Au gré des rencontres

Publié le 06 janvier 2015 par Aicasc @aica_sc

 Au gré des rencontres, une collection d’identités

Families
Atanie
Jean- Michel André

Les séries précédentes de Jean- Michel André, Maroc Epuré, Exilés, Dos à la mer, ont démontré sa haute maîtrise de l’art photographique et la sensibilité aiguisée de son regard. Cependant il prend avec Families le parti pris d’une rupture et entreprend d’arpenter des sentiers buissonniers photographiques. Au cours de déambulations iphonéographiques, il capte une suite de portraits, une collection d’identités. Le format réduit, vingt sur vingt centimètres, les postures souvent frontales, les fonds similaires ne sont pas sans évoquer la photo d’identité même si, au contraire, le photographe saisit plutôt l’expression individuelle unique à l’opposé de la neutralité exigée du cliché administratif.
Il ne se situe pas non plus dans la pratique traditionnelle du portrait photographique où le modèle se met sur son trente – et un, se rend dans le studio –photo, prend la pose. Cette pratique a été, il est vrai, revisitée depuis bien longtemps par, entre autres, les auto-représentations fictionnelles de Cindy Sherman, la neutralité monumentale de Thomas Ruff, les self-hybridations d’Orlan, les mutilations numériques Aziz+Cucher, les fragmentations et distorsions d’André Kertesz , la pratique immersive de Marc Patault, les portraits sociologiques d’Andres Serrano.

Families
Janis
Jean- Michel André

Jean – Michel André, équipé de son iphone et de l’application Hipstamatic, va à la rencontre de ses modèles, des passants ordinaires, saisis à l’improviste dans leur tenue de tous les jours.
Légèreté et proximité sont au cœur du processus.
Le photographe déplace ainsi le centre d’intérêt de l’acte photographique puisque ce qui semble ici importer davantage, c’est la rencontre plus que la prise de vue. L’application effectue en effet en grande partie les choix techniques et les réglages. L’image fixe et archive une trace de chaque échange provoqué par la posture dialogique qu’adopte Jean – Michel André, comportement initié dans les années quatre – vingt par Raymond Depardon. Et à l’ère du triomphe du selfie, l’écran de l’iphone de Jean – Michel André reste dirigé vers l’autre et non pas vers soi.
Ainsi chaque modèle, mis ainsi en lumière, sort de l’anonymat le temps d’un clic. Chaque cliché est accompagné d’un prénom.
Chacun vient ainsi « former groupe », constituer une « famille », une galerie de portraits beaux de leurs différences et leurs secrets.

Families
Alfred
Jean- Michel André

A la proximité du photographe et du modèle lors de la captation d’image correspond le rendu intimiste de l’exposition. Les images denses, contrastées, aux bordures irrégulières imitent les transferts à la manière des daguerréotypes, ressemblent à des photos anciennes des albums de famille. Il y a comme une contradiction entre cette technologie dernier cri et le rendu vintage.
André Rouillé évoque la révolution du numérique et la mutation esthétique qu’elle entraîne : le numérique ne permet pas seulement d’opérer plus vite, d’accélérer les protocoles existants … il permet de faire différemment image, d’autres types et d’autres formes d’images (1). Families surfe sur ce paradoxe : développer un style photographique rétro, comparable au rendu argentique, à partir d’application(s) numérique (s).
Jean- Michel André renouvelle ainsi, par son protocole, la pratique du portrait photographique et apporte une couleur personnelle à l’arc – en- ciel des collectionneurs d’identités en Caraïbe comme Gérard Gaskin, Pedro Farias Nardi, Mirto Linguet.

1 André Rouillé, Le numérique, un séisme esthétique in Paris.art.com du 27/02/2014

Dominique Brebion

Families
Renaldo
Jean- Michel André