Real Estate l’interview

Publié le 22 octobre 2014 par Hartzine

La 24ème édition de La Route Du Rock vous a déjà été contée en long et en large il y déjà un bout de temps, par ici. Elle fut aussi l’occasion de tailler une bavette avec deux des larrons de Real Estate, formation appréciée dans nos pages pour sa dentelle pop si addictive. Jackson Pollis, le batteur, et Matt Kallman, le claviériste fraîchement engagé, ont donc répondu à quelques questions. Pas habitués à satisfaire à ce genre d’obligations en l’absence des autres membres, ils se plieront pourtant à l’exercice, pour un résultat… peu académique.

Real Estate l’interview

J’ai lu que signer chez Domino vous avait éloignés, avec regret, des petites structures que vous connaissiez auparavant, et des artistes qui pouvaient y graviter. Qu’en est-il aujourd’hui ? Signer chez Domino présente-t-il autant d’inconvénients que d’avantages ?
I’ve read that signing with Domino had kept you regretfully away from smaller structures and artists you used to work with before. How is this going today? What are the pros and cons of signing with Domino?

Jackson Pollis : J’ai l’impression qu’on continue à travailler avec des « petits groupes » – je pense pouvoir les appeler ainsi – et on a la possibilité de partir en tournée avec des artistes qui sont aussi nos amis. Désormais, on peut tout simplement choisir avec qui on va tourner.

Matt Kallman : Signer chez Domino ne nous a pas amenés à faire des choses que l’on n’aurait pas eu envie de faire. Ça nous a simplement permis de travailler avec d’autres groupes, à tout type de niveaux.

Jackson Pollis: I still feel like we work with many small bands, I can call them small bands, we can tour with friends and we can chose who we tour with, play with.

Matt Kallman: Signing with Domino hasn’t precluded us from doing anything that we wouldn’t want to do or accomplish, it has probably only helped us work with other bands on different levels, levels of all kinds.

Dans vos chansons semble ressortir une volonté d’onirisme teinté de nostalgie… Est-ce un objectif d’aller dans cette direction, ou cela s’impose-t-il juste à vous lors du travail d’écriture ?
Your songs seem to reflect a world full of dreams and nostalgia… Are you aiming at this or is this just natural when you’re writing?

JP : Lorsque Martin écrivait les chansons du dernier album, je crois que beaucoup de choses bougeaient dans sa vie, ne serait-ce que nous concernant, et j’ai l’impression qu’il souhaitait ne pas trop regarder en arrière, plutôt aller de l’avant. Il y a quelques chansons sur ce disque qui semblent nostalgiques, mais pour l’essentiel d’entre elles, elles sont tournées vers l’avenir.

MK : Peut-être la rêverie compte-t-elle davantage que le simple rêve.

JP: I think on the last record when Martin was writing songs, there was a lot going on in his life, like many changes just like with all of us and I feel like he was just trying to stray away from looking back too much and thinking more forward. There are a few songs in the record that definitely seem like nostalgic or reminiscent but for the most part I think it’s like looking forward.

MK: Maybe daydreaming matters more than just dreams.

Certains de vos titres laissent aussi la part belle à l’art de la répétition, surtout peut-être sur le précédent album, Days, avec notamment les chansons Kinder Blumen ou All The Same, qui peuvent rappeler à certains égards les travaux d’American Analog Set. Vous aimez laisser les choses traîner en longueur, pour atteindre une sorte d’hypnotisme ?
Some of your titles give way to a lot of repetitions, especially maybe in the previous album, Days, with songs like Kinder Blumen or All The Same which may echo works by Amanset. Are you indulging in this to reach some kind of hypnotic state?

MK : J’aime la répétition dans la musique… Wow, c’est une question compliquée…

JP : Le type de répétitions que j’aime sont celles qui sont comme un moment, un instant qui se répète… Beaucoup de chansons sont construites autour d’énormément de variations et tu ne peux pas vraiment les apprécier, car tu te retrouves comme cerné. Alors qu’avec une boucle, ou une ligne de guitare répétitive, on peut mettre davantage en place un environnement, une ambiance particulière. On n’essaye pas de paraître complexe… On peut tenter d’être dans une sorte de transcendance, mais le mieux est tout de même de ne pas vraiment y penser, et je pense d’ailleurs que c’est ce qui est cool, dans ce groupe : on laisse les chanson respirer, et on n’essaye jamais d’être too much.

MK: I think repetition is nice in music. That’s a tough one to answer.

JP: Repetition I love is like a moment, when it’s repeated, and because a lot of songs are a lot of changes and you can’t enjoy like you’re surrounded as when it’s a loop or a guitare line repeating itself, it’s giving more the sense of an environment. We ‘re not trying to change or be complicated. We can try to transcend but it’s best not to think about it that much and I think that’s what is cool about this band, We let the songs breath and we do not try to be too much.

D’ailleurs, quelles sont réellement vos références ? J’ai entendu parler de Yo La Tengo, Television, Felt… Qu’en est-il vraiment ?
What about your references? We’ve heard of Yo La Tengo, Television, Felt… Could you tell us more?

JP : Ce qui est intéressant, c’est qu’on écoute tous des types de musique vraiment différents… The Grateful Dead… On aime tous The Blue Nile… Il y a tant de musique… Martin adore The Kinks et Tim Harding. Matt, lui, adore la musique progressive. Moi j’aime beaucoup la house…

MK : Je ne sais pas où se trouve la jonction entre nos goûts…

JP : Ça fonctionne comme ce truc de la répétition… J’ai l’impression qu’on aime tous le genre de musique qu’on peut apprécier en voyageant… C’est cool d’évoluer dans un tel environnement, même quand on se retrouve à écouter des trucs comme Terry Riley ou de la drone…

JP: We’re all into so many different types of music that it’s really interesting, like the Grateful Dead, we all love the Blue Nile, there is just so much music. Martin loves the Kinks and Tim Harding, Matt loves progressive music, I love house music a lot.

MK: I don’t know where the overlap is.

JP: But it goes like repetition too, I feel like we all like music that like I said we can enjoy just like when travelling… It’s nice to have that environment, even if it’s stuff like Terry Reilly or whatever like drony music.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre processus de création ? Comment naît une chanson ? Qui fait quoi chez Real Estate ? Avez-vous un fonctionnement collectif ou chacun apporte-t-il sa pierre à l’édifice au fur et à mesure ?
What about your creating process? The birth of a song : who does what with Real Estate? Do you mix up your ideas or is it more like a puzzle, everybody bringing their own part to the whole work?

JP : La plupart du temps, Martin a un riff de base, ou la structure d’une chanson dans laquelle il va placer ses textes, et il nous apporte tout ça. Après, on voit si ça le fait, et on commence à travailler sur une ligne de basse, puis avec une autre guitare, puis une batterie, le clavier… Bref, je crois que c’est un processus assez basique.

JP : Usually Martin has a main riff or a song structure that he’s filling lyrics into and that he brings to the table. Then people see how it’s going and work at a base-line and another guitar, melody, and a drum beat and a keyboard part, I think that’s the basic plan.

Qu’ est-ce qui a changé pour vous avec le succès de votre précédent album, Days ?
What has changed since Days became so successful?

JP : Beaucoup plus de voyages, beaucoup plus de shows. Matt nous a rejoints, désormais, et c’est devenu assez incroyable, très fun… On partage le même langage, maintenant, on a notre propre jargon en tournée. On se comprend beaucoup mieux.

MK : On a grandi ensemble…

JP: A lot more travelling, a lot more shows, Matt is in our band now, and that’s been amazing and really fun. We have our own language that we speak together, tour jargon, it’s more of an understanding,

MK: We’ve grown closer.

Sur Atlas, on a l’impression que des barrières sont tombées, que vous vous libérez un peu plus des formats pop, que votre musique semble plus profonde. Qu’en pensez vous ?
With Atlas it sounds as if you d got rid of some barriers, pop formats, your music seems deeper. What do you think?

JP : Quand on était en train d’enregistrer le disque, on se disait tous qu’il était plus sombre que le précédent. Beaucoup de choses ont changé depuis la sortie de Days : là on était tous très concentrés, on a enregistré à Chicago en y vivant tous… Il y avait simplement plus de concentration, et ça a été un effort plus collectif, tout le monde a posé un truc sur la table, comme Matt, qui nous a apporté des parties de clavier qu’on aurait été incapables de jouer nous-mêmes… On n’a pas trop ruminé la chose non plus : on a tout enregistré très rapidement, et je crois que c’est ce qu’il y a de mieux, quand ça se passe comme ça.

JP: When we were recording the record we were all like this is kind of a darker record than the last one, but a lot has change since putting out Days: we were very focused, we recorded in Chicago, were all living out there, and there was just more focus, it was more of a communal thing, we all brought our own stuff to the table, like Matt came with parts that none of us could play… We didn’t think about it too much, we recorded everything quickly and I think that’s when that’s best, you have the song, you do what it will.

Vous êtes un groupe à guitares. Vous avez enregistré ce nouvel album dans le studio de Wilco a Chicago, qu’on imagine être une vraie caverne d’Ali Baba de matos : qu’est-ce que cela vous a apporté ? Les membres du groupe vous ont-ils aidés ?
You are a guitar band. You ve recorded this new album at Wilco’s studio in Chicago which we can figure as a real Ali Baba’s cave full of equipment: has this been a real asset? Did you get any help from the members of the band?

MK : Les membres du groupe nous ont donné leur bénédiction : « Faites ce que vous voulez, et kiffez. » C’était tout bonnement la meilleure chose qu’ils pouvaient faire pour nous aider !

JP : Ils avaient beaucoup de matos.

MK : Énormément de matos cool et fun, aménagé intelligemment et de telle manière que tu puisses juste te dire que beaucoup de soin y a été apporté.

JP : Jeff Tweedy s’est pointé une fois, alors qu’on jouait. C’était vraiment cool de sa part de venir juste nous faire un coucou, vraiment sympa. Mais ouais, il y avait beaucoup de jouets, là-bas.

MK: The band members gave their blessing: « Do whatever you want and enjoy. » So as far as they were helping that was basically the best thing they could do.

JP: They had a lot of equipment.

MK: Pretty much a lot of cool fun stuff that was laid out smartly and nicely and you could just tell a lot of care had gone into building it.

JP: Jeff Tweedy came into the studio once and we were tracking and it was cool of him to come by and say what’s up, that was really sweet. But yeah, a lot of toys.

Vous avez choisi le producteur Tom Schick pour enregistrer ce disque : pourquoi ce choix et ne pas avoir continué avec Kevin McMahon ?
You chose the producer Tom Schick to record this album: why this choice, why not keep working with Kevin McMahon?

MK : Ce nom nous a été proposé par quelqu’un de chez Domino. On l’a rencontré, on lui a joué les chansons, et on partageait un certain nombre d’idées communes avec lui. Je me rappelle avoir pensé que ça serait vraiment bien pour le groupe d’avoir une boîte à rythmes. Et c’est la première chose qu’il nous a dite ! J’ai trouvé ça super. On est sur la même longueur d’onde. Tom est un type qui a beaucoup de tendresse, et il nous a juste laissés faire ce qu’on souhaitait.

JP : Et il a beaucoup bossé pour ce studio à Chicago, du coup il savait comment y travailler pour arriver à ce qu’on voulait. Il est très permissif, mais il n’hésite pas non plus à donner son opinion. Il fait juste très bien son boulot, c’est une belle personne.

MK : Ouais, un type super.

MK: The name was brought up to us by someone at Domino, we met with him and played the songs for him and there were certain ideas that we shared, I remember like for the band I thought a drum-machine would be cool to have and that’s the first thing he said and I thought that was awesome. We are on the same page, Tom is such like a mellow dude and he just let us do whatever we wanted.

JP: And he works out for that studio in Chicago a lot, so he basically knew how to work it the way we wanted it to, he is very hands off but also he lets his opinion be known, he is just good at his job, a very nice human being.

MK: A great guy.

La Route du Rock est un festival particulier en France, rempli de journalistes et d’amoureux de l’indie pop. Le connaissiez-vous ? Ce festival a-t-il une résonance particulière pour vous ?
The Route du Rock is a special festival in France, full of journalists and indie pop lovers. Did you know this festival? What does this festival sound like for you?

JP : Jamais entendu parler.

MK : Moi non plus.

JP : Enfin, jusqu’à ce qu’on y soit programmés… J’ai vu le line-up et j’ai été très impressionné. Beaucoup de très bons groupes sont ici, de bons choix. Et puis il y a un paysage très spécial, ici, très beau.

MK : C’est la 24ème édition, c’est ça ? C’est complètement dingo, j’ai 24 ans… Et Angel Olsen, qui joue en ce moment même, on a joué avec elle a un festival en Californie juste avant de venir ici.

JP : On a pas mal de potes dans d’autres groupes qui jouent ici.

MK : Oui, on connaît la majorité des groupes programmés aujourd’hui, on a déjà joué avec eux ailleurs dans le passé, donc c’est assez bizarre de se retrouver ici avec eux, en France…

JP: I had never heard of this festival.

MK: Me neither.

JP: Until we played it and I saw the line up and was very impressed, a lot of great bands are here, good choices, it seems like a very special and beautiful landscape.

MK: It’s the 24th year ? See that’s insane, cause I’m 24. And Angel Olsen that’s playing right now, we just played at a festival with her in California before we came over here.

JP: There are friends here in other bands.

MK: We know most of the bands that are playing today, we have either played with them before or just know them so it’s like weird to be in France and be among them.

Interview : Marie Baudouin, Julien Guillot & Sylvain Le Hir

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