French teaching

Publié le 28 novembre 2014 par Pomdepin @pom2pin

Je ne parle pas souvent de mon boulot, en tout cas pas directement. J’enseigne le français langue étrangère en primaire, à des petits anglais de 4 à 11 ans. Je suis prof indépendante, pas fonctionnaire. Si j’ai un avis sur le système éducatif anglais par rapport au français (enfin, celui de mes souvenirs d’écolière, il y a trente ans et plus!), c’est comme parent d’élèves, par rapport à mes enfants. Mais lundi, une inspectrice est venue m’évaluer en cours (je n’étais pas stressée du tout, je n’ai rien pu avaler au déjeuner!) . Elle m’a appris que j’avais un style d’enseignement français. Nous voilà bien. Je ne savais même pas que ça existait.


(souce photo)

Elle a trouvé que j’avais un sens de la discipline très différent du système anglais. Ah. Pour ramener le calme dans une classe, elle conseille une petite chanson « one two three quiet please » . Évidement, mon approche est plus directe, je tapote sur le tableau jusqu’à ce que le silence se fasse et je dis merci (en français). Ça prend moins de 5 secondes et ça marche, alors qu’elle m’a avoué que sa petite ritournelle mettait plusieurs minutes à calmer les enfants. Elle était émerveillée qu’ils m’écoutent et qu’ils n’aient pas l’air plus traumatisés que ça.

Pareil pour les récompenses, elle n’en revenait pas. Je ne donne pas de stickers par pelletées de 20 à chaque fois qu’un gamin arrive à sortir un mot en français. Je dis juste « très bien » (en français). Comment, les élèves n’ont pas besoin d’une vague gommette au sourire grimaçant sur leur pull ou d’une étoile brillante sur leur cahier pour travailler? Ben non. Les enfants ne sont pas idiots et je ne crois pas qu’ils soient dupes de ce système de récompenses automatiques qui ne représentent plus rien. Je préfère considérer qu’ils sont intelligents et que si je leur demande de me respecter, il faut que ce soit réciproque. Donc, non, je ne m’extasie pas quand un gamin arrête de baver dans l’oreille de son voisin, et je ne lui donne certainement pas de certificat de mérite pour ça. Il faut cesser de prendre les enfants pour des imbéciles.

Mes élèves savent que je ne tolère pas que quelqu’un d’autre que moi fasse le guignol en cours (sauf quand ça fait partie de l’exercice). Parce que je suis peut être stricte dans ce que je leur demande, mais je fais souvent le clown. Je passe tous mes cours debout à sautiller, faire des grimaces, mimer des tas de trucs en me ridiculisant (lundi, c’était un cours sur les animaux, j’ai donc fait le lapin, l’escargot, la vache, le mouton…). Les enfants étaient hilares. Pour les exercices écrits, je passe derrière eux tout le temps, je m’accroupie à leur niveau pour discuter individuellement, réexpliquer ou sortir mon fameux « très bien ». Je fais des kilomètres autour des tables, mais les enfants eux, restent assis. Ils sont persuadés que je ne suis pas tout à fait normale (mon imitation du mouton en train de se faire tondre y est pour beaucoup), mais ils adorent les cours de français, it’s fun!

Les méthodes lénifiantes conseillées par mon inspectrice me dérangent beaucoup. A force de récompenser tout et n’importe quoi, le système britannique décourage les bons élèves et ceux qui veulent progresser: pourquoi se fatiguer à travailler, alors qu’il suffit de faire le bazar puis d’arrêter 5 minutes pour être félicité? Cela dit, mon inspectrice est un peu dépassée aussi, les anglais commencent à changer pour un juste milieu : on récompense et encourage en se focalisant sur le positif, mais tout en demandant des efforts et une certaine discipline.

Je vais continuer à faire au feeling, en tapotant mon tableau d’un côté et en faisant le sémaphore sur une jambe en tirant la langue de l’autre pour les faire rire. Il y a pire que moi, pourtant la seule française de service. L’instit de Year 6 (les plus grands) est très strict mais il a fini à l’infirmerie: pour rendre plus crédible un cours sur la première guerre mondiale, il s’est fait un pansement autour de la tête avec du gros scotch. Comme il n’arrivait plus à le décoller, il l’a attaqué aux ciseaux et a manqué de se trancher une oreille. Ses élèves l’adorent, se tiennent bien, bossent comme des fous et ont d’excellent résultats aux examens. Ce n’est peut être pas très scientifique comme méthode d’enseignement, mais il parait qu’on est en avance sur le programme, et toc!