Dans le grand cercle du monde

Publié le 28 novembre 2014 par Urobepi

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous mais quand je vais au cinéma, il m’arrive d’oublier un film dès l’instant où je pose le pied hors de la salle. Le lendemain, je serai même embêté d’en résumer l’intrigue. Parfois c’est l’inverse. Les images ou l’atmosphère d’un film peuvent m’habiter durant des mois, voire des années. Et non je ne vous parlerai pas ici de 2001: L’odyssée de l’espace (que, soit dit en passant, j’ai vu en version « Cinérama » à l’Impérial à sa sortie en 1968). Fermons la parenthèse et n’insistez pas; déjà que c’est loin de me rajeunir…

Non, je fais ce détour pour avancer que les livres me font exactement le même effet. Plusieurs, peut-être une majorité, retournent au néant sitôt la dernière page tournée. D’autres, en revanche, creusent un sillon plus ou moins profond, plus ou moins permanent, dans ma mémoire.

Dans certains cas, il m’est assez facile de déterminer à l’avance le potentiel de survie d’un titre. Dès les premières lignes de La route de Cormac McCarty, je savais que ce  roman me hanterais longtemps. À l’inverse, de temps à autres, un ouvrage que je voyais naturellement retourner à l’oubli s’accroche et continue à m’habiter.

Ce qui m’amène à vous parler du roman de Joseph Boyden. Pas que l’écriture en soit remarquable. Côté intrigue, ce serait même un peu longuet. Éditeur, j’aurais sûrement conseillé de resserrer un peu. Mais voilà, je ne le suis pas (éditeur). Et, donc, le roman est ce qu’il est, avec ses défauts mais également ses indiscutables qualités. D’abord celle d’une description saisissante du quotidien au sein des tribus amérindiennes à l’époque de la colonie française. Dieu que la vie y était rude.

Le roman débute sur une échauffourée meurtrière: des guerriers hurons wendats massacrant un groupe de Haudenosaunees (iroquois) et repartant à leur campement avec une seule captive: une jeune fille dont ils ont égorgé les parents. Oiseau, le chef de la bande l’adoptera. Comme c’est sympathique. Un prêtre est également de l’expédition. On dit un « corbeau » en référence à sa soutane noire.

La vie au campement nous est décrite par le point de vue croisé de ces trois principaux protagonistes. Une existence dure et frugale où la crainte d’une attaque d’un clan adverse est constamment présente. Et, dans ce cas, malheur à celui qui tombe vivant aux mains de l’ennemi. On s’amuse à le « caresser » des jours durant avant de lui permettre enfin de mourir. Normalement, je fuis plutôt ce genre de description. Ça n’est pas du tout, mais alors là pas du tout ma tasse de thé. Pourtant cette fois-ci j’ai été comme tétanisé, incapable d’arrêter ma lecture malgré l’accumulation de scènes d’une violence inouïe, parce qu’il fallait absolument que je connaisse la suite de l’histoire. Vous dire, j’en ai fait des cauchemars. Ça me rappelle un peu le malaise que j’ai ressenti à lecture du roman de Jean Teulé: Moi, François Villon. Très fort également.

Le livre de Boyden fait aussi vaguement écho à une autre œuvre qui portait également sur cette période historique, le roman Robe Noire de Brian Moore. Ce dernier avait fait sensation à l’époque et avait même été porté au cinéma, avec un succès relatif il faut dire, par Bruce Beresford. J’avais préféré le roman.

Quant à celui-ci, vous êtes prévenus. Cœurs sensibles, s’abstenir…

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BOYDEN, Joseph. Dans le grand cercle du monde.  Paris: Albin Michel, 2014, 598 p. [Traduit de l’anglais (Canada) par Michel Lederer]. ISBN 9782221140451

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Ces Blogs ont également commenté le roman: Livre et compagnie; The cannibal lecteur; Les chroniques acides de Lord Arsenik; Lettres Express; Au café littéraire de Céline; Clara et les mots; La petite marchande de prose;

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