Aux origines du carcan européen (1900-1960) : la France sous influence allemande et américaine

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Dernier livre d’Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’Histoire contemporaine à l’université Paris VII, Aux Origines du carcan européen nous présente une histoire à contre-courant de l’Union européenne, basée sur des sources nombreuses et variées issues des courriers diplomatiques et de la presse patronale. Cette histoire, aux antipodes des béats de l’européisme a de quoi choquer. Et pour cause, pour Annie Lacroix-Riz, l’Europe ce n’est pas la paix, ce n’est pas l’amitié des peuples, mais bien une construction des classes dirigeantes, qui depuis plus d’un siècle cherchent à étendre leur pouvoir et leur richesse.

Annie Lacroix-Riz en pleine conférence.

Cette histoire de l’Europe commence en 1900, à la veille du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, en pleine crise du Capitalisme (déjà…) qui s’étend depuis 1873 et lance les pays capitalistes dans leur phase impérialiste, qui les pousse toujours plus loin dans la conquête du monde. Mais le partage du monde ne satisfait pas les classes dirigeantes de nombreux pays. La France et l’Angleterre se retrouvent à couteaux tirés dans leur conquête de l’Afrique et l’Allemagne, arrivée tard dans le cercle des grandes puissances, accaparée par son unification, comme l’Italie, veut aussi sa part du gâteau. L’assassinat d’un archiduc autrichien déclenchera la grande boucherie générale sur le sol européen, une guerre depuis longtemps débutée par des combats incessants à la périphérie pour le contrôle des colonies.

L’Impérialisme à l’assaut de la Chine.

Une part importante du travail d’Annie Lacroix-Riz est de rechercher les interactions économiques et les liens de capitaux entre les grandes industries (charbon, métallurgie), les grandes banques… Il se trouve qu’avant 1914, comme avant 1939 les liens entre les industriels et les financiers français et allemands étaient très serrés. Les cartels du charbons et de l’acier ont permis aux grandes familles de l’industrie lourde (Laurent, de Wendel, Schneider pour la France, Krupp, Thyssen pour l’Allemagne) de s’enrichir considérablement des malheurs de leurs peuples respectifs, les banques n’étant pas en reste, car les guerres coûtent cher et le crédit est une manne illimitée !

Louis Renault (il fallait quand même que je cite ce brave homme) en bonne compagnie au salon de l’automobile de Berlin

Avec la Seconde Guerre Mondiale, la construction européenne ne fait pas de pause, comme le prétendent les historiens bien pensant, sous la botte nazie, comme sous la Pax Americana qui suivra, au contraire, elle se poursuit et s’amplifie et mènera à l’Union européenne que nous connaissons.  Le parcours des deux pères de l’Europe, Robert Schuman et Konrad Adenauer, est parfaitement édifiant. Les deux « Saints », comme Annie Lacroix-Riz aime les appeler, s’accommoderont tour à tour de l’arrivée d’Hitler au pouvoir (Adenauer chef de fil du Zentrum, qui se rallie sans attendre aux nazis), de la collaboration (Schuman participant au gouvernement de Vichy), puis de la tutelle américaine, le tout bien sûr unifié par la peur du loup-garou soviétique.

Les deux « Saints » Schuman et Adenauer.

Le loup-garou n’est plus, mais depuis les années 1990, les guerres se multiplient, aussi bien à la périphérie (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie…) qu’au cœur de l’Europe (Yougoslavie et aujourd’hui Ukraine). Il convient donc de connaître l’histoire de cette Europe pour percer le voile de la propagande et voir la vérité en face, l’Europe ce n’est pas la paix, l’Europe ce n’est pas la prospérité, mais le dumping social et le déchirement des peuples au grand profit des riches familles qui détiennent l’économie et la finance.

Thomas Waret

Éditions Delga : http://editionsdelga.fr/

Éditions Le Temps des Cerises : http://www.letempsdescerises.net/

Conférence sur les origines de la construction européenne :