Benoît Biteau: pour un changement agricole radical

Publié le 10 décembre 2014 par Blanchemanche
#agriculturepaysanne #bio

Benoît Biteau a réintroduit la prairie sur son exploitation et zéro chimie, quand elle pèse jusqu'à 60% du budget de fonctionnement d'une exploitation classique. Une aberration économique selon lui. Photo I. D.

par Ivan Drapeau

http://www.charentelibre.fr/2011/02/16/pour-un-changement-agricole-radical,1021764.php

Ce matin à Paris, il rencontre le nouveau président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Xavier Beulin, modèle type de l'agriculture industrielle triomphante, son exact contraire. Mardi prochain, il sera auSalon de l'agriculture pour la journée des régions et la remise du trophée de l'agriculture durable qu'il a remporté en 2009. Ce vendredi à Poitiers, il assistera à la commission permanente du conseil régional où il siège aux côtés de Ségolène Royal depuis un an.Benoît Biteau vit à cent à l'heure, porté par sa passion, la terre. Il est à la tête d'une exploitation de 180 hectares à Sablonceaux, près de Saujon: 180 hectares en culture bio (orge, pois blé, lentilles, etc.) «zéro chimie». «Quand je me suis installé en 2006, mon père me disait: ''pas de traitement, pas de récolte''. L'été suivant, je l'ai prié de faire la moisson de l'orge de brasserie. Vu le rendement, il a depuis reconsidéré son a priori. C'est mon plus beau succès.»Moustache à la José Bové, cheveux jais attachés en catogan, allergique au costume cravate, Benoît Biteau n'aura pas eu besoin d'une année de mandat pour se faire entendre au conseil régional. Sa voix porte dès qu'il est question d'agriculture, irrigation, élevage, lait, circuits courts. L'opposition ne s'y frotte pas. Il a de l'épaisseur. Fils et petit-fils d'agriculteur, 43 ans, il a vécu plusieurs vies. Ses racines plongent loin. «Dans l'agronomie, celle du bon sens paysan, forgée par des siècles de savoir-faire, que les deux dernières générations ont remplacée par la technique et la chimie.»«Ils sont lobotomisés!»Armé de deux BTS agricoles, il a été jeune directeur d'un bureau d'études en irrigation et drainage puis, au sein d'une coopérative, technicien chargé de l'adaptation à la nouvelle politique agricole commune (PAC). «J'ai dû suivre 500 dossiers individuels courant 1992 et 1993, une bonne formation aux arcanes de Bruxelles», se souvient-il. Dans le même temps, il fut aussi un coureur cycliste amateur de haut niveau, avec deux participations au Tour de Poitou-Charentes. Il a refusé la «chimie», déjà, et n'a pas franchi l'échelon pro.À 27 ans, il a repiqué aux études. Quatre ans plus tard, il sortait major de sa promotion de l'Enita de Bordeaux, diplôme d'ingénieur agro en poche. Retour dans le monde coopératif, toujours dans sa Saintonge natale, ingénieur en développement. L'orge de brasserie puis le maïs destiné au pop-corn en Charente-Maritime et Sud-Charente, ce sont ses idées.«Jusqu'à la fusion de coopératives, la goutte qui fait déborder le vase, le symbole de la fuite en avant de l'agriculture intensive. Je ne pouvais plus faire le grand écart entre mes convictions pour une agriculture réinventée et un boulot alimentaire», résume-t-il avec des mots durs pour les dirigeants coopérateurs. Il a le style direct: «J'ai le sentiment qu'ils sont lobotomisés, dans un moule destructeur qu'ils ont accepté sans broncher.»En 1999, Benoît Biteau est recruté par le Parc du Marais poitevin. Il en sera le directeur adjoint en charge de l'hydraulique, de l'environnement et de l'agriculture, missionné aussi pour créer un conservatoire des espèces rares, sa passion annexe. Il a sur sa propre exploitation des chèvres poitevines, des baudets du Poitou et des traits mulassiers poitevins, une race de chevaux menacée d'extinction. Il restera sept ans au parc. Il y croisera Ségolène Royal, qui en était alors la présidente. «Elle connaissait le sujet. Elle était exigeante, mais savait formidablement valoriser notre travail.»La preuve par l'exempleSégolène Royal avait de bonnes raisons pour le recruter en 2010. Il avait le bon profil pour faire contrepoids aux Verts qui avaient choisi de faire liste à part au premier tour. Sans compter qu'il balaie large sur son nom, impliqué dans le monde associatif et syndical (Confédération paysanne) et adhérent de longue date du Parti radical de gauche, une force qui compte en Charente-Maritime. «Le radicalisme, c'est ma fibre, depuis toujours», dit-il comme une évidence.Dans le hameau où il est né et où il est installé a vécu une figure du radicalisme charentais, Maurice Palmade, plusieurs fois ministre sous la IIIe République. Michel Crépeau, ancien député maire de La Rochelle, fut son élève et, par ses visites à «Berthegille», devint un proche du père de Benoît Biteau. «La séparation de l'Église et de l'État, le Front populaire, la résistance de Jean Moulin, c'est ça le radicalisme, une suite de défis. L'écologie est le nouveau défi à relever»,s'enflamme-t-il.S'il a préféré le vieux parti aux Verts, cela ne l'empêche pas de former un tandem redoutable avec un autre conseiller régional agriculteur, le Vert Serge Morin. «On sait de quoi on parle. On est la preuve par l'exemple qu'une autre agriculture est possible.» Entre un solide dossier sur la nouvelle PAC remise à Dacian Ciolos, le commissaire européen à l'Agriculture, et sa collaboration aux films documentaires écologistes de son copain Jean-Paul Jaud, Benoît Biteau veut croire que de nouvelles graines lèveront. Foi de terrien.
En dates1967. Naissance au hameau de «Berthegille» à Sablonceaux, à deux pas Saujon (17).1990. Décroche son deuxième BTS agricole, entre dans la vie active.1994. Reprend ses études, diplômé ingénieur de l'Enita de Bordeaux en septembre 1997.1999. Recruté par le Parc régional du Marais poitevin, directeur adjoint.2006. Reprend l'exploitation familiale à «Berthegille», 180 hectares qu'il convertit en bio.2009. Décroche le trophée national de l'agriculture durable.
2010. Élu conseiller régional, sous l'étiquette Radical de gauche, dans l'équipe de Ségolène Royal.