391ème semaine politique: Hollande et les Femens de la politique

Publié le 01 novembre 2014 par Juan

Les Femen sont ce curieux mouvement féministe qui prend régulièrement l'opinion à témoin par le biais d'exhibitions dénudées. Mardi 28 octobre, les caméras de télévision étaient là, forcément, autour de François Hollande, quand une Femen, puis une seconde, ont tenté de saisir le président de la République avant d'être rapidement écartées des lieux.

Ces Femens illustrent la forme la plus répandue de l'action politique moderne: frapper les esprits, sans compromis ni nuances, avec bruit et parfois violence, sans débat ni patience.

Les Femens ne sont pas seules. 


Un barrage et un mort

Les réactions ont afflué, précipitées ou tardives, après la mort d'un jeune homme, à l'occasion de manifestations contre la construction d'un (petit) barrage dans un coin du Tarn. On a découvert son corps dimanche matin, mais il a fallu deux très longues journées pour le gouvernement puis sa "majorité" politique expriment enfin une émotion publique. Ce très long silence a suffit à enrager davantage. Cécile Duflot évoque une "tâche indélébile". José Bové réclame la démission du ministre de l'intérieur. Ces élus alertaient, en vain, le gouvernement depuis des semaines. La droite hurle contre les "casseurs" qu'elle assimile sans détour aux écologistes. Le Parti de Gauche demande la démission de Bernard Cazeneuve, le ministre de l'intérieur.
Quel fiasco...
Le 6 septembre 2014, Manuel Valls célébrait la construction prochaine d'un barrage et d'une réserve d'eau pour aider la culture intensive de maïs (sic!). Il a fait dépêcher des forces de gendarmerie en surnombre, effrayé qu'une résistance locale n'empêche les travaux comme contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes. En deux semaines à peine, une large portion de forêt est rasée. Les affrontements avec quelques "écolo-warriors" dont la violence est dénoncée par les opposants locaux au barrage, sont lunaires.
Il y a un mort. "La mise en œuvre d’un explosif militaire de type grenade offensive semble acquise " reconnaît le procureur. On apprend que la justice a trouvé des traces de grenade offensive sur son corps au moment même où Manuel Valls tonne sa solidarité avec les gendarmes comme un ministre de l'intérieur qu'il n'est plus.

Jean-Luc Mélenchon regrette un "défaut de dialogue". Cette affaire est un fiasco. Elle mérite quelques thérapies pour certains de ses protagonistes.
Elle illustre aussi l'échec du débat démocratique, des institutions et une parole politique décrédibilisée face à des protestations citoyennes mal maîtrisées.

Le gouvernement va faciliter la vie des Français.

La nouvelle prête à sourire. Un premier bilan d'étape, servi par le nouveau secrétaire d'Etat à la Simplification Générale, Thierry Mandon, fait état de 2,4 milliards d’euros économisées pour les entreprises, les citoyens et l’Etat, grâce à 50 mesures lancées l'an dernier. On est rassuré. Le gouvernement cherche des satisfactions où il peut.
Cette semaine, il lui a encore manqué les voix du Front de gauche, des écologistes et d'une trentaine de députés de son propre camp pour voter le financement de la protection sociale. Le texte a quand même été adopté, la Vème République reste une monarchie miraculeuse.
Le gouvernement simplifie effectivement la vie des Français. Il réduit les prestations sociales et fait aussi porter l'effort de redressement sur des modestes qui n'en peuvent déjà plus. Le Parti socialiste avance que le projet de loi sur la soc supprime les franchises médicales sur les complémentaires Santé, généralise le tiers payant d'ici 2 ans, et augmente de 25% les allocations de rentrée scolaire et de soutien familial pour quelque 750.000 familles monoparentales.
Soit.
Mais les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, conséquences du pacte de responsabilité, feront perdre 6,3 milliards d’euros de recettes pour la protection sociale l'an prochain. Et il ne réduit que de 3 milliards d'euros le déficit prévisionnel de la Sécu l'an prochain.
 
Hollande et Valls ont sauvé leur budget à Bruxelles. Le psychodrame sonne faux. Les risques des censure étaient inexistants, n'en déplaisent à quelques caricaturistes du débat politique qui aimeraient faire croire que la Commission ou le Conseil ont un pouvoir de sanction contre notre budget national. Tout au plus recevrait-on quelques réprimandes publiques. La France n'est pas la Grèce asphyxiée par un manque de ressources budgétaires. Elle n'a rien à quémander à Bruxelles ou au FMI. C'est bien là le plus grave. L'équipe Hollande/Valls se plie à une pression politique faible.
Lundi, Michel Sapin croit heureux de dévoiler qu'il encore trouver 3,6 milliards d'euros d'économies en 2015 pour satisfaire Bruxelles. Pour l'essentiel, il s'agit d'anticipations supplémentaires sur une baisse des taux d'intérêt l'an prochain (400 millions), et un meilleur rendement de la lutte contre la fraude (900 millions) et l'optimisation fiscales (500 millions).

L'UMP poursuit son enfer électoral interne. 

Nicolas Sarkozy a recruté Henri Guaino pour "policer" ses discours. A Marseille, mardi soir, cela ne se voit pas. Sarkozy fait du Buisson sans Buisson. Il exalte encore une fois l'identité française, et lâche des formules rances et anxiogènes que ne renieraient pas une Marine Le Pen.
Ce raidissement à droite, depuis deux semaines déjà, ne semble pas lui porter chance. Même s'ils sont d'une fiabilité improbable, les sondages négatifs s'accumulent. Sarkozy n'intéresse pas ou peu, séduit rarement, et hérisse toujours. Le caricaturiste Plantu le dessine en clown à l'approche d'Halloween, résumant bien l'humeur du moment. La Dépêche du Midi évoque sa "dégringolade face à Juppé"; Le Figaro un "jugement sévère des Français sur son retour"; l'Express une "chute libre". "Le retour de Sarkozy peine à convaincre" complète Le Monde.
S'il gagne contre ses deux rivaux, Sarkozy supprimera l'UMP en mars prochain. Mais surtout, l'ancien monarque se met à promettre l'improbable pour le futur rassemblement de la droite qu'il compte bâtir sur les ruines de l'ancien client de Bygmalion : un fonctionnement plus décentralisé, des primaires systématiques pour départager les candidats locaux, et, soyons fou, de la "démocratie participative" à tous les étages !
Plus c'est gros, plus ça passe. Ces confidences sont là pour faire rêver le militant et séduire l'indécis, laissent songeur. Sarkozy se voyait comme l'homme providentiel.
Quelque soit le vainqueur de cette primaire à la tête de l'UMP, la pression pour faire table rase du passé sera forte. Le feuilleton Bygmalion pourrait être le coup de grâce. Mercredi 29 octobre, le Point révèle que l''argent de l'UMP "n'a pas servi qu'à la campagne de Nicolas Sarkozy". Et d'ajouter: "des proches de Jean-François Copé en ont largement profité." L'hebdomadaire affirme que près de deux millions d'euros, entre 2011 et 2013, ont été versés à Bastien Millot ou ses sociétés.


Marine Le Pen se frotte les mains.  
Depuis 2007, le nombre d'adhérents au Front National aurait été multiplié... par 12 ! Et les sondages la placent en tête d'une présidentielle qui n'aura lieu que dans deux ans.
Merci qui ?
La présidente du FN se sent pousser des ailes. Elle voudrait débattre avec François Hollande (sic!). Deux proches, un duo d'exilés fiscaux en Belgique, sont soupçonnés d'oeuvrer à racheter Valeurs Actuelles, cet hebdomadaire de la Droite furibarde qui titre régulièrement sur le danger islamiste ou la France barbare.
Le FN parti menace puis renonce à sanctionner l'un de ses élus locaux qui avait commis l'infamie de se convertir à l'islam et de le faire savoir. A Hayange, en Moselle, deux anciens adjoints au maire frontiste - ce jeune ex-syndicaliste de la CGT parti au FN avec fracas en 2012 - quittent le parti en dénonçant des fraudes en tous genres.
Le plus cocasse est que ce maire contesté reste conseiller politique de Marine Le Pen au dialogue social...
Ami citoyen, ne désespère pas...
"Cette guerre n’est ni fatale, ni bienfaisante, ni divine. Elle est le résultat de malentendus effroyables, ourdis, hors du consentement des peuples, par de mauvais bergers".
Théodore Ruyssen, 29 octobre 1914

Crédit illustration: DoZone Parody