Aux pieds des Annapurnas

Par Annsuffit

Le Népal était dans la préparation du voyage une destination montagne incluant un trek dans l’Himalaya. Un problème de cheville m’handicapant depuis plusieurs mois, nous sommes arrivés à Kathmandu en projetant de trouver d’autres activités, yoga, rafting…Mais, au fur et à mesure des rencontres, en voyant au loin les pics enneigés, d’abord depuis l’avion puis depuis Dulikhel, l’envie de cotoyer les sommets était forte.

Dans ce village nous avons rencontré Prem Lama, un guide Népalais tenant la Tasheedalek Guest House (vue imprenable sur la chaîne Himalayenne). Nous voyant tous deux grands fans de montagne, il nous a conseillé de faire un « petit tour » aux pieds des Annapurnas à un rythme dicté par ma cheville. Le Ghorepani Circuit nous attendait : quatre à six jours  avec un itinéraire modifiable.

Suite aux conseils de Prem, écoutant nos cœurs, notre motivation et ma raison, nous sommes donc allés faire nos permis de trek dans les bureaux de la capitale. La somme étant assez élevée, je pense ce jour là avoir prié tous les dieux et fais des vœux à chaques drapeaux de prière pour que ma cheville ne me joue pas un mauvais tour.

Le lendemain, nous avons pris un bus pour Pokhara, ville étape aux pieds des Annapurnas, avec Mary et Loulou, deux routards rencontrés devant l’ambassade d’Inde avec qui nous avons sympathisé ; si bien que nous ne nous sommes plus quittés ! Même guest house à Pokhara, partage du taxi pour le lieu de départ de nombreux trek des environs et début de la marche ensemble. Nos projets n’étant pas les mêmes, nos allures non plus, nous pensions vite nous séparer, puis chemin faisant nous avons marché dix jours ensemble jusqu’au camp de base de l’Annapurna via Poon Hill.

De Pokhara à Nayapul :
Nous voulions commencer le trek tôt pour ne pas être accablés par la chaleur. Le bus local partant trop tard, nous avons partagé un taxi. Réservé la veille à la guest house, le taxi était en fait une voiture conduite par un ami du patron (normal ! Pourquoi suis-je encore étonnée ?).
A peine en route, nous sommes tombés en panne à deux mètres (réellement) de l’hôtel. Crevaison ! Nous n’avons jamais vu quelqu’un changer une roue aussi vite. Juste le temps de sortir l’appareil photo, de se griller une clope pour d’autres et hop on était reparti. La route entre Pokhara et Nayapul possède des portions plutôt scabreuses, nous mettrons une heure trente pour moins de quarante kilomètres.

De Nayapul à Ulleri : (1070m à 1960m en 6h)
La marche commence dans le village. Les habitants, habitués à voir des touristes, indiquent volontiers le chemin. Nous passons les bureaux qui vérifient nos droits d’entrée et après quelques kilomètres nous trouvons peu à peu un rythme de marche. Sur le chemin, nous croisons nos premières « caravanes » de mules et les fameux porteurs : ces hommes ravitaillent les villages de montagne en portant de lourdes charges grâce à un système de sangles au niveau du front. Croyez moi ça paraît lourd.

En fin de matinée, nous avons eu un autre compagnon de route : Alex, un foufou dingue en sueur portant plus de vingt kilos, ayant lâché cinq kilos de livres au premier kilomètre, n’ayant pas prévu de vêtements contre la pluie en cette saison incertaine, mais sociable au possible et amateur de cartes.

Après six heures de marche, entre-coupées d’un déjeuner et de nombreuses haltes nous arrivons au village d’Ulleri. La première guest house nous propose une chambre sommaire à 600 roupies. Nous continuons alors à monter les marches jusqu’en haut du village et là surprise une femme nous accueille chaleureusement, la chambre est gratuite si nous mangeons chez elle. Deal !
Tout au long du trek, mis à part au camp de base, nous ne paierons pas le gîte, uniquement le couvert.

De Ulleri à Ghorepani : (1960m à 2860m en 4h30)
Au petit matin, la chambre offre une vue splendide sur la vallée que nous avons grimpé la veille et sur le haut du Machhapuchhre enneigé. Ce sommet n’a jamais été gravit malgré de nombreuses tentatives et beaucoup de disparus. Il est désormais interdit et reste l’un des rares sommets non vaincus de la chaîne.
Après un riz frit et un porridge partagés à deux (qui sera notre petit déjeuner attitré) à 7h30 la marche peut démarrer.
Très peu de courbatures grâce aux étirements et à la bière de la vieille: c’est parfait !
Ce jour là, beaucoup d’escaliers et quand on pense arriver au village c’est toujours plus loin que le panorama vous attend. Nous ferons halte à l’Annapurna Guest House tenue par trois générations de femmes très charmantes et souriantes. Devi « la Maman » qui parle quelques mots de français à toujours un air rieur extrêmement communicatif.


Le village de Ghorepani est aux pieds du Mont Poon Hill. L’intérêt est d’y grimper pour admirer le panorama au levé ou couché du soleil. Après notre arrivée, le déjeuner à peine terminé, les nuages se sont faits de plus en plus denses, des gouttes de pluie se sont mises à tomber. C’est loupé pour le couché du soleil, il faudra se lever tôt le lendemain.
La pluie tombera sans cesse toute la journée puis toute la nuit. A la sonnerie du réveil à 4h30 il pleuvait encore. Nous ouvrons un œil, regardons par la fenêtre, flemmards nous nous rendormons. A 5h, nous sommes réveillés par nos voisins et les frontales dans les rues. Ni une ni deux nous nous motivons et dix minutes plus tard nous sommes sur le chemin !

Par chance le temps s’est éclaircit, une heure après nous étions au sommet de Poon Hill à 3200m  pour le levé du soleil. Il y fait froid, des nuages cachent encore les plus hautes montagnes mais l’effort en valait la peine.
Après l’aller-retour au sommet, le petit déjeuner nous attendait mais au moment de reprendre la route ma cheville a fait des siennes nous obligeant à rester sur place et à me reposer pour le reste de la journée. Nos compagnons de route ont été solidaires et sont restés. Au programme tarot, rami et yam’s.

De Ghorepani à Tadapani : (2860m à 2630m via Deureli pass à 3090m en 4h)
Nous étions quasi seuls sur le début de cette étape (la plupart faisant l’aller/retour à Poon Hill le même jour) et avons eu une chance incroyable d’apercevoir le panorama à Deureli pass. Le temps de prendre une photo, d’ouvrir grand les yeux, de s’émerveiller de nouveau et hop les nuages ont fait leur apparition. La pluie viendra comme à son habitude après le déjeuner. C’est pourquoi nous nous sommes arrêtés à Tadapani.
Nous avons dépassé la bifurcation de l‘itinéraire « raisonnable » de départ. Nous ne pensions pas arriver jusque là, mais maintenant que nous y sommes …

De Tadapani à Sinuwa : (2630 à 2360m en 6h)
Beaucoup de marches, une étape assez longue mais quasi toute en descente, on vénère nos bâtons !

Sinuwa à Deurali : ( 2360m à 3230m en 4h 30)
Environ 1000m de dénivelé après 6 jours de marche, nous avons de l’endurance, cela se fait facilement. Certaines portions sont assez longues sans croiser de boutique pour le ravitaillement en eau. On opte pour celle de la rivière avec tablettes micorpur et pour l‘eau bouillie filtrée par les gens des villages. C’est moins cher que les bouteilles en plastique et surtout ca fait moins de déchets à évacuer.

Deurali au camp de base de l’Annapurna : (3230 à 4130m en 4h)
Dernière montée, dernier effort avant une vue… cachée par les nuages. Evidemment comme tous les après midi depuis le départi. En soirée, certains sommets se sont laissés contempler ; permettant  d’imaginer leurs hauteurs et nous laissant impatients de nous réveiller tôt le lendemain matin.

Le ciel étoilé présageait un temps dégagé ; fait et dit une vue imprenable à 360° !
Mon premier 4.000 me laissera un souvenir gravé à jamais, celui auquel je repenserai à 70 ans quand je bosserai encore parce que je ne cotise pas cette année ! C’était magique.  Des sommets plus hauts les uns que les autres et si proches, des glaciers s’écoulant en cascade à quelques mètres, une moraine tellement large qu’on imagine les quantités de neige accumulées en hiver ainsi que l’impact de la fonte des neiges sur les vallées. L’Himalaya nous y sommes….L’émotion est au rendez-vous. Nous sommes restés longtemps à contempler cette nature vertigineuse où l’on se sent infinimement petit, mais le froid faisant et l’heure tournant, nous avons pris la direction du retour.

Le chemin de la vallée à duré trois jours :
Annapurna base camp/Sinuwa en sept heures,Sinuwa/Hymalpani en cinq heures, Hymalpani/Syauli bazar en trois heures.

Au deuxième jour nous nous sommes trompés de chemin et avons atterri à Hymalpani. Une guest house , son restaurant/boutique et son étable étant le village. Les gérants étaient  si sympathiques que nous y sommes restés pour le déjeuner, puis le dîner et pour la nuit. Ils avaient en plus, pour  réjouir  nos papilles, une excellente cuisine et du fromage de yak.

Le jour du départ, nous avons été accompagnés par « mamie » et une de ses filles qui se rendaient elles aussi à Pokhara. Nous avons pris les « petits sentiers » dans les buissons, scrutés par les sangsues,  certaines m’ont eue ! Nous avons bien rit et partagé des moments inoubliables.

Le rêve a pris fin à l’arrivée en ville : les voitures, la cohue, les klaxons, les vaches sur la route mâchant les ordures, la mendicité, les magasins souvenirs et leurs lots d’escroqueries…
Après une douche bien méritée suite à cinq jours de toilette partielle, voire semi-partielle, nous avons longuement reparlé de notre escapade montagneuse, et aujourd’hui ce sont des étoiles plein les yeux que j’écris en y repensant.

Publié par Jess