Meursault, Contre-enquête de Kamel Daoud

Par Labibdadi

Auteurs :Kamel Daoud

Titre : Meursault, Contre-enquête

Edition : Barzakh éditions (Novembre 2013), Actes Sud (Mai 2014)

Quatrième de couverture: « Un homme, tel un spectre, soliloque dans un bar. Il est le frère de l’Arabe tué par Meursault dans L’Étranger, le fameux roman d’Albert Camus. Il entend relater sa propre version des faits, raconter l’envers du décor, rendre son nom à son frère et donner chair à cette figure niée de la littérature: l’« Arabe ».Iconoclaste, le narrateur est peu sympathique, beau parleur et vaguement affabulateur. Il s’empêtre dans son récit, délire, ressasse rageusement ses souvenirs, maudit sa mère, peste contre l’Algérie – il n’épargne personne. Mais, en vérité, sa seule obsession est que l’Arabe soit reconnu, enfin.Kamel Daoud entraîne ici le lecteur dans une mise en abîme virtuose. Il brouille les pistes, crée des effets de miroir, convoque prophètes et récits des origines, confond délibérément Meursault et Camus. Suprême audace : par endroits, il détourne subtilement des passages de L’Étranger, comme si la falsification du texte originel était la réparation ultime. »

Jusque là, finaliste au prix Goncourt, Meursault, Contre-enquête de Kamel Daoud est un roman au dessus de la mêlée dans le paysage littéraire algérien de ces dernières années, et peut être le sera-t-il en France cette année.

L’auteur algérien s’attaque d’une manière assez frontale à un mastodonte de la littérature française, Albert Camus, et à son œuvre monumentale, l’Etranger. Personnage controversé pour plusieurs raisons, plus jeune prix Nobel de son époque, ses combats politico-identitaires jugés pas assez tranchés, il se retrouve cette fois-ci confronté à un jeune auteur algérien, peu connu en France, et sa propre lecture de l’Etranger, une lecture très algérienne, solidement nationaliste (nationaliste dans le sens premier, pas politique, je veux dire) et presque enragée. Il reproche principalement à Albert Camus, de ne pas avoir nommé l’ « arabe », assassiné par Meursault, et pourquoi l’avoir tant négligé… l’angle d’attaque est original, novateur mais aussi casse gueule, pourtant Daoud réussit très bien son coup de maître.

Par la voix du jeune frère de cet arabe à qui il donne un nom à cette occasion, une voix qui se confond par moment avec la sienne, et accusant un Meursault très ressemblant à un Camus et à son parcours, il raconte la vie détruite par ce meurtre gratuit, aux conséquences inimaginable pour le narrateur, à la fois fragile, enragé, contre l’injustice de ce meurtre, mais aussi et peut être surtout, l’injustice qu’apporte la vie en Algérie depuis l’indépendance à nos jours, c’est-à-dire l’Algérie d’aujourd’hui, et ce sont là des détails sur lesquels il insiste beaucoup.

Ce livre m’a beaucoup troublé et frappé, déjà par la beauté de son style, ainsi qu’aux références multiples à l’Etranger de Camus, le contraire aurait été surprenant, mais aussi par la sensibilité à la fois de l’auteur et de son narrateur, qui est très proche de la mienne. Cette recherche de liberté intellectuelle et spirituelle, le danger qu’ils peuvent engendrer si l’en s’obstine à la gagner coute que coute dans une Algérie actuelle!

Je n’avais pas beaucoup lu Kamel Daoud, contrairement à mon ami Osmane, qui fait plus que le lire, puisqu’il l’étudie, le décortique de toute son érudition. Moi c’est surtout sa chronique quotidienne Raïna raïkom sur le journal francophone Le Quotidien d’Oran, qui me semble-t-il a dirigé un moment. Dans cette chronique, Daoud porte son regard ironique et inquisiteur sur la vie politique et sociétale de l’Algérie. Inquisiteur n’est peut être pas le meilleur qualificatif, disons plutôt intransigeant. Et ce qui est fort par contre chez Kamel Daoud, et là, je n’en doute pas, c’est son amour fou pour son pays.

J’avais également lu un recueil de nouvelles de Kamel Daoud, La préface du nègre, et en ai conclu la même chose qu’ici, Kamel Daoud est très agréable à lire, cependant, malgré un nombre de pages peu conséquent, il nécessite beaucoup de temps et de concentration, et dans ce sens, il me rappelle une certaine œuvre de Kateb Yacine, un roman nommé Nedjma !


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