La Cuisinière Lyonnaise

Par Gourmets&co

… aux fourneaux, il y a plutôt un cuisinier parisien qu’une cuisinière lyonnaise …

Autant le vaisseau amiral de Stéphane Gaboriau roule impeccablement (voir article Le Pergolèse, rubrique Restaurants), autant sa tentative de bistrot lyonnais parait quelque peu bancale.

Pourtant le nom est alléchant d’autant que les véritables tables lyonnaises sont plus que rares dans la capitale, comme si la cuisine traditionnelle lyonnaise était passée de mode ou pire encore subissait une perte d’intérêt de la part d’une jeune génération se tournant plus vers l’exotisme, alors qu’il n’y a pas plus déroutant et passionnant que la tradition lyonnaise en cuisine.

Un effort est porté sur le décor pour affirmer son identité bistrot : carrelage flambant neuf, plafond refait, tables bois, bar où l’on peut boulotter un plat, ardoise des propositions du jour, service proche et bon enfant, et patron à la bedaine souriante et rassurante.

La carte surprend par la rareté des spécialités lyonnaises. Une entrée, deux plats et pas de dessert, à part le fromage blanc à la crème mais qui ne doit pas venir d’Isère comme à Lyon. Raison invoquée par le patron : les femmes boudent cette cuisine riche et goûteuse.

Ouvert il y a un peu plus d’un an, on voyait des soirées avec 90% d’hommes qui tortoraient sans complexes les spécialités gones. Alors, on rajouta du poisson vapeur, ou poché, des haricots verts, du ceviche de daurade… Pourquoi cette abdication devant l’ennemi qui a nom santé, ligne, omega 3 ou 4, light, vie de light sans éclat, sans excès, sans rien… ? On connait des lieux à Paris où l’on trouve à table 95% de femmes et personne ne songe ni à les déranger ni à changer la carte pour avoir des clients hommes. Paradoxe des temps tristement modernes, cette cuisine rejetée aujourd’hui par la gent féminine était à l’origine une cuisine faite par des femmes, les fameuses Mères Brazier, Guy, Fillioux, Léa, et autres… qu’une onctueuse sauce Nantua n’effrayait pas. Dommage.

Du coup, on se rabat sur la Tarte à l’oignon comme à Lyon et bouquet de mâche, au feuilleté d’une belle finesse mais aux oignons trop vinaigrés (Lyon aime le vinaigre, mais quand même…).

Le Vol au vent des « Mariniers du Rhône » (*), bizarrement nommée, est une sorte de bouchée à la reine mais emplie de poissons d’eau douce : sandre, écrevisses, quenelle de brochet et saumon (qui est bi !). Bien fait, copieux, belle sauce, pour un bon plat plein de saveurs. Le Clafoutis aux abricots arrive un peu tôt dans la saison et surtout trop froid en direct du frigo ce qui tue les goûts éventuels. Carte des vins courte mais bonne, du nord au sud de Lyon.

Une cuisine un peu neutre, un peu anonyme, un peu passe partout, peut-être « émasculée », mais cependant pas désagréable et assez bien tournée pour quelques plats. Mais aux fourneaux, il y a plutôt un cuisinier parisien qu’une cuisinière lyonnaise !

37, rue Saint-Ferdinand
75017 Paris
Tél : 01 45 74 69 20
lacuisinierelyonnaise@gmail.com
M° : Argentine
Fermé samedi midi et dimanche
Menu : 18,50 au déjeuner (2 plats)
Carte : 45 € environ

(*) : La recette dite des « mariniers du Rhône » est à base de bœuf (paleron par exemple ou autres morceaux à braiser), oignons, câpres au vinaigre, anchois à l’huile, ail et pommes de terre.
Le grand Frédéric Dard, dans la préface du livre « La Cuisinière Lyonnaise » (d’Alfred Contour – Editions Solar – 1995) parle d’un plat de sa mère appelé « la grillade lyonnaise » ou « grillade des mariniers » à base de bœuf et d’oignons en quantité égale.