Jacques-André Boiffard, expériences surréalistes

Publié le 12 novembre 2014 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Pour la rentrée de la photo 2014, le Centre Pompidou ouvre un tout nouvel espace dédié à la photographie; pour l’inauguration, la galerie invite l’art surréaliste, avec le photographe Jacques-André Boiffard.  

J.-A. Boiffard – René Jacobi

L’ouverture d’une galerie de photographie est un long overdue pour Beaubourg. Avec près de 40 000 épreuves photo, le musée était loin du compte avec ses quelques 300 à 400 clichés exposés dans les collections permanentes. Pour y remédier, le musée ouvre un espace de 200 mètres carrés, et introduit un cycle de trois expositions par an, afin de mettre en valeur le patrimoine en sa possession. Expo contemporaines, transversales, ou historiques, il y en a aura pour tous les goûts, et toutes les couleurs !

J.-A. Boiffard – Autoportrait dans un photomaton.

Jacques-André Boiffard est peu connu du grand public. Artiste dans l’ombre de Man Ray ou de Breton, ses contemporains, il s’implique pourtant dès le tout début du mouvement surréaliste, et fait « acte de surréalisme absolu » en octobre 1924. Cependant, il sera expulsé quelques années et quelques projets plus tard, par Breton, qui lui reprochera son manque d’implication dans l’écriture. Boiffard travaillera alors à son compte, comme photographe professionnel. Plus tard encore, il sera très lié à la pensée de Georges Bataille. En 1935, il reprend ses études de médecine, et cela signe la fin de son aventure surréaliste.

J.-A. Boiffard – Pied et main serrés

Boiffard aura une carrière fulgurante : courte, elle couvre pourtant un panel de réalisations photographiques très varié : on passe de productions aussi diverses que celles issues du studio de Man Ray, à des affiches pour le Musée de l’Homme, des vanités, ou même des clichés scientifiques. L’exposition s’attache à restituer un panorama exhaustif des essais de ce photographe discret, qui ne cherchait pas à mettre son identité en avant. Les clichés qu’il réalise sont pour la plupart sans froufrous, efficaces, dans la lignée de Man Ray en somme, avec qui il avait fait ses débuts.

J.-A. Boiffard – Masque de carnaval [porté par Pierre Prévert]

Cependant tout se fait dans un esprit surréaliste : que la retenue du photographe ne nous trompe pas, il y a derrière chaque oeuvre un fond, une teneur toute particulière qui se cache. Le sens est très profond chez Boiffard, tout comme la croyance est tenace. Les célèbres clichés des mouches ou des orteils, prosaïques, sont l’expression de son opposition au mouvement de Breton, jugé trop idéaliste. Les objets courants sont des références surréalistes, dont la forme et le fond ont été détournés.

J.-A. Boiffard – Prêtre marchant sur le pont Alexandre III

Les plus beaux clichés sont probablement ceux de la ville de Paris, ceux d’un second essai avec le film Souvenir de Paris dirigé entre autre par Prévert, après une tentative un peu trop sèche réalisée pour l’édition de Nadja. Boiffard délivre une capitale pittoresque avec sensibilité et délicatesse, amour et même presque humour parfois ; il parvient alors à nous transmettre cette émotion tendre. 

J.-A. Boiffard – Photogramme

La toute dernière section de l’exposition, qui peut paraître difficile d’appréhension, sort également subtilement son épingle du jeu : on nous rétroprojette les images réalisées par le photographe lors de sa thèse doctorale en sciences médicales. Il s’agit donc d’imagerie cellulaire, quelque chose de peu littéraire, de peu lyrique, mais qui pourtant arrive à trouver sa place au sein de l’oeuvre de l’artiste et de ce qu’on nous a montré de lui : l’importance qu’il attache au sens, l’esthétique qu’il voit dans les choses simples, le coup d’oeil photographique. Ces photos, qui, a priori, n’ont rien à voir avec la carrière de Boiffard, prennent un tout autre sens, à la lumière de ce travail, et on arrive à les apprécier en tant qu’oeuvre, tout autant que le reste. C’est un joli pari, dans un monde qui tente de solidariser sciences dures et art. 

J.-A. Boiffard – Photomontage avec l’empreinte d’une main et la tête de la Marseillaise de Jean-François Rude

La muséographie s’accorde avec harmonie à l’artiste : sobre, sans artifice, claire, elle nous laisse dans une atmosphère d’épuration agréable, qui sied bien au personnage, et à l’exposition finalement.

J.-A. Boiffard – Papier collant et mouches

Choix difficile, que celui de présenter un photographe peu grand public, pour l’inauguration d’un nouvel espace, en plein mois de la photo à Paris : mais défi accepté par le Centre Pompidou, qui s’appui en majeure partie sur ses collections propres pour en tirer le meilleur profit, et sortir de l’ombre un artiste qui mérite la lumière. 

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« Jacques André Boiffard, La Parenthèse Surréaliste »
Centre Pompidou – Galerie de photographies
Jusqu’au 2 février 2015, de 11h à 21h
Accès libre.
Plus d’informations ici.

 


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