« Le Sel de la Terre », ou un voyage dans le regard de Salgado

Publié le 26 novembre 2014 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Sur JBMT, on vous a parlé il y a quelques jours du nouveau film de Wim Wenders sur le photographe Sebastiao Salgado (ici). Mais on a voulu aussi attirer votre attention sur quelque chose dont on ne parle pas toujours forcément : la réception du film vis-à-vis de la presse et du public. Passage en revue.

© Sebastiao Salgado

Avant d’aller voir « Le Sel de la Terre », voici les critiques auxquelles ont droit les lecteurs d’Allociné :

« L’ être humain, lui, pourtant gratifié au départ de la métaphore du titre, est plus ou moins évacué au profit d’une conclusion New Age: les arbres valent décidément mieux que nous. » in Les cahiers du cinéma

« Cette absence d’aspérités accentue l’embarras qu’on peut ressentir vis-à-vis d’un film saturé d’affects et hagiographiques. » in Le monde

« Wim Wenders évite soigneusement tout ce qui pourrait fâcher. Il reste jusqu’au bout admiratif, fraternel et hagiographe. » in Télérama

Malgré son prix spécial au festival de Cannes, ce documentaire issu de la collaboration de Juliano Ribeiro Salgado et Wim Wenders fait moins l’unanimité dans la presse qu’auprès du public. Et pourquoi un tel scepticisme de la part des médias alors qu’Allociné affiche la quasi-pleine satisfaction du commun des mortels ?

© Sebastiao Salgado

Une fois de plus, j’aimerais souligner ce que je considère comme un tort de la part de nos « belles plumes de la presse »: la critique ne doit être formulée que dans la prise en compte du projet du créateur. Les critiques ci-dessus évitent soigneusement cette étape.

Ici, les créateurs sont : Wim Wenders, un admirateur anonyme de Salgado, et son fils, un admirateur affirmé de son père, cet « aventurier ». Alors que tout ceux qui s’attendent à un regard objectif sur son œuvre renoncent : résolument créé sur la base de l’admiration, ce film sera nécessairement élogieux.
Le négatif « hagiographique » est un terme récurrent de ces critiques. Or, dépeindre Salgado en saint, en sauveur ou en quelconque héros moderne n’est en rien un faux-pas des réalisateurs, mais un parti pris. Qu’on y adhère ou non, on ne doit pas oublier que derrière les caméras se cachent des hommes, ni que l’espoir incarné par les héros n’a jamais fait de tort, bien au contraire.

© Sebastiao Salgado

Certaines critiques parlent aussi d’un coup de pub, ou d’une opération commerciale visant à vendre toujours plus les ouvrages monstrueusement fournis de Salgado. Il y en a qui parlent d’un discours tragique poussé à l’extrême, d’un « pathos » omniprésent et dérangeant et d’autres qui sont gênés de la trop grande littéralité du documentaire.

Mais enfin ? Qu’est-ce donc que ce faux documentaire-publicité-propagande ? Et pourquoi cela vaudrait-il la peine que, toi, lecteur, tu ailles le voir avant que la petite dizaine de salles de cinéma françaises cessent de le projeter ?

© Sebastiao Salgado

Comme nous l’avons montré dans un article précédent, l’oeuvre de Sebastiao Salgado vaut d’être vue, revue, et soutenue. Elle est dérangeante : elle esthétise des choses ignobles, certes, mais avant tout, elle les montre. Et l’émotion ne découle pas, selon moi, des réalisateurs et de leur pouvoir de manipulateur d’images, mais de ce diaporama continu qui nous est proposé.

Ce documentaire est un voyage : un voyage dans le temps, au cours duquel on traverse les plus grandes étapes de ce périple de tout une vie, depuis les premiers engagements de Salgado. Devant la force de ses images, Wim Wenders parle « d’un aventurier humaniste ». Et je n’y vois aucune exagération.

© Sebastiao Salgado

Salgado parle de sa vie, dans un cadre familier : une image en noir et blanc. La mise en scène est humble, et lui humain. Il commente ce que lui a vécu derrière l’objectif. Mais évidemment, certains refusent de croire à l’authenticité du discours, que seules l’improvisation ou la prise unique pourraient garantir.

Pour apprécier ce que vous voyez,oubliez la méthode, parce que le cinéma, aussi documentaire soit-il, a droit de créer une aura, un mystère. C’est ici son rôle. Et l’homme devant la caméra se révèle être un excellent conteur, mais aussi, un être objectivement surprenant.

© Sebastiao Salgado

Le « Sel de la Terre » désigne l’Homme selon Salgado : destructeur, agressif , qui irrite, et omniprésent, à la surface de la planète bleue, parce qu’indispensable à la vie et à la conservation. Enfin, et surtout, un ingrédient qui rend malade, à outrance, mais qui justement dosé, donne toute sa saveur aux choses.

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A lire aussi : Salgado à Paris sur JBMT.
Pour les infos sur le film, on vous renvoie à notre précédent article.


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