Dois-je vous l'avouer ?

Par Gentlemanw

Chère voisine,

Je suis le voisin insignifiant du 3e. Celui que vous croisez parfois en sortant de l'immeuble, moi derrière la porte, vous laissant passer, ou peut-êre lorsque nous essayons de rentrer dans ce local poubelle impossiblement trop petit, sauf pour l'architecte qui l'a conçu. Je me permets, peut-être inspirer par ce sapin de noël dans l'entrée, par la magie de ses instants de fêtes de fin d'année, de vous glisser ces mots. Dans votre boîte aux lettres, car ma timidité bloque mes mots au-delà du simple "bonjour" ou "bonsoir", et que malgré mon âge je n'ai jamais su comment aborder les femmes. Ne voyez pas une proposition mal présentée, une présomptueuse invitation indécente, mais voilà je suis artiste, après mon travail de simple fonctionnaire des impôts. 


Je m'évade d'une grisaille quotidienne nourricière certes mais sans aucune ambition de carrière pour ma part, mon bureau ressemble à une prison dont j'ai la clef, mais aucunement à un paradis fiscal, du moins un lieu d'épanouissement dans le sourire. Une version moderne de Brazil, ce film de Terry Gilliam, sans l'horreur, mais avec la même fantaisie hallucinatoire, j'y survis en rentrant chaque soir, et depuis plusieurs semaines, plusieurs en pensant à vous.


Décemment ! Oui j'emmenerai, j'ose aujourd'hui avec cette lettre, vous photographier ou envisager de pouvoir vous sculpter. Mon approche est purement artistique même si j'oserai encore vous avouer que vos courbes, votre volupté, vous, chère voisine, vous m'inspirez artistiquement. C'est maladroit, mais je bafouillerai moins en écrivant qu'en essayant de vous le dire, en courant après vous dans l'escalier. Moins encore en vous stoppant et vous déclarant ceci, surement invraisemblable, surtout dans notre monde indépendant où l'on communique plus facilement avec des amis inconnus de réseaux, sans parler à nos propres voisins de palier. Je suis un peu diffus, je vous l'accorde, je suis un brin perdu pour cette demande, mais vous êtes une muse malgré vous. J'ai déjà travaillé sur votre silhouette, ici et là, sur du modelage en terre, sur des collages , viendriez-vous les voir ?


Oui, chère voisine, je ne veux vous déranger, et pourtant je viens de le faire en postant ce courrier. Je suis l'homme invisible du 3e gauche, j'admire votre allure et votre présence , car à chacune de nos courtes rencontres, je nourris mon imaginaire d'artiste. Peut-être suis-je trop indiscret ? Si ma proposition vous effraie, venez avec un proche, une amie, pour apprécier, ou non, mes oeuvres. Je ne prétends rien avec mon talent, mais je revis chaque jour en l'exprimant, pas uniquement avec vous, rassurez-vous, mais avec d'autres inspirations. Je suis maladroit pour exprimer mon ressenti créatif.

M. BOTERO

3e Gauche

Nylonement