Siri Hustvedt se perd dans l'art contemporain

Publié le 30 octobre 2014 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Ce livre était un des ouvrages les plus attendu de la rentrée littéraire. Depuis le franc succès de son troisième roman, Tout ce que j’aimais, en 2003, Siri Hustvedt est sur le devant de la scène. Auteur américaine, d’origine norvégienne, elle est également l’épouse de l’auteur à succès Paul Auster. Ils forment le couple « so-in » du New York littéraire.

Dans son nouveau roman Un Monde flamboyant, sorti début septembre chez Actes Sud, Siri Hustvedt dresse un thriller arty et féministe. Ateliers d’artistes, galeries d’art et critiques sanglantes, bienvenue dans les coulisses de l’art contemporain new-yorkais !

La première phrase du roman sonne comme une plaidoirie : «Toutes les entreprises intellectuelles et artistiques, plaisanteries, ironies et parodies comprises, reçoivent un meilleur accueil dans l’esprit de la foule lorsque la foule sait qu’elle peut, derrière l’œuvre ou le canular grandiose, distinguer quelque part une queue et une paire de couilles.»

Méconnue de son vivant, Harriet Burden, fait, après sa disparition, l'objet d'une étude universitaire. Épouse d’un célèbre galeriste de New York et mère de deux enfants, elle met de côté ses ambitions artistiques et mène une vie rangée de « femme de ». À la mort de son mari, elle décide de préparer son retour et de se venger de ce milieu élitiste. Convaincue qu’un homme a plus de succès critique qu’une femme, elle élabore le projet fou, d’engager trois hommes pour jouer le rôle de l’artiste, d’œuvres qu’elle aura elle-même créées. Masques, mensonges et canulars, en voulant exposer le sexisme du monde de l’art, elle se perdra elle-même.

Construit comme une enquête, le récit n’a pas de narrateur et réunit les fragments des carnets de l’artiste, les témoignages de ses proches et de ses détracteurs. Le lecteur tourne autour du personnage d’Harriet, de ses mystères et de ses jeux dangereux.

Siri Hustvedt tente de pénetrer le milieu de l’art contemporain et de dénoncer une situation réelle, celle de la place de la femme artiste. Comme David Lodge avec le milieu universitaire, elle tente de disséquer et critiquer le marché de l’art new-yorkais. Son roman, complexe tant dans sa structure fragmentaire que dans son sujet manque de légereté. Il semble destiné aux « happy few » qui connaissent cet univers.

Les personnages féminins indépendants et torturés ont fait la renommée de cet auteur. Tout ce que j’aimais ou encore Une saison sans les hommes, paru en 2011 sont des récits délicats et passionnants. Seulement voilà… Depuis quelques années, Siri Hustvedt s’est plongée dans l’étude de la psychiatrie et pas qu’à moitié ! Elle publie des essais et participe à des colloques sur l’hystérie féminine. En 2010, elle publie une étude sérieuse et brillante La Femme qui tremble. Elle s’impose alors non plus comme auteur à succès mais comme une véritable chercheuse en psychologie. En 2014, sort Vivre, penser, regarder. Toujours, plus investie, elle critique la pensée des grands, multiplie les citations et les références.

Lorsqu’on demande à Harriet Burden ce que veux une femme, elle répond : « Je veux être comprise. » Pari accompli pour Siri Hustvedt, on la prend au sérieux peut être même un peu trop. La lecture de ce roman est exigeante et lourde. Si l’on admire sa construction, on ne retrouve plus la plume envoûtante de ses premiers ouvrages. En refermant ce livre, il me semble froid et hermétique. Le sujet est passionnant mais regorge de clichés sur l’art contemporain et ses acteurs qui, au fond, ne sont traités que superficiellement.

Siri, nous avons tous compris que tu étais une grande intellectuelle mais nous attendons avec impatience que tu reviennes avec des romans, des vrais, plus simples et plus chaleureux.

HUSTVEDT, Siri, Un monde flamboyant

Septembre, 2014 / 416 pages

traduit de l'américain par : Christine LE BŒUF

Actes Sud

23,00€