPIA ou le projet Florence.

Ces méthodes permettent de faire participer activement les utilisateurs dans les différentes phases de conception : de l’analyse aux évaluations.

Ce processus crée une relation privilégiée entre les UX designers et les utilisateurs finaux. Cette relation permet de tirer parti de l’expertise et des besoins de l’utilisateur et des compétences des UX designers afin d’adapter les technologies aux usages.

Le but des différents ateliers de conception participative n’est pas que les utilisateurs aboutissent eux même à une solution définitive. Le recueil du besoin et la conception finale des interfaces restent à la charge des équipes de conception. Cependant cette méthode permet aux utilisateurs d’exprimer des remarques, connaissances et attentes qu’ils n’exprimeraient pas de manière spontanée. Les UX designers peuvent ensuite intégrer ces notions lors de la conception.

Cette collaboration a pour bénéfice principal de concevoir une interface sur des bases très solides : la compréhension des utilisateurs.

Lors d’un atelier de co-conception, l’utilisateur participe activement à la construction des interfaces.

La conception participative présente 3 qualités principales [2] :

  • Immersion : Pour les utilisateurs le fait d’être inclus dans le processus de développement augmente leur sentiment d’appartenance au projet et permet une meilleure adoption du produit. Pour les UX designers les différents ateliers de conception participative permettent de s’immerger dans le contexte et l’univers sémantique de l’utilisateur.
  • Apprentissage mutuel : La conception participative permet aux UX designers de comprendre comment les utilisateurs se comportent : quel est leur contexte d’utilisation, leurs contraintes, leur manière de penser. Tandis que les utilisateurs se rendent compte des enjeux et contraintes de la conception.Cet apprentissage mutuel permet aux utilisateurs et aux UX designers de se comprendre et de construire un langage commun.
  • Idéation: La collaboration entre utilisateurs et UX designers permet de générer des idées que les UX designers n’auraient pas nécessairement imaginées par eux même. En s’exprimant librement sur les services, fonctionnalités ou contenus l’utilisateur nourrit ainsi la conception de l’UX designer.
  • Manipulation d’objet : La conception participative met en scène différentes sortes d’objets physiques (cartes, maquettes,…). Les utilisateurs peuvent ainsi se projeter dans un contexte donné (qui varie en fonction des ateliers), ce qui alimente l’imagination et facilite l’expression ainsi que la compréhension des idées.

Organiser un atelier de conception participative

Parmi les différentes formes que peuvent prendre ces ateliers, CARD, PICTIVE et « future workshop » font partie des méthodes les plus populaires. La conception participative distribuée, atelier participatif en ligne, diffère un peu des méthodes classiques, mais amène de nouvelles perspectives.

Future workshop

Le « future workshop » [1] est un atelier qui pousse les utilisateurs à imaginer de nouvelles perspectives dans leurs usages et outils. Cet atelier se déroule comme un brainstorming. Les utilisateurs discutent de leurs outils et un UX designer modère la séance.

L’atelier consiste en trois phases consécutives :

  1. Lors de la première phase, les utilisateurs sont invités à critiquer leur activité actuelle et leurs outils.
  2. La seconde phase permet aux utilisateurs d’imaginer un environnement de travail idéal : ce qu’ils voudraient pouvoir faire.
  3. Dans la troisième phase, les utilisateurs proposent les solutions permettant d’aboutir à cette solution idéale.

CARD (Collaborative Analysis of Requirements and Design)

L’atelier CARD [4] est un atelier qui sert à identifier l’activité des utilisateurs. Lors de cet atelier on fournit aux utilisateurs des cartes génériques qui doivent être complétées. Les utilisateurs utlisent 5 type de carte :

  • Tâches, pour décrire les actions que l’utilisateur peut réaliser.
  • Interactions avec d’autres intervenants
  • Objets qui peuvent être manipulés
  • Perceptions, pour présenter les événements observés
  • Décisions que l’utilisateur peut prendre.

Les utilisateurs doivent se concerter pour décrire leur manière de travailler à l’aide de ces cartes. A la fin de l’atelier, les utilisateurs doivent avoir assemblé et complété les différentes cartes afin d’illustrer leur activité.

Le but de cet atelier est de permettre aux utilisateurs d’échanger sur leur activité afin d’avoir une vision complète des différentes pratiques des utilisateurs.

Au cours d’un atelier CARD, Les utilisateurs manipulent les cartes pour représenter comment ils travaillent. (http://www.designersreviewofbooks.com/)

PICTIVE (Plastic Interface for Collaborative Technology Initiatives through Video Exploration)

Pictive [3] est une méthode permettant aux utilisateurs de concevoir des maquettes basse-fidélité de l’interface. C’est à dire une version « brouillon » des écrans qui présente le zoning (position des éléments). Avant l’atelier, l’utilisateur est chargé de définir les scénarii de travail qui correspondent à son activité. Puis lors de l’atelier, il doit réaliser les maquettes d’un logiciel répondant à ces scénarii.

Pour réaliser les maquettes, l’utilisateur dispose d’un ensemble d’éléments préalablement préparés par les équipes de conception. Parmi ces éléments on retrouve papier, crayon, ciseaux,… Mais aussi tout un ensemble de composant d’interface en plastique (ou papier), tels que des champs de texte, des pop-up, des boutons, etc. Cette boite à outils des composants standards des interfaces facilite la conception pour l’utilisateur et évite l’effet « feuille blanche ».

Maquettes suite à un atelier PICTIVE (http://www.mikes3dgallery.com/)

Conception participative distribuée (« Distributed Participatory Design »)

La conception participative distribuée est la réalisation des ateliers de conception participative grâce à des outils en ligne. Les projets de conception participative distribuée ne sont encore qu’au stade de la recherche.

La conception participative distribuée permet d’intégrer un grand nombre d’utilisateurs à moindre coût. On peut ainsi, pour les projets à dimension internationale notamment, faire participer des utilisateurs aux quatre coins du globe. La collaboration au travers des ateliers participatifs diminue également les problèmes dus au langage.

Les outils distribués permettent également de gérer plus facilement les modifications. Ces outils facilitent les itérations et les utilisateurs peuvent participer de manière asynchrone : chaque utilisateur peut participer quand il le souhaite en prenant en compte les remarques des autres utilisateurs.

Cependant la collaboration au travers d’outils informatiques n’apporte pas des retours aussi riches pour les UX designer. Lors d’ateliers classiques, les UX designer peuvent observer le cheminement et les discussions que peuvent avoir les utilisateurs pour arriver à une solution.

Objectif des ateliers de conception

Les trois ateliers présentés ci-dessus ont chacun des objectifs différents et s’inscrivent à des moments différents de la démarche de conception.

Le « futur workshop » sert à recueillir le besoin de manière assez globale. Il permet d’identifier quels sont les grands problèmes que rencontre les utilisateurs et quels sont les axes de conception.

L’atelier CARD est un atelier qui permet d’avoir des retours sur la façon dont les utilisateurs travaillent. Cet atelier fait ressortir les différences et points communs dans la manière de travailler des utilisateurs.

PICTIVE permet aux utilisateurs de participer à la conception des maquettes. Les UX designer peuvent ainsi identifier quels sont les attentes des utilisateurs.

L’objectif des ateliers de conception participative n’est pas d’aboutir à une solution définitive. Par exemple, on n’attend pas d’un atelier PICTIVE que les utilisateurs conçoivent la maquette de l’interface finale. Le but de ces ateliers est de faire s’exprimer les utilisateurs de manière active. Les missions de l’UX designer lors de ces ateliers sont d’animer les ateliers et de recueillir les commentaires, réflexion, interrogation des utilisateurs.

Recommandation

  • Utilisez les ateliers de conception participative lors de projets de conception « from scratch » ou de refonte  importante de l’interface.
  • Recrutez des utilisateurs représentatifs de vos utilisateurs habituels.
  • Modérer les échanges mais laisser les utilisateurs échanger leurs points de vue surtout quand ils sont différents.

Conclusion

La conception participative prône une participation active des utilisateurs tout au long du cycle de conception de l’interface d’un site web ou d’un logiciel.

Cette participation permet aux équipes projet de recueillir les besoins des utilisateurs et aux utilisateurs de s’engager dans la conception afin d’améliorer l’acceptation du logiciel.

La conception participative renforce la démarche de conception centrée utilisateur en impliquant toujours davantage les utilisateurs finaux.

Bibliographie

[1] Finn Kensing and Kim Halskov Madsen. 1992. Generating visions: future workshops and metaphorical design. In Design at work, Joan Greenbaum and Morten Kyng (Eds.). L. Erlbaum Associates Inc., Hillsdale, NJ, USA 155-168.

[3] Michael J. Muller. 2002. Participatory design: the third space in HCI. In The human-computer interaction handbook, Julie A. Jacko and Andrew Sears (Eds.). L. Erlbaum Associates Inc., Hillsdale, NJ, USA 21051-1068.

[3] Michael J. Muller. 1991. PICTIVE—an exploration in participatory design. In Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems (CHI '91), Scott P. Robertson, Gary M. Olson, and Judith S. Olson (Eds.). ACM, New York, NY, USA, 225-231. 

[4] Leslie Gayle Tudor, Michael J. Muller, and Tom Dayton. 1993. A C.A.R.D. game for participatory task analysis and redesign: macroscopic complement to PICTIVE. In INTERACT '93 and CHI '93 Conference Companion on Human Factors in Computing Systems (CHI '93), Stacey Ashlund, Kevin Mullet, Austin Henderson, Erik Hollnagel, and Ted White (Eds.). ACM, New York, NY, USA, 51-52.