"La Tour de Nesle" : un jeu de rôle particulièrement crapuleux

Par Bernard Vassor

Par Bernard Vassor

Photographie Atget : rue Mouffetard, cabaret démoli vers 1900

C'est dans le faubourg Saint-Marcel plus précisément dans le sinistre cabaret Le Vieux Chêne* de la rue Mouffetard près de la caserne de la Garde républicaine, que se produisit un des plus ignobles faits-divers qui éclata en 1844. Deux autres cabarets dont l'un se trouvait au numéro 76 face au Vieux chêne et l"autre 66 rue de L'ourcine qui furent aussi le lieu de rencontre de ce cénacle particulier.

Photo Atget 1900

Un sergent de ville en costume de bourgeois, chargé pour des raisons fiscales** et politiques de la surveillance des cabarets fut intrigué par le comportement de certains jeunes garçons qui avaient le visage enduit de suie vêtus de longs manteaux noirs, chapeaux hauts de forme de même couleur, bref, des gothiques avant l'heure. Ces jeunes faux ramoneurs communiquaient à l'aide de signes cabalistiques et lançaient en se séparant la phrase suivante : "A l Tour de Nesle !" Ce policier décida alors une filature qui conduisit à une maison toute proche au numéro 10 de la rue du Pot-de-Fer. Après avoir demandé à ses collègues du renfort, ils firent une descente avec le commissaire du quartier dans un appartement baptisé par les violeurs La Tour de Nesle où les policiers découvrirent avec stupéfaction qu'ils interrompaient une orgie, ou plutôt un viol collectif dont les victimes étaient des jeunes filles endormie, assommées par de puissants  somnifères. Ces jeunes proies se retrouvaient le lendemain matin à demi-nues adossées à une borne. Ces garçons furent condamnés selon La Gazette des tribunaux d'avril 1844 à une peine de cinq ans de prison.

Des précurseurs pas très glorieux.

 Un jeu de rôle pas très drôle...

L'histoire dans l'histoire nous donne froid dans le dos, ces gibiers de Saint-Lazare avaient pris pour modèles les personnages de la pièce d'Alexandre Dumas et Gaillardet jouée la première fois en 1832.

Pour les dix garçons âgés de dix huit à vingt deux ans, le "casting" était le suivant : Marie Poitou la maîtresse du propriétaire de l'appartement un nommé Stanislas Louvet (Buridan bien sûr), était Marguerite de Bourgogne qui avait de bonnes dispositions pour son état de future maquerelle. Les autres inculpés : Bonichon, Pilavoine et Jolly se partageaient les emplois de Gautier d'Aulnay, de son frère, d'Orsini et de quelques comparses de Savoisy et d'Enguerand de Marigny.

* Ce cabaret ouvrit ses portes en 1844 et cessa ses activités en 1891. Entre temps ce bal fut le théâtre d'un assassinat, et le patron succomba à un violent coup de poing qui lui fit éclater la rate en 1851.

**Le droit des pauvres était une taxe fiscale prélevée "sur les distractions des riches" censée devoir bénéficier aux indigents....

Sources

Afred Delvau,

D'après François Gasnault : Bals déliquance et mélodrame dans le Paris romantique