Jacques Tardi – Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, Mon retour en France

Par Yvantilleuil

Après avoir multiplié les ouvrages sur la Der des Ders, Jacques Tardi se penche pour la première fois sur la Seconde Guerre Mondiale. À l’origine de cette saga, il y a trois cahiers d’écolier datant des années 80, minutieusement remplis par René Tardi à la demande de son fils. C’est sur base de ces souvenirs écrits, ponctués de petits croquis pour mieux visualiser les choses, que l’auteur revient sur les évènements que son père a vécus pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Après un premier tome qui revenait sur les cinq années de captivité du sergent-chef René Tardi dans un camp de prisonniers : le Stalag II B, au nord de l’Allemagne en Poméranie, Jacques Tardi raconte le retour au pays de son père. L’avancée menaçante des Russes à l’Est incite les Allemands à évacuer les prisonniers du Stalag IIB. Le 29 janvier 1945 marque ainsi le début d’une longue marche forcée à travers un IIIème Reich qui s’écroule. Cet album raconte le long chemin de croix de prisonniers errant en colonne à travers un pays qui s’effondre. À travers des villages dévastés et sous des températures glaciales, René Tardi et ses compagnons d’infortune vont tenter de survivre, avec l’espoir de pouvoir un jour regagner leur liberté et leur patrie.

La narration de ces mois d’errance a inévitablement quelque chose de monotone. Les jours se suivent et se ressemblent : le froid, la faim, la fatigue, la cruauté de gardiens de plus en plus nerveux, une colonne qui enfile les kilomètres de marche avec peine et grande lenteur et cette impression de se perdre au fil de villages et de fermes qui se ressemblent souvent et dont le nom n’évoque pas forcément grand chose. Jacques Tardi utilise néanmoins tout son talent pour conserver l’attention du lecteur. Comme lors du volet précédent, il se met lui-même en images, sous forme d’un enfant en culottes courtes qui accompagne son paternel tout en le questionnant tout au long de son périple. Ce questionnement contribue à dynamiser le récit, tout en permettant d’y ajouter quelques touches d’humour et de recadrer ce témoignage personnel au sein de la grande Histoire. Je n’étais pas fan de cette approche narrative lors du tome précédent, mais cet accompagnateur virtuel permet ici de briser la monotonie de cette marche interminable.

Découpant ses planches en trois cases horizontales panoramiques, Tardi plonge le lecteur dans un rôle de spectateur, décrivant avec minuties le supplice enduré par tous ces prisonniers de guerre. C’est Rachel Tardi, la fille de l’auteur, qui se charge de la colorisation, rehaussant le travail de son père d’aplats gris et de quelques touches de couleur (pour les drapeaux par exemple). On peut même parler de saga familiale, car c’est Oscar (le fils), qui s’occupe de la documentation que l’on découvre en fin d’album.

« Mon retour en France » est un témoignage historique bouleversant, restituant avec brio le calvaire vécu par ces prisonniers français qui ont mis des mois à regagner leur patrie à la fin du conflit 40-45.

Suite et fin dans le troisième tome.