Architecture russe

Publié le 12 novembre 2014 par Aelezig

L’architecture russe s’enracine dans la culture de l'état slave des Rus' de Kiev. À la chute du royaume de Kiev, l’histoire de l'architecture russe s’est poursuivie dans les principautés de Vladimir-Souzdal, de Novgorod, puis dans les états successifs du Tsarat de Russie, de l’Empire russe, et de l’Union soviétique, jusqu'à l'actuelle Fédération de Russie.

La Porte Dorée de Kiev (XIIe)

Période varègue (988-1230)

L’état féodal des Rus' de Kiev est, au moins sur le plan culturel et, en l’occurrence, architectural, l'ancêtre de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine. Les grandes églises de Kiev, édifiées après l’Évangélisation de la région en 988, sont les plus anciens exemples d’architecture monumentale dans les régions slaves orientales. Le style architectural du royaume de Kiev a été très influencé par l’architecture byzantine. Les premières églises orthodoxes, avec leur géométrie caractéristique d’« église à cellules », sont surtout construites en charpente de bois. Les grandes cathédrales comportant souvent plusieurs petits dômes, ce qui a conduit certains historiens d’art à tenter d'y retrouver la forme de temples slaves païens.

D'un autre côté, la Cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod (1044–52), exprime un style novateur qui exercera une profonde influence sur l’architecture religieuse russe. Ses murailles austères, ses baies chiches et étroites, et ses coupoles chemisées de métal rappellent par bien des aspects l’architecture romane de l’Ouest de l’Europe. Les infidélités au modèle byzantin sont de plus en plus manifestes sur les cathédrales de Novgorod postérieures : Saint-Nicolas (1113), Saint-Antoine (1117–19), et Saint-Georges (1119). De l’architecture profane de la Principauté de Kiev, il ne subsiste que peu de vestiges. 

La cité de Novgorod préserve son architecture au cours de l’invasion mongole. La construction des premières églises est d'abord une commande des princes, mais par la suite au XIIIe siècle les marchands, leurs guildes et les villes se mettent à financer la construction de cathédrales. Les bourgeois de la Novgorod du XIIIe siècle sont réputés pour leur intrépidité, leur diligence et leur prospérité, qui s'étend de la Baltique à la Mer blanche. La cathédrale Sophie de Novgorod prend modèle sur la Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev ; elle est d'apparence similaire, mais un peu plus petite, plus étroite et (marque de l'expansion de l'architecture du Nord) les clochers à bulbe se substituent aux coupoles. La construction est assurée par des ouvriers de Kiev, qui par la même occasion importèrent la maçonnerie de briques. Le matériau de construction de base est constitué par des galets et des blocs calcaires assemblés en maçonnerie sèche. L’intérieur de la cathédrale est peut-être couvert de fresques, sans doute effacées par le temps. Les portes sont de bronze.

Sainte-Sophie de Novgorod

La construction du catholicon du Monastère de Iouriev est ordonnée en 1119 par le prince Vsevolod Mstislavovitch. L’architecte, l'un des rares artistes cités dans les documents russes de l'époque, apparaît dans les actes sous le titre de Maître Pierre. L’extérieur de l'édifice se caractérise par des baies étroites et des niches doublement en retrait, dont l'alternance rythme la façade ; les murs intérieurs atteignent la hauteur de 20 m ; ils sont couverts de fresques, qui comptent parmi les rares spécimens de peinture médiévale authentiquement russe. Les piliers sont rapprochés, pour souligner la hauteur des voûtes.

L’église de la Transfiguration du Sauveur est un mémorial à Ilya Mouromets, qui défendit la ville au cours de l'invasion mongole ; elle a été édifiée en son honneur en 1374. Par rapport aux églises antérieures, ses baies sont plus hautes, les niches plus renfoncées encore et le dôme (plutôt réservé jusque-là aux cathédrales) est cerné de toits à deux pans.

De style voisin de l’église de la Transfiguration, l'église Saint Pierre-et-Paul des Kojevniki a été édifiée en 1406. Elle se distingue d'abord par le choix du matériau de construction : à cette époque, la brique commence à se parer de motifs décoratifs ; les ornements se concentrent sur les façades ouest et sud. On y a aussi employé la brique pour les pilastres qui rythment la façade. Celle-ci était à l'origine couverte de crépi, mais avec les déprédations de la deuxième guerre mondiale, elle a été profondément restaurée. Les murs sont fait de pierre sèche, en fort contraste avec les briques rouges. L'église est à plan quasiment carré, borné par quatre piliers, avec une abside.

 

Cathédrale Saint-Gorges du monastère de Iouriev

Période moscovite primitive (1230-1530)

Les Mongols dévastent le pays au point de rendre, pour au moins un demi-siècle, les plus grandes villes elles-mêmes (telles Moscou ou Tver) incapables de financer la construction d'églises en pierre. Toutefois Novgorod et Pskov parviennent à échapper au joug des Mongols, et s'épanouissent en républiques marchandes prospères ; elles ont conservé des douzaines d’églises médiévales (les plus anciennes du XIIe siècle). Les églises de Novgorod (comme l'église de la Transfiguration de la rue Ilyina, édifiée en 1374), ont des toits à pans inclinés, et les murs sont grossièrement sculptés ; certaines d'entre-elles abritent de magnifiques fresques médiévales. Les petites églises pittoresques de Pskov présentent bien des traits novateurs : encorbellements, porches, galeries extérieures et clochers. Ces nouveautés sont importées en Moscovie par les maçons de Pskov, qui y construisent de nombreux édifices au cours du XVe siècle (dont l’église de la Déposition du Kremlin de Moscou (1462) et l’église du Saint-Esprit de Laure de la Trinité, construite en 1476).

Les églises de Moscovie du XIVe siècle sont peu nombreuses, et la date de leur construction est très controversée. Les monuments les plus caractéristiques de cette période, que l'on peut voir à Nikolskoïe ou à Kolomna, sont des églises fortifiées à dôme unique, faites de moellons à peine équarris et capables de supporter de brefs sièges. Avec la construction de la cathédrale de l'Assomption de Zvenigorod (datée de 1399), les maçons moscovites renouent avec la maîtrise de leurs devanciers d'avant les invasions et même parviennent à résoudre quelques problèmes originaux qui avaient rebuté leurs prédécesseurs. On trouve des exemples d’architecture moscovite ancienne à la cathédrale Laure de la Trinité (1423), au monastère Savvin de Zvenigorod (peut-être de 1405) et au Monastère Andronikov de Moscou (1427).

Vers la fin du XVe siècle, la Moscovie est devenue si puissante que ses églises à plusieurs dômes rivalisent avec les cathédrales pré-mongoles de Novgorod et des Vladimirs. Mais comme les maîtres d'œuvres russes sont incapables de concevoir des ouvrages de ce genre, Ivan III fait appel à des architectes de Florence et de Venise. Ils s'inspirent des cathédrales médiévales des Vladimirs pour les trois grandes cathédrales du Kremlin, et les ornent à l’italienne. Ces ambitieuses cathédrales du Kremlin (dont la Cathédrale de la Dormition et Cathédrale de l'Archange-Saint-Michel) servent de modèle partout en Russie tout au long du XVIe siècle.

 

Cathédrale de la Dormition, Moscou

Hormis les églises, beaucoup d'autres constructions datent du règne d’Ivan III : parmi elles, des fortifications (Kitaï-gorod, le Kremlin dont les tours visibles aujourd'hui sont toutefois postérieures), Ivangorod, des clochers (Clocher d'Ivan le Grand) et des palais (le Palais à Facettes et le Palais Uglich). Le nombre et la variété des édifices s'explique par l'abandon, à l'instigation des maîtres italiens, du calcaire, pierre prestigieuse, chère et peu maniable pour la brique, économique et plus simple d'emploi.

Période moscovite centrale (1530-1630)

Au XVIe siècle, l’introduction du toit en pavillon et de l'architecture en brique marque un tournant. Les toits à pans inclinés semblent s'être d'abord implantés dans le nord de la Russie, où ils évitent l'accumulation excessive de neige et la surcharge des charpentes au cours des longs hivers. La première église en briques avec toiture à pans inclinés est l'église de l'Ascension de Kolomenskoïe (1531), élevée pour le jubilé d’Ivan le Terrible. Sa conception est très controversée ; il est vraisemblable que l'originalité de cet édifice (dont le style est inconnu dans les autres nations orthodoxes) traduise les ambitions de l’État russe naissant et l'émancipation de l'art russe des canons byzantins après la Chute de Constantinople.

Les églises à toits en pans inclinés se multiplient sous le règne d’Ivan le Terrible. Deux exemples primitifs datant de son règne présentent des pans multicolores et de géométrie exotique, combinés de façon complexe : ainsi l'église de Saint-Jean le Baptiste à Kolomenskoïe (1547) et la Cathédrale Saint-Basile sur la Place Rouge (1561). Cette dernière église combine pas moins de neuf pans d'inclinaison variable en une composition circulaire des plus curieuses.

Clocher d'Ivan le Grand, Moscou

Période moscovite tardive (1630-1712)

Le Temps des Troubles a laissé ruinés l’État aussi bien que l’Église, tous deux incapables de financer quelque chantier que ce soit ; ce sont de riches marchands de Iaroslavl, sur la Volga, qui prennent le relais. Tout au long du XVIIe siècle, ils construisent de grandes églises à cinq tours à bulbe, circonscrites de clochers et d’ailes rayonnantes. Au début, la composition de ces églises est foncièrement asymétrique, les différents quartiers s’équilibrant l’un l’autre à la manière des fléaux d’une balance ; mais peu à peu elles évoluent à Iaroslavl vers une symétrie parfaite, avec des coupoles dépassant du reste de la construction, couvertes d’un carrelage polychrome (église de Jean Chrysostome sur la Volga, 1649–54). L'architecture du bassin de la Volga connaît son apogée avec l’Église de Saint-Jean le Baptiste (édifiée entre 1671 et 87), la plus grande de Iaroslavl, avec ses 15 coupoles et plus de 500 fresques. Le parement extérieur en brique, depuis les coupoles jusqu’aux porches surélevés, a été minutieusement travaillé et décoré de carreaux polychromes.

Les églises moscovites du XVIIe siècle offrent elles aussi une ornementation exubérante, mais elles sont de taille bien plus modeste. Au début de ce siècle, les Moscovites privilégient encore les toitures rayonnantes, rappelant la forme d’une tente. Le chef-d’œuvre en ce genre était l’église de la Miraculeuse Assomption d’Ouglitch (1627) : elle présente une succession de trois pavillons coniques, évoquant trois bougies. Cette composition est reprise avec exubérance à l’église Hodeguetria de Vyazma (1638) et à l’Église de la Nativité de Poutinki, à Moscou (1652). Considérant que de telles constructions vont à l'encontre de la tradition byzantine, le patriarche Nikon les dénonce comme hétérodoxes. Il est favorable aux édifices somptueux, tels le Kremlin de Rostov à Rostov Veliki sur le Lac Nero, avec ses cinq églises élancées, sa profusion de tours et ses nombreux palais. Nikon choisit pour sa propre résidence le Monastère de la Nouvelle Jérusalem, dominé par une cathédrale en rotonde, la première de ce genre en Russie. 

Les toitures en pavillons étant désormais prohibées, les architectes moscovite doivent les remplacer par des successions d'arcs en encorbellement, et ce schéma devient le symbole de l’architecture moscovite du XVIIe siècle. Un des premiers spécimens de ce style est la Cathédrale Notre-Dame-de-Kazan (1633–36). Vers la fin du siècle, plus de cent églises de ce style audacieux ont vu le jour à Moscou, et peut-être au moins autant dans la région. Parmi les plus beaux exemples, il y a lieu de citer l’Église Saint-Nicolas de Kolomna, les églises de la Sainte-Trinité de Nikitniki (1653), l’Église Saint-Nicolas de Khamovniki (1682), et la Sainte-Trinité d’Ostankino (1692).

Alors que l’architecture russe sombre dans le decorum, elle commence à s’inspirer du baroque polonais et ukrainien. Les premières églises baroques ne sont que de simples chapelles construites sur les terres de la Famille Narychkine, près de Moscou, d’où le qualificatif de baroque Narychkine pour désigner ce style. Certaines de ces églises sont des tours à étages cubiques et octogonaux superposés (l’église Saint-Sauveur d'Oubory, 1697) ; d’autres présentent une composition en gradins, terminée par un clocher (Église de l'Intercession de Fili, 1695). L’ornementation des styles moscovite et baroque est souvent si exubérante qu'on dirait l’œuvre d'un joailler plutôt que d'un maçon. L’exemple le plus réussi du baroque Narychkine est sans doute l’église de l'assomption de la rue Pokrovka, à Moscou (1696-99, abattue en 1929), avec ses multiples dômes. Son architecte a également assuré la reconstruction « en rouge et blanc » de plusieurs monastères de Moscou, notamment le Couvent Novodevichy et le Monastère de Donskoï.

Tour Menshikov

Le style baroque se répand rapidement en Russie, et se substitue un peu partout aux canons antérieurs. Des négociants en fourrure, les Stroganov, financent la construction des magnifiques édifices baroques de Nijni Novgorod (l’Église de la Nativité, de 1703) et des confins de la toundra (la Cathédrale de la Présentation à Solvytchegodsk, de 1693). Quelques remarquables constructions baroques apparaissent dans les villes plus méridionales dans les premières décennies du XVIIIe siècle. Les églises traditionnelles en bois des charpentiers du Nord de la Russie présentent elles aussi des particularités intéressantes. Assemblées sans clous ni agrafes, elles comptent des structures aussi singulières que l’église de l’Intercession à 24 dômes à Vytegra (1708, entièrement incendiée en 1963) et l’église à 22 dômes de la Transfiguration sur l’île Kidji (1714).

Russie impériale (1712-1917)

En 1712, Pierre Ier de Russie décide de transférer sa capitale de Moscou à Saint-Pétersbourg, ville qu'il entend aménager sur le modèle néerlandais, dans le style baroque. Les plus importantes réalisations architecturales de son règne sont la cathédrale Pierre-et-Paul et le palais Menchikov. Sous le règne des tsarines Anne et Élisabeth, l’architecture russe est emmenée par le style baroque exubérant de Bartolomeo Rastrelli ; les chefs-d'œuvre de cet architecte sont le Palais d'hiver, le Palais Catherine et la Cathédrale de Smolny. Le Baroque du règne d’Élisabeth sont le clocher de Laure de la Trinité-Saint-Serge et la Porte Rouge.

Catherine la Grande renvoie Rastrelli et lui préféère des architectes néoclassiques d’Écosse et d’Italie. Parmi les constructions les plus significatives de son règne, citons le Palais Alexandre (dû à Giacomo Quarenghi) et la cathédrale du Monastère Saint-Alexandre-Nevski (conçue par Ivan Starov). Sous le règne de Catherine, les moscovites Vassili Bajenov et Matvei Kazakov sont les inspirateurs de la renaissance du style gothique russe.

Alexandre Ier de Russie privilégie le style Empire, qui sera de facto le seul style à s'exprimer à cette période, comme on le voit pour la Cathédrale de Kazan, le Palais de l'Amirauté, le Théâtre Bolchoï, Cathédrale Saint-Isaac, et l’Arc de triomphe de Narva à Saint-Pétersbourg. L’influence du style Empire est encore plus forte à Moscou, où il faut reconstruire les milliers de maisons incendiées lors de l’invasion de 1812.

Palais d'Hiver

Dans les années 1830, Nicolas Ier libère l'expression architecturale, ouvrant la voie aux premières manifestations de l'éclectisme. Constantin Thon recherche pour ses églises son inspiration dans les édifices russo-byzantins (Cathédrale du Christ-Sauveur, 1832–1883), et ainsi donne le ton pour l'architecture chrétienne ultérieure ; pour les constructions civiles, il s'est inscrit dans la tradition Renaissance, comme on le voit au Grand Palais du Kremlin (1838–49) et au Palais des Armures (1844–1851). Les règnes postérieurs d’Alexandre II et d’Alexandre III voient la renaissance d'un style russo-byzantin dans l’architecture religieuse, tandis que l’architecture civile emboîte le pas aux autre nations européennes, adeptes de l’éclectisme ; elle évoque l'émergence des sentiments nationalistes et la réhabilitation d'un folklore national, réel ou fantasmé.

Pendant une brève période, de 1895 à 1905, l’architecture russe s'entiche de l’Art nouveau, très présent à Moscou.

La révolution d'Octobre et l'ère constructiviste (1917-1932)

Dans les années qui suivent la Révolution, les architectes dénoncent l'héritage bourgeois et adoptent un parti-pris formaliste. On dessine les plans fonctionnels de grandes villes industrielles de la technique future. Le projet le plus ambitieux de cette période aura été la Tour Tatline, conçue en 1919 par Vladimir Tatline (1885–1953) : il s'agit d'une spirale de 400 m, s'enroulant autour d'un axe incliné comportant des galeries translucides mobiles. Projet largement chimérique, cette Tour Tatline inspira toute une génération d’architectes constructiviste, en Russie et ailleurs. La Tour Choukhov, dominant Moscou du haut de ses 160 m, est achevée en 1922.

Une des priorités de la période des Soviets est la reconstruction des villes. En 1918 Alexeï Chtchoussev (1873–1949) et Ivan Joltovsky créent l'Atelier d'Architecture du Mossovet (Conseil municipal de Moscou), où s'élaborent les plans de la nouvelle Moscou, désormais capitale des Soviets. Les jeunes architectes de cet atelier s'imposent ensuite comme des chefs de file de l'avant-garde. À la même époque, l'enseignement de l’architecture, exclusivement dispensée à la Vkhoutemas, se déchire entre « néos » et « modernistes ».

Le Club de l'Usine de Caoutchouc, Moscou

Sous l'impulsion de l’architecte néoclassique Ivan Fomine (1872–1936), l'urbanisme et la formation à l'architecture connaissent un tournant identique à Petrograd (ex Saint-Pétersbourg) dès 1919. Les autres grandes villes leur emboîtent le pas, ce qui a pour conséquence un bouleversement de l'urbanisme des villes historiques de Russie. C'est à Petrograd que voient le jour les modèles urbains. La ville est désormais considérée comme un lacis de grands boulevards, dominés par des immeubles cyclopéens, et privilégiant le logement des ouvriers avec le chauffage et l'eau courante. Le premier immeuble d'habitation de ce type est inauguré en 1923, et donne le signal de départ de la construction de grands ensembles en 1925-1929.

Mais le plus célèbre monument de la période est le Mausolée de Lénine d’Alexeï Chtchoussev. Conçu à l'origine comme un simple chalet de bois surmonté d'une pyramide, avec deux ailes (pour l'entrée et la sortie), on le reconstruit en pierre en 1930. La combinaison de labradorite brune et noire souligne son élancement et la finesse de ses lignes.

L’essor rapide des technologies ainsi que les progrès dans la science des matériaux ont leur part dans l'évolution du constructivisme. Certains groupes créatifs jouent un rôle considérable dans l'expression architecturale de la Russie des années 1920 : parmi ceux-là, l'Association des Nouveaux Architectes, formée en 1923, qui recherche une synthèse de l'art, l'architecture devenant une extension de la sculpture. Les bâtiments doivent servir de points d'orientation aux hommes. Ils conçoivent les premiers gratte-ciel de Moscou, sans toutefois qu’aucun atteigne le stade de la construction au cours de cette période (1923–1926).

Mais la Russie révolutionnaire crée aussi un nouveau type d'institution : les Palais des Travailleurs et les Palais de la Culture, qui donnent aux architectes un champ d'expression nouveau, où ils rivalisent dans la combinaison de grands volumes avec des motifs évoquant le machinisme et la production industrielle. Le plus célèbre est sans doute le Club Zouev (1927–29) construit à Moscou par Ilya Golossov (1883–1945), et dont la composition s'appuie sur un contraste entre des surfaces vitrées de forme simple, parallélépipédiques et cylindriques, et les angles vifs de la façade.

Immeuble du Club Zouev

L’expression symbolique dans la construction est l’un des principaux traits des œuvres de Constantin Melnikov (1890–1974), notamment le Club Roussakov (1927–1929) de Moscou. L'immeuble prend l'aspect d'un engrenage ; chacun des trois balcons de béton en encorbellement du grand auditorium évoque une dent d'engrenage. La précision de cette composition et la convertibilité de l’espace intérieur en font l'un des plus importants exemples d’architecture soviétique.

La guerre froide

L’Architecture stalinienne, comme l'architecture nazie chérit la monumentalité d'inspiration conservatrice. Tout au long des années 1930, l'URSS connaît une urbanisation rapide en application des politiques staliniennes.

Après 1945, non content de rebâtir les villes détruites au cours de la Deuxième Guerre mondiale, l'Union Soviétique se lance dans une politique de prestige et entreprend la construction de sept gratte-ciels, à des emplacements symboliques de la région de Moscou, afin de rivaliser avec les constructions américaines. L'Université de Moscou (1948–1953), par Lev Roudnev et associés, est remarquable pour l’utilisation de l'espace. Autre exemple, le Palais des Expositions de Moscou, en 1954. Il s'agit d'une succession de pavillons, chacun d'un style différent. Les stations des Métro de Moscou et de Saint-Pétersbourg, construites dans les années 1940 et 1950, sont célèbres par leur conception extravagante et leur decorum convenu. D'une manière générale, l’architecture stalinienne a bouleversé l'aspect des villes russes et ukrainiennes de l'après-guerre, et elle continue d'imprimer sa marque en Russie par ses avenues démesurées et ses édifices publics cyclopéens.

À la mort de Staline, en 1953, le virage social et politique bouleverse le pays, et les priorités de construction et d'architecture en sont naturellement affectées. En 1955 Nikita Khrouchtchev, confronté au retard des constructions de logements, appelle à des mesures draconiennes pour forcer l'allure. Elles consistent à promouvoir la production de masse et à faire l'économie de l'ornement de la période précédente.

Université de Moscou

Ces mesures sonnent le glas de l'architecture stalinienne ; mais la transition est lente. Néanmoins, alors que la géométrie des immeubles évolue vers des formes cubiques dépouillées, leur architecture donne naissance à un style nouveau, inspiré par la conquête de l'espace : la fonctionnalité. Le Palais d'État du Kremlin rappelle les efforts des architectes pour faire évoluer leurs plans au rythme des changements de la politique étatiste. La Tour Ostankino, œuvre de Nikolaï Nikitine, symbolise le progrès.

Outre les immeubles aux formes dépouillées, les années 1960 sont marquées par la politique du logement. Les architectes imaginent un immeuble-type à cinq étages, qu'on peut construire à partir de panneaux de béton préfabriqués. Ces Pyatietajki deviennent le module habitable des cités urbaines russes. Construits à la va-vite, ils sont d'une qualité nettement inférieure aux immeubles de la période stalinienne ; leur aspect gris et répétitif donne aux villes d'Union Soviétique leur allure rébarbative et déprimante.

Au début des années 1970, Leonid Brejnev donne davantage de liberté aux architectes et bientôt, la variété des édifices s'en ressent : les îlots d'immeubles gagnent en hauteur et s'ornent de couleurs variées ; le recours aux mosaïques sur les refends devient la marque de fabrique de l'époque. Dans la plupart des cas, ces immeubles font partie de grands ensembles. L'architecture des édifices publics s'inspire de thèmes multiples. Certains d'entre eux (comme la « Maison blanche de Moscou ») sont des clins d’œil à l'architecture des années 1950, avec leur façade en marbre blanc et les bas-reliefs couvrant les refends latéraux.

Depuis la Perestroïka

Depuis la dislocation de l'URSS, plusieurs projets ont été suspendus, et certains tout simplement abandonnés. L'État n'exerce plus de contrôle sur l'architecture des édifices. La concentration croissante du capital et le retour des investissements internationaux en Russie ont provoqué un boum architectural. Les investisseurs amènent avec eux les méthodes modernes de construction ; on peut se faire une idée du résultat avec le nouveau centre d'affaires de Moscou, Moskva-City. Dans certains cas, les architectes reprennent les recettes de l’architecture stalinienne, comme avec le Triumph-Palace de Moscou.

D'après Wikipédia