ombres dansantes et images fixes

Publié le 22 mars 2013 par Lironjeremy

On a imaginé il y a peu que les peintures rupestres qui témoignent des premiers temps de l’art à Chauvet, à Lascaux et ailleurs, dans leur attachement au contour à l’exclusion du modelé, par la répétition superposée de profils très semblables et par quelques autres détails singuliers pourraient assez probablement être le résultat du détourage d’ombres portées résultant de la présentation devant la flamme de figurines sculptées. Ce n’est qu’une hypothèse, mais assez féconde et qui donne envie de rêver le mythe platonicien de la caverne en le reculant de quelques milliers d’années.  Que l’on ait déjà fait l’expérience d’escapades spéléologiques lampe à la main ou au casque, on ne peut que se souvenir des ombres des copains qui dansent sur les reliefs aux mouvements de l’éclairage acétylène. C’est tout un spectacle d’ombres fascinant comme purent l’être à ceux qui en furent les contemporains, les projections des premières lanternes magiques. On se rappelle aussi les premiers campings et les jeux d’ombres sommaires dont on anime les toiles de la tente en jouant des jambes ou des mains devant le faisceau d’une lampe de poche. Il est après tout assez probable que nos lointains ancêtres aient joué eux aussi des charmes de cet antique cinéma, regardant dans les tremblements des flammes se mouvoir comme en rêve les silhouettes animales dont se rejouait sur les murs la présence furtive. Ces silhouettes répétées qui nous retiennent aujourd’hui seraient alors comme d’antiques photogrammes, des captures photo-graphiques, littéralement, restituant en quelques images figées un peu de l’expérience. Car en vérité, le cinéma –ce jeu d’images emportées par le mouvement- n’est pas un dérivé de la photographie rendue à plus de réalisme par quelques mécaniques, il est l’expérience première de la fuite  des instants que l’homme à toujours tenté de piquer en une image prégnante, synthétique, plus magique encore que la réalité mouvante en ce que justement elle semble s’en extraire, s’en échapper, atteindre à une permanence, une sorte d’immortalité, un peu comme s’esquivent les morts.